99 F de Beigbeder est un roman sombre, dure. Ce récit raconte l’histoire d’Octave, un publicitaire égocentrique de 33 ans, mal dans sa peau, drogué, riche qui au fil des pages, tombe dans une déchéance totale. Le lecteur assiste à l’éclatement de l’être humain dans son identité (les différents pronoms associés aux chapitres du roman en témoignent à travers les points du vue narratologiques). Le lecteur se retrouve devant un être morcelé qui est conscient de son mal d’être mais qui ne veut pas nécessairement se soigner. Ainsi, il lit la «confession d’un enfant du millénaire» qui dénonce l’idéologie du capitalisme qui sous-tend une gratification par le biais de la consommation. Comme le mentionne Octave dès le début :
Tout est provisoire et tout s’achète. L’homme est un produit comme les autres, avec une date limite de vente. Voilà pourquoi j’ai décidé de prendre ma retraite à 33 ans. C’est, paraît-il, l’âge idéal pour ressusciter (p. 16).
Le bonheur s’avère une quête inaccessible, la vie éphémère car elle est manipulée par des publicitaires qui ne cessent de créer des besoins en fonction de la nouveauté. À cet égard, l’homme demeure un éternel insatisfait.
Votre souffrance dope le commerce. Dans notre jargon, on l’a baptisée «la déception post-achat». Il vous faut d’urgence un produit, mais dès que vous le possédez, il vous en faut un autre. L’hédonisme n’est pas un humanisme : c’est du cash-flow. Sa devise?? Je dépense donc je suis. Mais pour créer des besoins, il faut attiser la jalousie, la douleur, l’inassouvissement, telles sont mes munitions. Et ma cible, c’est vous (17-18).
Entre le monde de l’homo-consommatus et celui du publicitaire, y a –t-il une possibilité de rédemption? Selon le roman, l’économie est reine car tout s’achète, tout se vend. Octave est certes un homme intelligent, toutefois, il est à l’image de cette société de spectacle où tout le monde est malheureux dans l’ère du vide.
Rien n’a changé depuis Pascal : l’homme continue de fuir son angoisse dans le divertissement. Simplement le divertissement est devenu si omniprésent qu’il a remplacé Dieu. Comment fuir le divertissement? En affrontant l’angoisse (p. 143).
À cet effet, l’hédonisme devient l’ennui. Et, il faut absolument fuir l’ennui. Être tout simplement dans un ailleurs meilleur. À la fin du récit, Octave invente même Ghost Island, un paradis perdu situé dans l’archipel des Caïmans où les morts finissent par en avoir marre du bonheur. Toutefois, en prison, Octave accroche sur son mur l’image d’une toile de Gauguin, La Pirogue. Cette dernière lui présente la beauté dans sa simplicité.
J’ai bien aimé ce livre. Octave m’a fait beaucoup réfléchir sur le sens de la vie, sur notre rapport à l’autre ou à l’objet. Je sors toutefois un peu perturbée par toute cette manipulation autour d’un bonheur créé par des publicitaires où tout n’est qu’illusion. L’être humain se retrouve alors devant un vide existentiel, un désespoir et il devient une victime dont se nourrit l’économie. Triste? Réaliste? Pessimiste? À vous de voir…Comme le soulève le narrateur :
À un moment, quand on dit aux gens que leur vie n’a aucun sens, ils deviennent tous complètement fous, ils courent partout en poussant des cris, ils n’arrivent pas à accepter que leur existence n’a pas de but, quand on y réfléchit c’est assez inadmissible de se dire qu’on est là pour rien, pour mourir et c’est tout, pas étonnant que tout le monde devienne cinglé sur la terre (p. 258-259).
Ce livre semble un incontournable pour bien saisir les enjeux du pouvoir des médias à notre époque…
Avez-vous déjà lu un roman abordant ce thème?
Bien à vous,
Madame lit
BEIGBEDER, Frédéric. 99 F, Paris, Grasset, 2000, 281 p.
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La thématique est pour moi très intéressante. Ce livre m’a un peu fait penser à « Fight Club » avec un peu moins de réussite mais il est toujours utile de montrer l’envers du décors même si pour cela, un approfondissement serait nécessaire !
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Je n’ai pas lu Fight Club. Toutefois, 99 F offre un spectacle décadent au lecteur en ce qui concerne la société… J’aurais pu écrire un plus long billet mais, l’essentiel est là. As-tu aimé Fight Club? De mon côté, ce livre m’a fait penser à ceux de Réjean Ducharme en raison de l’autodérision, les jeu de mots, les valeurs dénoncées, la consommation, etc.
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J’ai lu L’amour dure trois ans de l’auteur, que j’ai adoré pour son cynisme qui finalement décrit la réalité. Celui-ci semble vraiment pessimiste, il doit falloir être dans un bon jour pour le lire, mais je pense qu’il est intéressant dans ce qu’il décrit. Il me donne envie en tout cas =)
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J’ai bien aimé L’amour dure trois ans. Je te conseille sans aucun doute ce dernier. :-). Bonne lecture et merci!
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J’arrive sur votre blog par les hasards du surf…
… c’est un roman qui m’a réconcilié avec Frédéric Beigbeder, après « L’amour dure trois ans » qui m’avait déçu (c’était au siècle dernier). Il m’a même paradoxalement énervé: comment peut-on faire un livre à la fois si kitsch et si juste?!
Je continue ma balade chez vous…
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Je suis ravie de votre exploration de mon blogue. J’espère qu’il vous accrochera par le biais de mes articles. Au plaisir!
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Merci de votre accueil! Je viens d’ajouter votre blog à la bloguerolle dynamique du mien ( http://fattorius.blogspot.com ) pour vous suivre. Je lis peu de littérature québécoise, mais ne demande qu’à découvrir! 🙂
Bonne semaine à vous!
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Je viens aussi de m’abonner à votre blogue. Au plaisir d’échanger!
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Super! Je vous remercie de votre intérêt! A bientôt donc, ici ou là! 🙂
Je vous souhaite une excellente journée.
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