Chère lectrice, Cher lecteur,
Aujourd’hui, je me permets de vous présenter un poème d’un poète d’Hawkesbury, petite ville de l’Est ontarien. Cette municipalité est située à une cinquantaine de minutes de chez moi (je vis à Ottawa). Grâce à son recueil Les Faux-fuyants, publié en 2002, Éric Charlebois démontre qu’il sait manier la langue et il s’impose comme une figure de la relève de l’époque de la scène franco-ontarienne . J’ai choisi de partager avec vous un extrait de «Blanc», car ce dernier parle du principe de l’écriture, d’une prise de conscience par rapport à la vie et des souvenirs….
BLANC
J’écris comme on consulte un album de photos
une photographie, c’est l’existence au plus-que-parfait du subjonctif
à l’imparfait du subversif, du disjonctifJ’essaie de me souvenir
comme l’enfant de la photo en couleur essaie de survenir
il se demande quel âge il aura en 2000
quand il aura terminé et miné ses études universitairesIl rêve d’écrire un poème autobiographique
biophotographique, autobiograffiti
Quand il aura assez vécu pour ne plus écrire au futur antérieur
de la foutaise extérieureIl ne sert à rien de vivre
si sa vie se perd au gré du présent, de l’opalescence
de l’espace qui sépare les photos en couleur dans l’albumLe temps est blanc et hermétique
Le temps taille les images
Les images taillent l’espace
L’espace taille les mots
Les mots taillent le temps
au stylet, au stylographe, que je tiens, inerte
comme la photo en couleur de mon grand-père
qui signe le registre matrimonial de mes parentsL’encre est noire comme un abîme
Je suis seul à Chapleau (Ontario)
(C’est écrit ainsi, de façon insignifiante,
dans la postface de Maria Chapdelaine.)
C’est la postface de mon passé
Je vois des arbres
Je sens la sève des conifères
J’entends le crépitement des aiguilles qui me crèvent les yeux
laissant couler ma mémoire en un flux sanguin
qui se coagule en encre noireJe cherche un signe postcurseur de mes souvenirs autour de moi
Je cherche une cartromancière qui me raconterait mon passé
J’ai trop longtemps cherché mon avenir dans les signes du présentJe n’ai qu’un présent perpétuel
J’ai atteint mon avenir
J’ai éteint mon passé
Je veux que s’irise le blanc de ma mémoire
Je veux souiller ce sens trop propre
Je marche en quête d’un signe :
des arbres, des lacs, la faune, des rails.Non
Tout est univoque
Je suis un homme qui marche
Je suis trop conscient
je ne puis me désarçonner
abruti par la gravité de l’écritureJ’ai été…
J’ai fait…Je suis l’encre noire
Je me perds dans le présent
comme les bienheureux se perdent dans le passé
[…] (p. 19-21)
Comment avez-vous trouvé cet extrait?
Bien à vous,
Madame lit
Charlebois, É. (2002). Faux-fuyants. Hull : Le Nordir.
J’aime beaucoup 🙂
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Merci! C’est gentil! 🙂
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Wouahou ! Superbe. Moi aussi j’aime beaucoup !
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Merci! Je suis bien contente d’avoir partagé ce poème pour vous faire découvrir son auteur!
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Merci vraiment !
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🙂
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Éveille la curiosité … Merci pour ce partage
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Au plaisir…
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Sublime ! J’aime beaucoup…
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Merci Goran!
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Beaucoup aimé aussi. J’aime comment il joue avec les mots. Même si je savais que la maison d’édition Le Nordir avait fermé ses portes il y a quelques années, même si je connais les Prix Trillium et Le Droit, et encore plus l,association des auteurs de l’Ontario français, je ne connaissais pas cet auteur. (Il faut dire que je ne connais pas non plus tous les auteurs de l’association de l’Outaouais, dont je fais partie!)
Merci de faire connaitre tous ces textes et ces auteurs qui ne font pas toujours partie des « plus connus ».
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Oui, j’essaye de faire voyager les mots des auteurs dont les textes me touchent pour différentes raisons… c’est une façon de rendre hommage à leur passion : l’écriture! Merci comme toujours pour votre commentaire…
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Beau sujet de livres belle poésie j’aime!!!📚🤖👻😢😄
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Merci! J’apprécie le commentaire! 🙂
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Alors, je ne sais pas pourquoi, mais la structure me rappelle Fernando Pessoa (qui est mon poète d’amour à moi)… De très belles images, très fluides, qui ruissellent comme un filet d’eau. C’est parfois difficile d’en capter toutes les gouttes. Je retiens…
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J’adore Pessoa aussi…. Il me plonge dans un tourbillon d’émotions parfois difficiles. Merci !
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💜💜 C’est beau Nat… Merci encore.
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N’est-ce pas? On est dans la neige ici! Le blanc habille notre décor! Et oui, déjà…
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Excellent, j’aime beaucoup
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Merci pour le commentaire! Au plaisir!
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