«Et Emma cherchait à savoir ce que l’on entendait au juste dans la vie par les mots de félicité, de passion et d’ivresse, qui lui avaient paru si beaux dans les livres». (p.94)
Chère lectrice, Cher lecteur,
Pour ma participation en janvier au défi organisé par Moka et Fanny autour des classiques, permettez-moi de partager avec vous mes pensées sur Madame Bovary de Gustave Flaubert, roman controversé, publié pour la première fois en 1857 «après une première parution dans la Revue de Paris». (Source : Wikipédia). En janvier, le thème du défi à l’honneur est chroniques des gros(ses) dégueulasses (auteurs, autrices, œuvres controversées et ou censurées). À cet égard, j’ai cherché dans ma bibliothèque un roman que j’avais envie de lire et qui respectait le thème. Et, je me suis dit : «Pourquoi ne pas lire enfin le bouquin ayant fait en sorte que Flaubert s’est retrouvé devant les tribunaux en 1857 pour atteinte à la morale publique et à la morale religieuse?» Et oui, Flaubert a été poursuivi par les procureurs du Second Empire à cause de Madame Bovary, mais il sera acquitté. Son livre apparaissait selon les demandeurs obscène et immoral. Une épouse qui trompe son mari à deux reprises et qui cherche l’Amour… un scandale! Et pourtant…
Madame Bovary, moeurs de province
Charles Bovary est un enfant peu doué. Il doit étudier plus fort que les élèves dont il est souvent le souffre-douleur. Il vieillit et devient finalement un officier de la santé après avoir travaillé très dur. Il s’installe dans une petite ville et sa mère lui déniche une épouse plus vieille que lui possédant une bonne rente. Flouée par son notaire, cette dernière se retrouve sans le sou et meurt rapidement. Charles souhaite alors se remarier et il pense à la fille du fermier Rouault : Emma. Cette dernière a grandi dans un couvent et elle a lu des romans sentimentaux qui ont façonné son imaginaire. Le mariage est rapidement organisé et les époux s’installent dans le maison de Charles à Tostes. Charles s’avère très amoureux de sa femme. Cette dernière ne se plait trop guère dans ce bourg et le couple décide alors de déménager à Yonville, un autre bourg où il y a plus de divertissements. Emma est alors enceinte.
À Yonville, Emma donne naissance à une fille, Berthe, alors qu’elle aurait préféré avoir un fils. Elle considère sa fille laide, son époux ennuyant. Puis, Emma cherche un moyen de se divertir. Elle entretient successivement avec Rodolphe et Léon une relation extraconjugale. Elle leur achète des cadeaux, elle rêve d’amour absolu, de voyages, elle ne vit que dans l’attente de les revoir. Mais, ces derniers se lassent de cette femme qu’ils jugent trop amoureuse, trop envahissante.
Emma croule sous les dettes. Un huissier veut saisir la maison. Charles ne se doute de rien, lui qui l’adore. Emma tente par tous les moyens de dénicher de l’argent allant même jusqu’à solliciter ses anciens amants. Ces derniers refusent de l’aider. Puis, dans un geste désespéré, Emma décide d’en finir car elle ne peut supporter la honte. Elle avale de l’arsenic et meurt entourée d’un Charles désespéré, du curé et du pharmacien.
Charles survivra-t-il ? Non. Il meurt de chagrin et sa fillette se retrouve à travailler dans une usine pour subvenir à ses besoins.
«Madame Bovary, c’est moi!»
Je me suis dit tout au long de ma lecture : «Suis-je une Emma Bovary?» Question étrange me direz-vous. Et je vais tenter de m’expliquer dans les lignes suivantes.
Tout d’abord, Emma Bovary m’apparaît comme une Don Quichotte de l’amour. À l’image du célèbre personnage de Cervantès, elle a lu. Son imaginaire et ses idéaux sont romanesques. Mais, malheureusement pour elle, elle est née femme. Elle n’a d’autre choix que d’épouser Charles et elle en vient à détester la médiocrité de son époux. Elle rêve cependant de vivre l’Amour. C’est son but.
«Elle allait donc posséder enfin ses joies de l’amour, cette fièvre du bonheur dont elle avait désespéré. Elle entrait dans quelque chose de merveilleux où tout serait passion, extase, délire; une immensité bleuâtre l’entourait, les sommets du sentiment étincelaient sous sa pensée, l’existence ordinaire n’apparaissait qu’au loin, tout en bas, dans l’ombre, entre les intervalles de ces hauteurs.
Alors elle se rappela les héroïnes des livres qu’elle avait lus, et la légion lyrique de ces femmes adultères se mit à chanter dans sa mémoire avec des voix de soeurs qui la charmaient. Elle devenait elle-même comme une partie véritable de ces imaginations : […].» (p. 229-230)
La quête du bonheur d’Emma passe par aimer et être aimée passionnément, totalement. Plus jeune, comme Emma, je cherchais cet amour à l’image de celui de mes lectures. Ma référence à l’amour était poétique, romanesque. Comme Emma, j’ai souvent été déçue, malmenée, flouée. «Le monde est cruel» dira Rodolphe à Emma (p. 271). Ma quête du bonheur comme la sienne passait par l’Amour. Combien de fois je me suis demandé à propos du bonheur : «Mais le trouve-t-on jamais?» (p. 209)
En ce sens, Emma souffre. Elle souffre de son existence qu’elle juge inutile, elle souffre d’aimer des hommes qui ne l’aiment pas, elle souffre d’être mariée à un homme médiocre, elle souffre de ne pouvoir s’offrir tous les objets luxueux qu’elle souhaiterait, elle souffre de son amour, de ses amours mortes. Pour en revenir à moi, je ne souffre pas comme Emma. Non, mais parfois, lorsque je regarde par ma fenêtre, je rêve d’une existence autre comme si j’étais une éternelle insatisfaite.
«N’importe! elle n’était pas heureuse, ne l’avait jamais été. D’où venait donc cette insuffisance de la vie, cette pourriture instantanée des choses où elle s’appuyait?…» ( p. 357)
Quel beau personnage Emma Bovary! Elle est tout sauf ennuyeuse. Elle rêve tout simplement d’un ailleurs meilleur aux couleurs de l’Amour.
« Tout ce qui l’entourait immédiatement, campagne ennuyeuse, petits-bourgeois imbéciles, médiocrité de l’existence, lui semblait une exception dans le monde, un hasard particulier où elle se trouvait prise tandis qu’au-delà s’étendait à perte de vue l’immense pays des félicités et des passions. Elle confondait, dans son désir, les sensualités du luxe avec les joies du coeur, l’élégance des habitudes et les délicatesses du sentiment.» (p. 119)
Désormais, Emma poursuit sa quête en cherchant son inaccessible étoile au firmament.
Pour en apprendre davantage sur le roman, sur l’auteur, sur la polémique autour de ce bouquin, n’hésitez pas à regarder cette vidéo.
J’aurais pu parler de la magnifique plume de Flaubert, de son génie, des métaphores se retrouvant un peu partout pour illustrer les sentiments, les événements. Mais, j’ai préféré mettre l’accent sur Emma et moi.
Ce récit a été lu dans le cadre du défi Les Classiques, c’est fantastique créé par Moka et Fanny car en janvier il fallait lire un roman, entre autres, controversé. Je crois que Madame Bovary était un excellent choix pour ce mois.
Que pensez-vous de ma chronique?
Bien à vous,
Madame lit
FLAUBERT, Gustave. (1986). Madame Bovary. Paris : Gallimard Flammarion, 539 p.
ISBN : 2-08-070657-8

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Quel joli billet sur un roman qui m’a transportée.
Merci de t’être confiée sur ce rapport tout particulier avec Emma, un personnage inoubliable.
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J’ai essayé de donner un ton plus personnel à mon billet. Emma Bovary est effectivement un personnage inoubliable… Je l’aime avec ses défauts.❤️
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Moi qui l’avais trouvée ennuyeuse, enfin, l’ecriture… au lycée, une lecture adulte s’impose ! Merci pour ton avis qui me donne envie de lire cet Intemporel rapidement.
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Je suis bien contente de l’apprendre! Au plaisir alors et surtout, bonne lecture!!!
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LE titre du grand Flaubert. Lu à la fac, je me suis promis de le relire…
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Je crois que c’est un livre qu’il faut relire plus tard dans sa vie… Je le relirai sans aucun doute. Merci! 🙂
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Je suis totalement d’accord avec toi !
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🙂
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Quelle chronique vivante ! Flaubert ne m’inspire généralement que de l’ennui mais tu viens peut-être de lui redonner sa chance 😉
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Il faut être prête à lire un tel bouquin pour en apprécier tout le génie. Je ne l’étais pas dans ma vingtaine… à l’aube de ma cinquantaine, je ne perçois plus les romans de la même façon. Bonne lecture à toi si tu décides de te lancer!
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La citation que tu présentes au début de ton article rend tellement bien ce que je ressens en reprenant la lecture de ce roman. J’aime bien aussi ce lien que tu fais entre Emma et toi.
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Merci beaucoup. J’ai cherché durant un petit bout de temps la citation que je choisirais pour illustrer le ressenti de ce livre… Merci d’avoir lu ce magnifique récit en même temps que moi!
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C’est un roman que j’ai lu dans mon adolescence et que j’avais plutôt apprécié mais j’aimerais le relire maintenant car je sens qu’il me plairait encore plus et que ça me parlerait énormément ! J’ai beaucoup aimé cette chronique et l’expression « Don Quichotte de l’amour » me paraît très vraie !
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J’espère que tu auras la chance de le relire. Je crois que je le relirai dans une dizaine d’années. Et que dire de la plume de Flaubert pour analyser les états d’âme? C’est sublime… Merci pour ton commentaire et bonne lecture Marie-Anne!
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J’ai beaucoup aimé cette chronique personnelle à l’angle d’approche originale et intimiste. Merci d’avoir partagé ça avec nous.
Sinon, Madame Bovary… Ou le classique que je n’ai jamais pu finir. Par deux fois il m’est tombé des mains. Je reste malheureusement assez hermétique à Flaubert… Cependant, je ne renonce pas et, peut-être qu’un jour, je lui redonnerai sa chance.
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Je te comprends car ce n’est pas un style qui peut séduire toutes les lectrices et tous les lecteurs. Mais bon. Je me suis lancée encore et cette fois, j’ai accroché. J’espère qu’il en sera de même pour toi un jour! Au plaisir et bonne lecture! Merci!
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Ah Emma ! J’ai vibré avec ce livre au lycée ! C’est le genre de livre que je ne veux pas relire, de peur d’être déçue plus tard !
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Chère Emma! On l’aime ou on la déteste! Dans ma vingtaine, je l’ai abandonnée… Dans ma quarantaine, je l’aime d’❤️! Il faut garder ton bon souvenir d’elle alors! Merci
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Oui c’est ce que je me dis ! Il y a des sentiments envers des œuvres ou des personnages qu’on ne veut pas abandonner !
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