«Il faut aimer très fort».
Chère lectrice, Cher lecteur,
Pour le Défi 2019 de Madame lit, en juillet, il faut lire un roman dont le thème principal est l’amitié. Comme mentionné dans mes recommandations sur ce sujet, j’ai choisi de plonger dans L’imparfaite amitié de Mylène Bouchard publié aux éditions La Peuplade en 2016. Je suis enchantée de mon choix. Alors, que raconte cette histoire?
Amanda est née à l’Isle-aux-Coudres, dans Charlevoix, au Québec, en 1967 et elle doit son nom à la goélette de Laurent Tremblay qui a pris feu quelques heures avant sa naissance. Elle est donc associée à l’eau, au départ, au feu, au large, au retour. Elle grandit sur l’île en compagnie des siens et de ses trois meilleures amies. Puis, un homme, Edmond, lui fera connaître l’amour. Comme la goélette quittant son port, elle part pour étudier et ensuite, elle s’installe à Prague où elle épouse un autre amoureux, Milan, qui deviendra le père de ses enfants. Ce dernier, peu à peu, perd la vue. Elle prend la décision de larguer les amarres, de tout quitter pour se réinventer ailleurs par le biais des mots puisqu’elle sent qu’elle a dérivé.
Dans ce récit, l’autrice explore divers genres. Ainsi, Amanda s’adresse tout d’abord à sa fille Sabina. Puis, le lecteur retrouve des extraits de ses carnets de voyage et des lettres adressées à son amant, des définitions, des tableaux typographiques, de la poésie. En ce sens, la lecture du récit apparaît dynamique. Elle invite le lecteur à affronter diverses vagues, à suivre le mouvement des mots, à visiter des contrées autres.
Mais encore, l’autrice explore les sentiments comme l’amour et l’amitié sous toutes les facettes jusque dans la solitude.
Si l’amitié est ce sentiment si pur que reconnaissent les grands philosophes, ne faisons-nous que régresser dans l’amour? Une fois amoureux, l’amitié ne serait plus hélas possible et la vie du cœur se réduirait à cette quête du retour à l’amitié, aux continents blancs qu’on a connus enfant? (p. 67)
En échange de l’imparfaite amitié, m’était offerte une solitude dont nul ne veut, valorisée par personne. Ne résiderait-il pas là, le nouveau modèle de la vie moderne? Pourquoi refusons-nous la solitude en bloc? (p. 364)
De surcroit, le lecteur retrouve tout au fil des pages de nombreuses références à L’insoutenable légèreté de l’être de Milan Kundera (noms des personnages, dialectiques de la légèreté et de la pesanteur, Prague, etc.). À cet égard, Amanda quitte mari et amant pour s’aventurer en elle un peu comme la Sabina de Kundera.
Par ailleurs, je me suis beaucoup retrouvée dans ce livre. D’abord, j’ai revisité mes souvenirs reliés à mes amies d’enfance et à ceux de mon premier amour. J’ai réfléchi à cette question que l’on se pose tous, peut-il y avoir une relation d’amitié entre un homme et une femme? Aussi, tout comme Amanda, j’ai grandi devant le fleuve et dans la même région qu’elle. J’ai aimé les anecdotes concernant la légende de la roche pleureuse de l’Isle-aux-Coudres. Je comprends lorsqu’elle écrit :
De mon côté, c’était le fleuve qui me manquait le plus, grand canal de communication déplaçant les plus éloquents silences. Puissant courant rassembleur. Où que j’aille il continuerait en moi. Il était dans ma peau, dans ma charpente, dans ma composition. (p. 130-131)
Je partage son désir de solitude, de questionnement par rapport à l’amitié, du fait qu’en laissant un lieu, on quitte des amis pour aller en rencontrer des nouveaux.
Aussi, vous savez que je reviens de Belgique. Dans ce récit, Amanda, à la fin se retrouve à Bruxelles. J’ai eu la chance d’y passer une journée. En terminant le récit en sol canadien, j’ai eu la surprise de constater que je me suis assise par hasard à la terrasse du Cirio et que je ne connaissais pas son histoire (en fait, je ne me souvenais même plus du nom de l’établissement). J’ai été enchantée de la découvrir par le biais du texte de Mylène Bouchard. Tout comme Amanda, j’ai pu voir le serveur accompagné de ses deux bouteilles pour composer les Half and Half dans les flûtes à champagne et d’observer les couples de personnes âgées déguster leur apéro. Grâce à Mylène Bouchard, j’ai appris que Jacques Brel venait dans ce lieu pour boire son Half and Half. C’est tout simplement incroyable! Je me suis arrêtée par hasard pour déguster une bière et manger une gaufre dans cet endroit et ce dernier est présent dans le livre. J’ai eu toute une surprise! Grâce à l’autrice, je découvre à quel point ce lieu possède une belle histoire… Si j’avais su!
Voici d’ailleurs des photos de l’intérieur prises lors de notre passage dans ce lieu que nous ne savions pas mythique.

Et j’ai retrouvé aussi dans le récit à la toute fin Ostende et sa mer du Nord…

Je vous invite à prendre le large et à embarquer sur l’Amanda le temps d’un récit. Vous allez osciller sur une mer intérieure, belle, aux couleurs de l’amour et de l’amitié. Elle est imparfaite cette mer, mais elle s’avère douce pour l’oreille. Un texte sensible, intelligent, émouvant.
Avez-vous le goût de larguer les amarres?
Bien à vous,
Madame lit
BOUCHARD, Mylène. L’imparfaite amitié, Chicoutimi, La Peuplade, 2016, 377 p.
ISBN 978-2-924519-39-4

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C’est vraiment merveilleux, incroyable que tu sois passée dans ce café alors que tu lisais ce roman en voyage.
J’ai aussi lu ce roman magnifique et l’analyse que tu en fais va certainement inciter beaucoup de lecteurs à s’y plonger.
J’avais quelques réserves à la lecture du roman mais tu les as fait tomber par ton très beau texte.
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Oui! Ce hasard avec le Cirio est incroyable! Merci beaucoup et j’espère inciter d’autres lecteurs à plonger dans cet univers qui tangue entre amour et amitié. Au plaisir!
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Ta photo d’une plage de Ostende: un vrai tableau de Jean-Paul Lemieux.
Ne te gêne pas de nous parler voyage 😉
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Merci! C’est gentil. J’ai l’intention de la faire développer et de l’encadrer…
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