Chère lectrice, Cher lecteur,
Aucun livre, à mon humble avis, n’a autant marqué l’imaginaire québécois qu’Un homme et son péché de Claude-Henri Grignon dont la première édition remonte à 1933 et qui a valu à son auteur le prix David en 1935. Encouragé et aidé par sa cousine Germaine Guèvremont, le journaliste et l’écrivain québécois créera un feuilleton radiophonique de 1939 à 1962 à partir de son roman. De plus, dès 1956, les personnages de Claude-Henri Grignon apparaîtront à la télévision de Radio-Canada grâce aux Belles histoires des pays d’en haut. Ce feuilleton sera diffusé de 1956 à 1970. Mais que raconte Un homme et son péché?
À la fin du XIX e siècle, au temps de la colonisation, dans une région rurale du Québec, les Laurentides, un colon, Séraphin Poudrier terrorise les habitants de son village. Il prête de l’argent mais à des taux d’intérêt très élevés. L’usurier épouse la jeune Donalda, femme pieuse, travaillante et courageuse. Un jour, cette dernière tombe malade et son époux refuse de payer le médecin pour la faire soigner et elle meurt. Elle est placée dans un cercueil trop petit pour elle et elle est mise en terre dans le lot des Poudrier. Séraphin dira qu’il n’a plus désormais à payer pour subvenir aux besoins de cette dernière. Mais encore, après avoir sauvé une de ses vaches prisonnière d’un cours d’eau, l’avare voit sa maison brûler. Il se précipite dans sa demeure pour récupérer ses pièces d’or cachées dans un sac d’avoine dans le haut côté, mais il ne peut échapper aux flammes. On le retrouve calciné en tenant dans une main une pièce d’or et dans l’autre, de l’avoine.
Au Québec, nous connaissons tous l’expression populaire : «Être un Séraphin» qui veut dire, être un avare, un méchant. Ce livre démontre à quel point un péché peut conduire un homme à sa perte. D’ailleurs, dans l’édition illustrée de 1941 que je possède, l’auteur dira :
Des usuriers, des grippe-sous, des passionnés de l’argent tel que mon Séraphin, ils ne sont pas rares en terre canadienne, dans les bois reculés de la colonisation et jusque dans les paroisses agricoles les plus prospères. Non pas seulement ici, mais en France; non pas seulement en France, mais dans tous les pays où la paysannerie s’accroche au sol (p.I).
Séraphin, c’est l’être maudit, celui qui se lève la nuit pour caresser son or, celui qui refuse de faire l’amour à sa femme car les enfants, ça coûte cher, celui qui rejette du revers de la main la venue d’un docteur pour soigner sa jeune épouse, celui qui fait craquer les os du corps de sa femme pour le faire entrer dans un cercueil. Séraphin, c’est la représentation du péché capital… c’est le mal incarné et il s’avère en opposition avec la sainte Donalda.
Et il pensait à tous les billets qu’il avait accumulés à des taux variant entre huit et vingt-cinq pour cent et aux gages qui s’entassaient près des trois sacs d’avoine. Puis, suprême bonheur, Donalda ne lui arrachait plus ses pièces de vingt-cinq sous pour s’acheter des épingles à cheveux, du ruban, de la flanelle, des lacets de bottines, du coton, toutes choses enfin dont il se passerait bien, lui, et qui sont des objets de luxe et de perdition. […]
Séraphin Poudrier les dépassait tous par la perpétuelle actualité de son péché qui lui valait des jouissances telles qu’aucune chair de courtisane au monde ne pouvait les égaler. Palpitations de billets de banque et de pièces métalliques qui faisait circuler des courants de joie électrisants jusque dans la moelle de ses os : idée fixe qu’il traînait avec lui. (p. 148-149).
Avec une histoire simple, celle d’un avare, de sa douce femme et de son bon cousin Alexis, Claude- Henri Grignon a réussi à émouvoir le peuple québécois avec ses mots, son imaginaire, ses descriptions de la vie à la campagne et surtout parce qu’il a mis en opposition les forces du bien avec celles du mal à une époque déjà difficile.
Encore aujourd’hui, à la télé, on repasse Les Belles histoires des pays d’en haut avec un Jean-Pierre Masson plus vrai que nature dans le rôle du cruel Séraphin, avec une Andrée Champagne magnifique à l’écran dans le rôle de la pieuse Donalda et avec un Guy Provost sublime dans le rôle du charmant Alexis. Ces épisodes ont marqué mon enfance et celle de mes parents. On ne peut oublier la célèbre expression tributaire du livre et de la série :
-Viande à chiens!
Charles Binamé a réalisé un film en 2002 basé aussi sur ce bouquin et une nouvelle série est diffusée sur les ondes de Radio-Canada depuis 2016 à partir encore une fois des personnages de Claude-Henri Grignon.
Voici une émission très intéressante relatant l’histoire entourant la série.
Et des images tirées de mon édition de 1941.
Avez-vous déjà lu Un homme et son péché? Aviez-vous déjà entendu parler de Séraphin Poudrier?
Bien à vous,
Madame lit
Grignon, Claude-Henri, Un homme et son péché, Sherbrooke, Les Éditions du Vieux Chêne, 1941, 198 p.
Quel plaisir que lire ce billet! Je n’ai pas lu ce roman mais comme beaucoup de Québécois d’un certain âge, j’ai adoré la série télévisée que l’on pouvait voir à Radio-Canada. Évidemment j’ai le goût de lire le roman pour probablement retrouver certains traits de ces personnages que l’on aimait tant à l’époque. Bravo car vous allez dans tellement de directions dans vos textes que c’est un bonheur renouvelé que de vous lire!
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Je suis contente de raviver de beaux souvenirs en vous par le biais de ce billet. J’espère que cette lecture vous permettra de retrouver ces personnages qui ont marqué l’imaginaire québécois. Merci pour ce commentaire qui me touche beaucoup! Au plaisir!
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Encore un livre que je ne connais pas.
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C’est intéressant pour moi de vous le faire découvrir! 🙂
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C’est une totale découverte pour moi…
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Une chance qu’on partage pour découvrir des livres appartenant à nos cultures respectives…
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Séraphin ou Harpagon, chaque pays doit avoir son avare emblématique ! Ça serait marrant de faire une collecte de tous ces personnages.
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Oui! C’est ce que mentionne Claude-Henri Grignon dans la citation présentée. On pourrait sans aucun doute rédiger une thèse de doctorat! Merci!
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Je n’ai ni lu le livre, ni entendu parler de Séraphin Poudrier…
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Alors, je devais présenter son histoire pour vous la faire découvrir! Merci!
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Je ne connaissais pas Nathalie.
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On découvre! Merci!
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Roman très captivant! Je l’ai lu une douzaine de fois avec la première édition originale de 1933.
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Alors nous partageons le même intérêt pour ce roman qui a marqué l’histoire du Québec! Merci!
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