Après avoir terminé Eugène Onéguine de Pouchkine, le seul mot qui me vient en tête c’est chef d’œuvre. On peut se poser la question suivante. Qu’est-ce qu’un chef d’œuvre en littérature? Beaucoup de théoriciens ont tenté d’y répondre. Pour Cocteau : «Un chef-d’oeuvre de la littérature n’est jamais qu’un dictionnaire en désordre». Tandis que pour Georges Courteline : «On entend par “chef d’œuvre”, en matière littéraire, un ensemble de vers ou de lignes dont on ne conçoit pas qu’un seul mot puisse être remplacé par un autre.» À cet égard, sa pensée rejoint la mienne en ce qui concerne Eugène Onéguine. La lectrice que je suis qualifie ce roman de chef d’œuvre. Je ne voudrais pas voir changer un mot, une ligne, une idée. Le faire serait un sacrilège. Ce récit parle d’amour, de jeunesse, de dandysme, de mort, de vie à la campagne, de regret. Le lecteur suit le parcours d’Eugène Onéguine, un dandy qui, habité par le spleen, va s’établir à la campagne après avoir hérité de son oncle d’une propriété. Il se lie d’amitié peu de temps après son arrivée avec Lenski, le poète, qui lui confie qu’il est passionnément amoureux d’Olga Larine, une voisine. Par la suite, Lenski présente à Onéguine la belle Olga lors d’une visite. Durant cette rencontre, la sœur aînée d’Olga, Tatiana, tombe immédiatement amoureuse d’Onéguine.
8.
Il est enfin venu… Elle ouvre
Les yeux, et elle dit : C’est lui.
Désormais ses nuits et ses jours,
La solitude de son rêve,
Tout est plein de lui. Tout lui parle
Avec une force magique
De lui. Les aimables propos
Lui pèsent, comme les regards
Trop attentifs des domestiques.
En proie à la mélancolie,
Elle maudit les visiteurs
Qui arrivent sans crier gare,
Qui ont eu le temps de bavarder
Et qui s’installent pour des heures. (p. 100)
Toutefois, Onéguine repousse son amour en lui disant qu’il est incapable de la rendre heureuse. Durant la soirée d’anniversaire de Tatiana, alors qu’il s’ennuie, Onéguine décide de courtiser Olga. Blessé, Lenski le provoque en duel. Onéguine tue son ami et part en voyage. Il revient plus tard en ville, où, lors d’une soirée, il revoit Tatiana, mariée à un vieux prince. Il comprend alors qu’il a commis une grosse erreur en la rejetant et il lui envoie des lettres d’amour qui demeurent sans réponse. Il décide finalement de se rendre chez Tatiana et il la retrouve en larmes avec sa dernière missive entre les mains. La belle ne l’a pas oublié. Cependant, elle lui dit ceci :
46.
Mais, Onéguine, tout ce luxe,
Tout ce clinquant de l’existence,
Mes succès mondains, ma maison,
Mes fêtes qui donnent le ton,
J’en suis lasse, je donnerais
Ces oripeaux de bal masqué,
Cet éclat, ce bruit, ces vapeurs,
Pour un jardin, pour quelques livres,
Pour notre maison toute simple,
Onéguine, qui est le lieu
De notre première rencontre
Et pour le calme cimetière
Où la croix et l’ombre des branches
Veillent sur ma pauvre nourrice.47.
Et le bonheur était si proche,
Si possible… Mais le destin
A tranché. J’ai agi peut-être
Trop vite. Ma mère pleurait,
Suppliait. J’aurais accepté
N’importe quoi. Tout se valait.
La pauvre Tania s’est mariée.
Et maintenant, je vous en prie,
Laissez-moi en paix. Il le faut.
Je sais que votre cœur est plein
De fierté, de sens de l’honneur.
Je vous aime (pourquoi mentir?),
Mais je suis la femme d’un autre,
Et je lui resterai fidèle. (p. 264-265)
Comme ces vers sont beaux! Ils représentent à eux seuls le drame de ce récit, sa finalité, son dernier soupir. Onéguine est confronté à son amour perdu….
Mais encore, Tatiana est décrite par le narrateur comme un idéal, une perfection, une figure utopique. Tandis qu’Onéguine est plutôt associé au vide, au chaos, au pédantisme. Le narrateur ressent beaucoup de tendresse pour ces deux êtres très différents, que tout oppose, mais que l’amour unie. Le lecteur assiste à l’histoire d’un amour qui aurait pu être… si seulement.
Pouchkine aurait rédigé Eugène Onéguine pendant 8 ans. Aujourd’hui, ce roman est qualifié comme étant «le plus célèbre roman de la littérature russe». Un opéra lui est même consacré.
Alors que dire de plus? Lisez-le et vous serez sans aucun doute charmé par tant de beauté…Que pensez-vous d’un roman en vers?
Bien à vous,
Madame lit
POUCHKINE, Alexandre. Eugène Onéguine, Paris, Gallimard, collection Folio classique, 2001, 336 p.
cette critique est vraiment belle, elle rend hommage a une œuvre hors du commun..
l’écriture de Pouchkine est belle, soignée,
en terminale notre professeur de russe nous a fait apprendre par cœur les 80 vers de la lettre de Tatiana à Eugène et c’est encore un excellent souvenir tant j’ai aimé la sonorité, la précision des mots…
cela me donne envie de relire ce livre
http://eveyeshe.canalblog. com
je n’ai pu me connecter que par mn compte wordpress qui n’est pas un blog littéraire…
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Je te remercie pour ce beau commentaire. C’est apprécié! Comme tu as pu le constater, j’ai adoré cette lecture. Pouchkine est tout simplement un génie. Son écriture en témoigne. C’est incroyable! N’hésite pas à suivre mon blogue et je vais aller consulter le tien. J’adore échanger!
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je me suis abonnée à ton blog qui me plaît bien. moi aussi j’adore échanger découvrir des livres que les lecteurs ont aimé ou les déceptions et partager mes « coups de coeur ou autre…
mon blog littéraire est sur canalblog: « Les livres d’Eve »
« Des maux et des mots » sur wordpress est un blog en cours d’élaboration où je voudrais parler de ma maladie, la fibromyalgie en positivant si possible mais je ne suis pas sûre que ce soit une bonne idée…
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Je pense que ton blogue sur la fibromyalgie serait une très bonne idée… c’est une maladie qui demeure incomprise et dont il est difficile de parler. Le titre de ton blogue serait porteur de sens… Je crois que je me suis abonnée à l’infolettre de ton blogue avec mon courriel Gmail. Peux-tu vérifier si cela a fonctionné? Cordialement.
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Ça a l’air d’être une sacrée lecture – pour être qualifié de chef d’oeuvre. Les chefs d’oeuvre me font peur en général, mais tu me convaincs d’essayer. Les passages que tu nous offres sont sublimes !
Merci.
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Oui, c’est une lecture sacrée… :-). Je suis encore dans l’émotion de ce texte…J’espère que tu apprécieras ce roman en vers autant que moi! Tu sais, la notion de chef d’œuvre, est je crois, quelque chose de très personnelle… Merci!
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n’hésite pas avec les « classiques ». le 19e est mon siècle préféré depuis l’adolescence avec un coup de foudre pour « Eugénie Grandet que j’avais reçu en prix (à l’époque il y avait classement distribution des prix…) et après je me suis mis un frein car je voulais lire les auteurs contemporains et j’avais peur de faire « une critique » sur un chef d’œuvre, mais je pense qu’il faut suivre ses envies..
je viens d’entamer « La peau de chagrin » de Balzac et l’écriture est sublime…
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Je vais avoir hâte de lire ton billet! J’ai lu Eugénie Grandet il y a plusieurs années. Il faudrait que je relise ce livre car tout de Balzac est loin dans ma mémoire…
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J’ai toujours un peu peur moi aussi de ces grands classiques mais je pense qu’il faudrait que je m’y frotte, je suis sure que j’aimerai beaucoup =)
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Il ne faut pas avoir peur… il importe, je crois, de se laisser la chance d’être enchantée, emportée, éblouie…
Lire de tout, des classiques, comme des romans contemporains, sans peur et sans regret… du moins, je l’espère. Je suis certaine que si tu as apprécié les extraits que j’ai cités dans mon article, tu vas être en mesure d’admirer tout le travail présent dans ce roman en vers. Merci!
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Je pense que je me met la pression pour rien, car j’ai appréciée certains classiques donc je n’ai plus qu’à me lancer =)
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Je te le souhaite!!! 🙂 Tu m’en donneras des nouvelles!
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