Chère lectrice, Cher lecteur,
Nous avons tous nos raisons pour aimer une écrivaine ou un écrivain. Nous apprécions son style d’écriture, son imaginaire, ses descriptions, ses personnages. D’ailleurs, Godelieve De Koninck disait dans son article «Mais pourquoi donc faut-il lire?» : «La réponse ne sera pas univoque, mais elle pourrait ressembler à ceci : nous ne lisons pas seulement pour nous détendre, mais aussi pour vivre des tensions, des pulsions et des émotions ; nous lisons pour voyager, pour mépriser, pour admirer, pour comprendre, pour apprendre, pour rire et pour pleurer (1)». Je vais tenter dans ce billet de vous expliquer la raison principale de mon admiration sans borne pour Jane Austen. Bien sûr, lorsque nous évoquons le nom de la célèbre écrivaine britannique nous pensons à Élizabeth Bennet, à Emma ou encore aux sœurs Dashwood ou à Anne Elliot. Nous pouvons également avoir en tête les châteaux d’Angleterre, les bals, les tenues de soirée, etc. Chaque année, je me fais plaisir et je relis un récit de Jane Austen. Pourquoi? Jane Austen me fait du bien, elle réussit à me faire rire car elle a su créer des sottes et des sots inoubliables. Elle ne les épargne pas dans ses récits. Bien au contraire, elle les met en opposition avec des personnages au sens des valeurs humaines profondes et nobles. Elle est sans pitié avec eux. Je n’ai qu’à penser à M. Collins et Mme Bennet dans Orgueil et préjugés, à sir Walter Elliot dans Persuasion, à Lady Bertram dans Mansfield Park ou encore à M. Woodhouse dans Emma et un sourire se pointe sur mon visage. Pour vous donner un exemple, dès le début de Persuasion, Jane Austen décrit sir Walter Elliot en ces termes :
La vanité était le commencement et la fin du caractère de sir Elliot : vanité personnelle, et vanité de rang. Il avait été remarquablement beau dans sa jeunesse, et à cinquante-quatre ans, tant très bien conservé, il avait plus de prétentions à la beauté que bien des femmes, et il était plus satisfait de sa place dans la société que le valet d’un Lord de fraîche date. À ses yeux, la beauté n’était inférieure qu’à la noblesse, et le sir Walter Elliot , qui réunissait tous ces dons, était l’objet constant de son propre respect et de sa vénération (2).
Dans ce roman, la vanité de sir Elliot semble s’opposer à la modestie de sa fille Anne. D’ailleurs, Jane Austen, la présente ainsi :
[…] mais Anne, avec une distinction d’esprit et une douceur de caractère que toute personne intelligente savait apprécier, n’était rien pour son père, ni sa sœur. On ne faisait aucun cas de ce qu’elle disait, et elle devait toujours s’effacer; enfin elle n’était qu’Anne (3).
Jane Austen mentionne clairement aux lecteurs que sir Elliot et son autre fille manquent de bon sens car ils ne considèrent pas la douce Anne. Grâce aux personnages de Jane Austen, j’assiste à un véritable spectacle d’opposition des caractères. L’écrivaine réussit à rassembler des personnages aux idéaux contraires et à les faire évoluer dans un récit pour le plus grand plaisir du lecteur. Virginia Woolf, une autre de mes écrivaines préférées, dira de Jane Austen :
L’intelligence de Jane Austen n’a d’égale que la perfection de son goût. Ses sots sont des sots, ses snobs des snobs, parce qu’ils s’éloignent du modèle de raison et de bon sens qu’elle a en tête, et qu’elle nous transmet clairement à l’instant même où elle nous fait rire. Jamais romancier n’a fait autant usage, et à la perfection, de son sens des valeurs humaines. C’est en contraste avec un cœur sûr, un goût infaillible, des principes moraux presque austères, qu’elle fait ressortir ces traits, qui vont à l’encontre de ce qui est bon, vrai et sincère, et qui sont parmi les choses les plus délicieuses de la langue anglaise (4).
Les sots ou les sottes chez Jane Austen ne sont pas bien méchants. Ils sont simplement ce qu’ils sont, c’est-à-dire, des sots. Je ris car le pauvre M. Woodhouse est perturbé car il s’inquiète si les fenêtres seront ouvertes lors d’un bal car il ne veut pas que sa fille ou les jeunes souffrent du froid; il consulte son médecin pour un rien. Le fait qu’il soit un hypocondriaque provoque des situations loufoques et entraîne des descriptions de scènes humoristiques.
Mais encore, Jane Austen a créé l’un des sots les plus remarquables de la littérature anglaise, c’est-à-dire M. Collins. Il faut revoir la série de la BBC pour observer la finesse du jeu de l’acteur qui interprète M. Collins. L’écrivaine le présente en ces termes :
M.Collins était dépourvu d’intelligence, et ni l’éducation, ni l’expérience ne l’avaient aidé à combler cette lacune de la nature. Son père, sous la direction duquel il avait passé la plus grande partie de sa jeunesse, était un homme avare et illettré, et lui-même, à l’Université où il n’était demeuré que le temps nécessaire pour la préparation de sa carrière, n’avait fait aucune relation profitable.
Le rude joug de l’autorité paternelle lui avait donné dans les manières une grande humilité qui combattait maintenant la fatuité naturelle à un esprit médiocre et enivré par une prospérité rapide et inattendue.
Une heureuse chance l’avait mis sur le chemin de lady Catherine de Bourgh au moment où le bénéfice d’Hunsford se trouvait vacant, et la vénération que lui inspirait sa noble protectrice, jointe à la haute opinion qu’il avait de lui-même et de son autorité pastorale, faisaient de M. Collins un mélange singulier de servilité et d’importance, d’orgueil et d’obséquiosité (5).
Comment ne pas ressentir du plaisir devant la description d’un tel personnage? Jane Austen tranchera presque la tête à ce dernier en le plaçant dans des situations qui frôlent l’absurde. Ainsi, elle fait en sorte qu’il s’entiche de la vive Élizabeth et qu’il lui demande sa main. Le pauvre essuiera bien entendu un refus et il ne se rendra même pas compte qu’il se couvre de ridicule. Même le père d’Élizabeth dira à sa fille que si elle épouse M. Collins, il ne lui parlera plus jamais. C’est donc peu dire lui qui a quatre filles à marier et qui est sans héritier…
Enfin, il faut observer la finesse psychologique des personnages. Jane Austen avait un don pour faire de l’ironie, opposer les valeurs humaines, décrire les mœurs. Grâce à ses romans, je me sens mieux car ils sont dotés de sots qui illuminent ma vie à leur manière car ils me font rire.
Je vous invite donc à la lire ou à la relire pour votre plus grand plaisir!
Et vous, quel personnage dans les romans de Jane Austen vous amuse le plus?
Bien à vous,
Madame lit
Références :
- DE KONINCK, Godelieve. «Mais pourquoi donc faut-il lire?» , Québec français, Hiver 2000, p. 29-33.
- AUSTEN, Jane. L’intrégale illustrée-Persuasion, Montréal, Les Éditions Caractère inc, 2014, p. 725.
- Ibid., p. 726.
- WOOLF, Virginia. «Préface», Orgueil et préjugés, Paris, 10/18, 2006, 13-14.
- AUSTEN, Jane. L’intrégale illustrée-Orgueil et préjugés, Montréal, Les Éditions Caractère inc, 2014, p. 218.
Ton article est très intéressant ! Honte à moi je n’ai jamais lu de Jane Austen, mais je suis très curieuse d’entrer dans son univers =) Merci de m’avoir donner ton avis car ta passion pour l’auteur ressort vraiment =)
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Merci pour ce beau commentaire concernant mon texte! J’apprécie =). J’espère que tu aimeras autant cette écrivaine que moi. J’ai déjà hâte d’en discuter avec toi!
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Excellent article 🙂 Jane Austen continue d’inspirer beaucoup de lecteurs. Je suis une Janéite également.
(Commentaire à publier, plutôt que le précédent, merci)
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Merci beaucoup pour ton commentaire! Et oui, nous sommes des passionnées de Jane Austen. Nous aurons certainement de belles discussions littéraires à propos de cette écrivaine =). As-tu lu tous les romans de Jane Austen?
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Oui tous sauf Northanger Abbey 🙂
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C’est un excellent récit! J’espère qu’il te plaira! Bonne lecture! =)
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Merci je ne l’ai pas encore dans ma PAL 🙂 merci.
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Merci Nathalie, quel bel article, comme tu le sais, j’aime aussi Jane Austen et les personnages qui peuplent ses histoires. Tes descriptions m’ont fait sourire et rire aussi. Merci de si bien transmettre ta passion.
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Merci beaucoup Diana! J’apprécie vraiment ton commentaire car je sais que tu es une vraie passionnée de l’univers de Jane Austen! Cela me fait chaud au cœur!
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Un très bel article, merci, ça fait du bien!! C’est effectivement la dimension psychologique que j’apprécie moi-même le plus dans ses romans et que je trouve vraiment intéressante et je suis toujours affligée lorsqu’on ne parle que de romance et de romantisme.
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Je te comprends très bien. Jane Austen en tant qu’écrivaine était tellement plus…elle savait comment créer des personnages avec toute sa finesse et son intelligence… Merci!
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Non, non, le blog n’est pas privé, c’est ce lien wordpress qui n’est pas bon, je ne sais pas pourquoi. Du coup je te donne le lien mais n’hésite pas à l’effacer tout de suite après si ça t’embête: http://janeausten.hautetfort.com
Et j’ai un site aussi: http://www.janeausten.fr 🙂
Et pour Lady Susan, je l’ai lu bien sûr, et j’aime beaucoup. (mais j’aime tout de Jane!!)
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Super! Je vais jeter un coup d’œil. Je te parlais plutôt du billet que j’ai rédigé sur Lady Susan. Voici le lien : https://madamelit.wordpress.com/2015/08/23/madame-lit-sa-chronique-dun-roman-de-jane-austen/. Merci et au plaisir d’échanger!
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Bizarrement, je ne pas changer mes paramètres wordpress pour te laisser un message donc, puisque ça ne veux pas le dire, je me présente quand même: je suis Alice, du blog Jane Austen is my Wonderland. 🙂
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Je suis bien contente de l’apprendre! Je me suis abonnée à ta page Facebook. N’hésite pas à venir me faire un petit coucou et à commenter mes billets! C’est toujours un plaisir! J’ai rédigé un autre article sur Lady Susan de Jane Austen. Je ne sais pas si tu as eu la chance de le lire. Au plaisir!
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Aussi, je n’ai pas pu aller visiter ton blogue car il est privé… Bonne fin de journée!
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Quelle belle plume, comme toujours !
L’univers de Jane Austen est très riche, c’est d’ailleurs ce que j’aime le plus dans ses romans. Ses histoires comme ses personnages sont toujours très bien fournis. Ce qui nous permet de recréer dans notre imaginaire le monde de Jane Austen. Je ne connais que trop peu cette auteure, mais c’est ce qu’elle m’a fait ressentir dans mes lectures. J’espère approfondir ma relation avec l’auteure. En tout cas ton billet donne envie !
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Merci! Nous aurons certainement la chance de nous en reparler…
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Avec grand plaisir. Je vais m’empresser de lire « Mansfield park » !
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Magnifique article 🙂 j’adore Jane Austen et je suis entièrement d’accord ! Rien que de penser à Mr Collins lors de ma lecture de ton article j’avais un grand sourire !
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Merci ! Nous avons un sens de l’humour similaire alors! 🙂
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Article vraiment sympa sur Jane Austen et sa façon de dépeindre ses personnages 🙂 En effet, son humour tout en ironie est juste parfait et j’ai bien rigolé aussi. Mr Collins est juste trop drôle ! Mme Bennett aussi d’ailleurs qui est à l’opposé de son mari ! Et merci encore pour ton compliment sur ma chronique d’orgueil et préjugés vu que tu es fan d’orgueil et préjugés ça me touche d’autant plus 🙂
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Merci à toi d’avoir pris le temps de lire aussi ma chronique! Et oui, Jane Austen et moi, c’est une longue histoire d’amour! J’aime son ironie et son sens de l’humour. Au plaisir de relire un autre billet de Jane Austen sur ton blogue!
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J’avais raté ce superbe article…
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J’espère qu’il t’a fait au moins sourire ;)!
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🙂
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Tu m’as convaincu nat. Je vais la lire. Passe une belle journée !
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Je suis contente de l’apprendre Cat! Bonne fin de journée à toi!
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J’ai aussi Emma dans ma PAL. Je pense le lire prochainement.
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Bonne lecture alors! 🙂
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