Chère lectrice, Cher lecteur,
Entrer dans Les maisons de Fanny Britt, c’est pénétrer dans l’univers intime de Tessa, une mère de 3 jeunes garçons et conjointe adorée d’un musicien. Tessa est âgée de 37 ans et elle exerce le métier d’agente immobilière. Par le plus grand des hasards, elle revoit son premier amour, celui qu’elle n’a jamais pu oublier, celui qu’elle a toujours gardé enfoui dans les tréfonds de son âme. Cet homme, après l’avoir revue, l’appelle et les deux anciens amants se fixent un rendez-vous quelques jours plus tard. Pendant ces trois journées d’attente, Tessa est alors confrontée à ses souvenirs et elle entre en conflit avec ses émotions.
Ce livre offre une belle métaphore textuelle, celle de l’intériorité versus l’extériorité par le biais de la maison. Tessa projette l’image d’une mère aimante, d’une conjointe attentionnée et d’une agente immobilière à l’écoute de ses clients. Sa façade est bien belle, donc le portrait qu’elle offre apparaît quasiment parfait. Pourtant, qu’est-ce qui se cache derrière la porte de cette femme? Dans ce récit, le lecteur est amené à l’intérieur de Tessa et il comprend qu’elle ne va pas bien. Est-ce la peur de vieillir ou encore est-ce la faute aux démons de son passé? Est-ce associé à la société qui impose un certain mode de vie? Le lecteur accompagne Tessa en fouillant avec elle les méandres de sa pensée, en revisitant les lieux qui l’ont marquée, en rencontrant les gens qu’elle a côtoyés et en étant témoin des drames qu’elle a vécus. Tessa renoue avec la petite fille en elle et l’amoureuse passionnée qu’elle a été.
Attendre. Pressentir avec effroi et exaltation qu’on en espère autant qu’au premier jour, que la fièvre ne se guérit pas, qu’on est une chandelle fondue, que le pouvoir a toujours été et sera toujours du côté des autres, que rien, ni le temps, ni les enfants, ni les briques qu’on a farouchement empilées n’ont d’effet sur le sombre désir de dire oui à cet homme absent depuis si longtemps. (p. 37)
En ce sens, Francis apparaît comme le fil reliant Tessa à son passé, à ce qu’elle a perdu : sa jeunesse et sa fougue. Cet homme est omniprésent dans sa vie depuis des années ; c’est à lui qu’elle s’adresse. Il est devenu son compagnon intérieur. Comme elle le mentionne :
Ce qui est étrange, c’est que j’ai beaucoup parlé à Francis, dans ma tête, depuis quinze ans. Il a assisté à la résolution de plus d’un conflit intérieur. (p. 205)
À cet égard, Tessa a perdu ses repères et elle essaie de retrouver sa place à la suite de ses retrouvailles avec Francis. Ses murs intérieurs sont ébranlés. Lors de leur première rencontre, elle s’était dit qu’elle n’aimerait plus jamais personne comme elle l’a aimé. Pourtant, à la fin, elle prend conscience qu’elle a vieilli, tout comme lui, que cet amour n’est qu’un fantasme et qu’il est tributaire d’une période révolue.
Mais ces versions de nous n’existent plus.
N’est-ce pas d’une éclatante évidence? Est-il encore possible que ce soit lui, mon amour torrentiel? Ses cheveux grisonnants mais surtout clairsemés- en fait, pas tant clairsemés que duveteux, une tragi-comédie qui arrive aux hommes vieillissants, les faisant ressembler pendant un temps à des canetons, inoffensifs comme de la barbe à papa- ses cheveux changés, en tout cas, et puis les vêtements, ceux-là mêmes qu’il aimait à l’époque, mais qui désormais lui donnent un air tristounet, ce Francis réel, en somme, que vient-il faire dans mes délires? N’est-il pas aussi ridicule que moi dans mon costume de matrone dépressive?
N’a-t-il pas, autant que moi, douloureusement honte?
Ne sommes-nous pas les tristes, tristes clowns d’un sketch éculé? (p. 205)
J’ai beaucoup aimé cette histoire en raison du lien intime qui se noue entre l’instance lectrice et Tessa. Cette dernière apparaît en pleine crise identitaire et elle tente de se retrouver dans son rapport au désir. Donc, j’ai apprécié cette crise de la quarantaine que traverse Tessa en silence. L’écrivaine trace le portrait d’une femme qui s’est développée à travers ses peines et ses échecs. Chaque pierre de son être raconte une histoire… Tessa doit faire la paix entre ce qu’elle attendait de la vie au début de la vingtaine et ce qu’elle est 20 ans plus tard…Entre illusion et désillusion, il lui faut redéfinir les cloisons de sa maison afin d’accepter la réalité.
Aussi, le thème de l’adultère apparaît central mais d’autres viennent s’y greffer comme la maternité, l’amitié et le vieillissement.
Alors, je vous recommande certainement d’ouvrir les portes des Maisons de Fanny Britt. Je suis convaincue que vous ne serez pas déçu par cette écriture intelligente, sensible…
Aimez-vous les récits abordant les crises existentielles? Si oui, quel titre vous vient en tête?
Bien à vous,
Madame lit
Britt, F. (2015). Les maisons. Gatineau : Le Cheval d’août, 221 p.
Je vais bientôt avoir 40, mais sans faire de crise j’espère… J’aime beaucoup ce type de récit…
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Courage, les hommes, c’est parfois la cinquantaine! 🙂 J’aime beaucoup ce type de récit et surtout, l’intelligence que l’on ressent à travers la plume de l’auteure…
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Hehe, et, c’est aussi parfois jamais 😉 Oui, moi aussi j’aime ce type de récit…
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🙂
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C’est un prénom de personnage assez rare dans la littérature que le mien… Les romans sur les crises existentielles donnent souvent de beaux récits. Je vais réfléchir à ceux qui m’ont marqué…
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Un beau prénom pourtant! Bonne réflexion alors…
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Des livres abordant le thème des crises existentielles je n’ai pas le souvenir d’en avoir lu . En avoir fait, c’est certain !
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Bon courage avec vos crises! Elles aident à grandir…
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J’aime l’idée de la maison comme métaphore de l’intériorité, on ferme on ouvre les portes à qui l’on veut, on cache, on découvre,
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C’est bien cela…j’aime aussi cette métaphore qui engendre une cohérence textuelle dans ce récit. Cette dernière est bien exploitée. J’ai eu un beau coup de cœur pour le roman!
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J’ai bien aimé aussi. Même si j’ai trouvé que ça ressemblait plus à une longue nouvelle qu’à un roman: un seul personnage ou presque, une histoire droite comme une seule rue avec quelques petites ruelles de chaque côté. Mais heureusement, j’adore les histoires qui fouillent dans le coeur des gens et qui ne font pas que décrire des actions.
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Oui, un roman de l’intériorité…comme vous, j’aime ce type de récit… L’action parfois me fait reculer en raison de la violence qui est surexploitée…
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Très jolie chronique qui donne envie de lire le livre !
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Merci beaucoup! C’est un roman coup de coeur! Il ne faut pas hésiter à plonger dans cet univers!
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Encore une fois tu me donnes envie de découvrir un livre en dehors de mon univers livresque de prédilection. Merci !
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Je suis bien contente de l’apprendre! 🙂
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Un article qui donne envie de se plonger dans ce titre que tu me fais découvrir.
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Merci et ce livre mérite certainement d’être découvert chez vous! 🙂
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