«Beaucoup de gens doutent qu’on puisse parler aux morts alors qu’ils vivent entourés de livres. Et toute bibliothèque est un cimetière peuplé de morts qui pensent. » (p. 299)
Chère lectrice. Cher lecteur,
Pour participer au mois latino-américain organisé par Goran et Ingannmic, en février, il faut lire un bouquin d’une autrice ou d’un auteur d’Amérique latine. Comme j’adore Dany Laferrière, auteur possédant une double nationalité (canadienne et haïtienne) selon les dires de Goran, j’ai décidé de lire L’art presque perdu de ne rien faire. Pourquoi? Le titre me parle beaucoup en ce moment. Je me suis dit que j’aimerais bien découvrir ce que ça prend pour cultiver le goût de ne rien faire. Dans ce monde qui va trop vite, dans cette société où l’être humain est de plus en plus branché, connecté devant un écran, je trouve qu’il importe de revenir à cet «art presque perdu de ne rien faire». Je souhaite apprendre à revenir à l’essentiel en me tenant loin de cette société du spectacle et de la consommation qui m’entraîne dans cette ère du vide reliée bien souvent aux différents outils de communication (ordinateur, cellulaire, télévision, tablette).
Essai, pensées philosophiques et poétiques, ce livre remet en action l’art de penser, d’observer, de réfléchir, de se souvenir, de flâner, de sentir, de vivre, de manger une mangue, de faire la sieste l’après-midi. Ainsi, Dany Laferrière, pense à son enfance auprès de sa grand-mère à Petit-Goâve, aborde les auteurs qui l’ont marqué comme Borges, Rilke, Tanizaki, Boulgakov, Rulfo, et tant d’autres. On retrouve les livres des autres dans L’art presque perdu de ne rien faire. Laferrière n’hésite pas à aborder sa découverte de La Bible à quinze ans chez sa grand-mère à Petit-Goâve durant un après-midi de pluie et il cite cette phrase tirée de la Genèse qu’il trouve très puissante encore aujourd’hui : «Il y eut un soir, il y eut un matin; ce fut le premier jour».
De plus, Laferrière entraîne son lecteur dans des réflexions sur le rapport au temps, sur «l’aventure humaine» ou encore sur la culture. Il amène son lecteur à comprendre que parfois : «le seul sens à donner à sa vie : trouver son bonheur sans augmenter la douleur du monde». C’est un art de penser auquel nous convie Laferrière.
Beaucoup peuvent se demander ce qui l’a incité à quitter Haïti. Pour celles et ceux qui aimeraient comprendre son parcours, il importe de lire son excellent bouquin L’énigme du retour. Mais encore, il mentionnait à un journaliste de L’Actualité :
« Je viens de quitter une dictature tropicale en folie et suis encore vaguement puceau quand j’arrive à Montréal, en plein été 1976. […] Je ne suis pas un touriste de passage qui vient voir comment va le monde, comment vont les autres et ce qu’ils font sur la planète. Je suis ici pour de bon, que j’aime ça ou pas. »
Après l’assassinat d’un de ses amis dont on a retrouvé la tête dans un sac de papier sur la place publique et l’emprisonnement d’un autre, il décide de quitter sa terre natale pour venir à Montréal, au Québec. Pour lui, comme pour bien d’autres, fuir est synonyme de survivre. C’est une aventure humaine…Dans ses livres, Laferrière aborde souvent son vécu, ses souvenirs et il se couche sur le papier un peu comme un patient sur le divan de son psy. J’adore ce lien qu’il crée entre lui et son lecteur, c’est intime.
De surcroit, il est question de dictature dans le bouquin. Cette dictature imbibe l’imaginaire des artistes. Comme Laferrière le soulève :
«C’est l’obsession de l’écrivain sud-américain. Chacun essaie de dessiner selon sa sensibilité ce dictateur mythique. Pour l’écrivain de cette région du monde, le dictateur est un personnage éminemment romanesque, le seul d’ailleurs capable de le faire accéder à l’universel. Le grand roman est donc un portrait en pied de ce monstre venu des profondeurs du rêve qui s’est malheureusement imposé à la réalité des peuples. » (p. 292)
En guise d’exemples, il mentionne :
- Le Guatémaltèque Michel Ângel Asturias et son livre Monsieur le Président;
- Le Colombien Gabriel Garcia Marquez et son livre L’automne du patriarche;
- Le Paraguayen Roa Bastos et son Moi, le Suprême;
- Le Mexicain Juan Rulfo et son personnage Pedro Páramo;
- Le Péruvien Mario Vargas Llosa et son livre La Fête au Bouc.
Et il termine «L’art du pouvoir» en expliquant ceci à propos du personnage du dictateur : «Pour beaucoup d’écrivains sud-américains, c’est du bon fumier capable de faire pousser un chef d’oeuvre.» (p. 293)
Dans L’art presque perdu de ne rien faire, j’ai bien aimé aussi les petits poèmes de l’auteur qui précèdent ou qui succèdent les chapitres. Les titres débutent par «L’art de manger une mangue, «L’art de rester immobile», etc.
Bref, je n’ai pas découvert le secret de ne rien faire. Cependant, j’ai ressenti un plaisir à vagabonder dans les méandres de la pensée de ce grand écrivain. Après tout, c’est un privilège…
C’était ma première participation au mois latino-américain!
Pour en apprendre davantage sur mon admiration pour les livres de Dany Laferrière, cliquez sur Dany Laferrière.
Qu’en pensez-vous?
Bien à vous,
Madame lit
LAFERRIÈRE, Dany, L’art presque perdu de ne rien faire, Montréal, Boréal, 2011, 389 p.
ISBN 978-2-7646-2135-6

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Elle est très intéressante, passionnante, ta critique. Surtout que comme toi, j’ai des envies de ne rien faire, je pense même à arrêter mon blog, j’hésite car en même temps je l’aime bien mon blog…
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Cher Goran, je l’aime ton blog aussi. Nous sommes une belle communauté qui partageons notre amour de la littérature, sans pression. Tu dois continuer à cultiver cet amour à travers tes mots, ta pensée…
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Merci, c’est très gentil… 😉
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🙂😉
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« L’éloge de la paresse, d’autres l’ont fait avant moi » chantait déjà Julos Beaucarne en 1964 (je crois, si pas avant) sur un 45T ‘Une poire pour la soif’ que j’ai eu l’occasion de lui offrir, il ne l’avait plus. Perso, je revendique souvent d’être un paresseux et j’essaye d’être un paresseux intelligent!
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Bonne idée! Un paresseux intelligent, j’aime ça. Merci!
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C’est peut-être avec un livre comme ça que j’apprécierais Dany Laferrière ? J’ai tenté « Je suis un écrivain japonais » et j’ai abandonné…
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Je te recommande pour découvrir son univers «L’odeur du café» ou «L’énigme du retour». Ainsi, tu seras familière avec son univers et sa plume.
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Très belle chronique sur un des auteurs que je suis toujours mais je n’ai pas lu encore ce titre. J’ai beaucoup aimé Tout bouge autour de moi, Vers le sud et un de ses premiers livres au titre joyeux : Comment faire l’amour à un nègre sans se fatiguer… Dany Laferrière préside le prix du livre inter. Je vais encore postuler cette année mais il y a peu d’élus. J’aimerais tant ! Personne pour me pistonner ? 😀
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J’aimerais bien t’aider… mais bon. Bonne chance pour le prix inter. On ne sait jamais! Merci!
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Merci pour ce tuyau, il faudra que je me penche sur ce monsieur Laferrière, à vous lire il me plaît déjà !
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Bien contente de l’apprendre! Son univers est intime et poétique. Au plaisir!
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Merci pour cette participation ! On peut dire que Lafferière soigne ses titres (je n’ai lu de cet auteur que « Comment faire l’amour avec un nègre sans se fatiguer » !)..
Ingannmic
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Ça m’a fait plaisir de participer. J’essaye de terminer une autre lecture pour votre mois. Bien d’accord avec toi à propos des titres de Laferrière! J’ai lu aussi celui que tu mentionnes. Je l’ai bien apprécié! Merci!
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