Chère lectrice, Cher lecteur,
Aujourd’hui, j’ai envie de partager avec vous un extrait de Francis Ponge tiré du Parti pris des choses. Je dois avoir l’âme à la rêverie, à la poésie, à la réflexion, à la beauté de toutes les choses de la vie…
Le galet
Depuis l’explosion de leur énorme aïeul, et de leur trajectoire aux cieux abattus sans ressort, les rochers se sont tus.
Envahis et fracturés par la germination, comme un homme qui ne se rase plus, creusés et comblés par la terre meuble, aucun d’eux devenus incapables d’aucune réaction ne pipe plus mot.
Leurs figures, leurs corps fendillent. Dans les rides de l’expérience la naïveté s’approche et s’installe. Les roses s’assoient sur leurs genoux gris, et elles font contre eux leur naïve diatribe. Eux les admettent. Eux, dont jadis la grêle désastreuse éclaircit les forêts, et dont la durée est éternelle dans la stupeur et la résignation.
Ils rient de voir autour d’eux suscitées et condamnées tant de générations de fleurs, d’une carnation d’ailleurs quoi qu’on dise à peine plus vivante que la leur, et d’un rose aussi pâle et aussi fané que leur gris. Ils pensent (comme des statues sans se donner la peine de le dire) que ces teintes sont empruntées aux lueurs des cieux au soleil couchant, lueurs elles-mêmes par les cieux essayées tous les soirs en mémoire d’un incendie bien plus éclatant, lors de ce fameux cataclysme à l’occasion duquel projetés violemment dans les airs, ils connurent une heure de liberté magnifique terminée par ce formidable atterrement. Non loin de là, la mer aux genoux rocheux des géants spectateurs sur ses bords des efforts écumants de leurs femmes abattues, sans cesse arrache des blocs qu’elle garde, étreint, balance, dorlote, ressasse, malaxe, flatte et polit dans ses bras contre son corps ou abandonne dans un coin de sa bouche comme une draguée, puis ressort de sa bouche, et dépose sur un bord hospitalier en pente douce parmi un troupeau déjà nombreux à sa portée, en vue de l’y reprendre bientôt pour s’en occuper plus affectueusement, passionnément encore.
Cependant le vent souffle, Il fait voler le sable. Et si l’une de ces particules, forme dernière et la plus infime de l’objet qui mous occupe, arrive à s’introduire réellement dans nos yeux, c’est ainsi que la pierre, par la façon d’éblouir qui lui est particulière, punit et termine notre contemplation.
La nature nous ferme ainsi les yeux quand le moment vient d’interroger vers l’intérieur de la mémoire si les renseignements qu’une longue contemplation y a accumulés ne l’auraient pas déjà fournie de quelques principes.
Véritable dialectique entre la légèreté et la pesanteur, cet extrait nous plonge dans une ambivalence aussi entre le présent et le passé…travail de la mer, le galet peut représenter cette quête de la perfection lorsque nous devons peaufiner un travail… Francis Ponge pose un regard multiple à travers cette description et nous amène au cœur de la beauté des mots…
Avez-vous déjà lu Le Parti pris des choses?
Bien à vous,
Madame lit
Très bel extrait. Ça c’est de la littérature! En tout cas Jean-Michel Delacomptée serait content (auteur de Lettre de consolation à un écrivain).
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Oui! Ça c’est de la littérature…Entre science, mot, observation, etc. c’est de la haute voltige! Merci!
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J’adore Ponge. Et les galets me rappellent les plages du Nord…
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Nous aimons alors tous les deux ce grand écrivain et les galets! Ces derniers évoquent ma région natale…
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coucou
Merci pour le partage de ce super extrait et cet image à la une, magnifique
Passe une belle semaine
Bisous
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Merci à toi! Bonne semaine également! Bisous!
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