Madame lit les Lettres à un jeune poète de Rainer-Maria Rilke
«Il y a encore des nuits, il y a encore des vents qui agitent les arbres et courent sur les pays». (p. 65)
Chère lectrice, Cher lecteur,
Pour ma participation à la saison 3 du défi organisé par Moka et Fanny : Les classiques, c’est fantastique, en septembre, voici la consigne présentée par les organisatrices :
« C’est la rentrée. L’heure de retrouver les ami·es dont on s’est éloigné·es durant l’été. Alors mettons l’amitié à l’honneur à travers les grands textes littéraires.»
Donc, pour moi, il sera question d’une relation d’amitié entre écrivains.
À cet égard, j’ai choisi de lire un grand classique suggérant une amitié non-conventionnelle, celle entre Rainer-Maria Rilke et Franz Xaver Kappus. Les hommes ne se connaissaient pas, mais les lettres qu’ils ont échangées témoignent d’une amitié forte et marquante. Pourquoi? Parce que Rilke donne des conseils inestimables à un jeune homme pour le guider dans sa vie et dans son processus créatif. Pour ma part, il n’y a pas de meilleur exemple d’une amitié courte, mais puissante qui a marqué l’imaginaire de plusieurs personnes. Rilke est devenu ainsi un guide, un ami pour tous les amoureux de la création qui ont bien voulu accepter de suivre ses conseils et de se laisser porter par la magie de ses mots.
Lettres à un jeune poète de Rainer-Maria Rilke par Madame lit
En toute humilité
Dix lettres, dix confidences, dix visions.
Dans la première lettre datée du 17 février 1903 et écrite à Paris, Rilke suggère au jeune poète Kappus de ne pas chercher le regard ou la reconnaissance extérieure. Au contraire, il mentionne qu’il faut plutôt se fermer pour plonger dans son intériorité.
«Il n’est qu’un seul chemin. Entrez en vous-même, cherchez le besoin qui vous fait écrire : examinez s’il pousse ses racines au plus profond de votre coeur. Confessez-vous à vous-même : mourriez-vous s’il vous était défendu d’écrire?» (p.18)
Il recommande aussi à Kappus de s’éloigner d’un thème comme l’amour pour aborder dans ses écrits des éléments de son quotidien comme les songes, les objets, l’enfance, les souvenirs, etc. Pour ce faire, Rilke mentionne que le poète doit sonder son coeur pour savoir s’il souhaite vraiment créer.
Dans la deuxième lettre portant la date du 5 avril 1903, rédigée en Italie, apparaît assez courte car Rilke avait souffert de l’influença et il s’en remettait péniblement. Cependant, dans cette dernière, il traite de deux sujets. Tout d’abord, l’ironie et ensuite les livres qui lui sont essentiels: la Bible et les bouquins de Jens Peter Jacobsen.
Dans la troisième lettre du 23 avril 1903 rédigée aussi en Italie, Rilke revient sur les livres du poète danois Jacobsen et sur la critique. Mais encore, il parle du temps car :
« Être artiste, c’est ne pas compter, c’est croître comme l’arbre qui ne presse pas sa sève, qui résiste, confiant, aux grands vents du printemps, sans craindre que l’été puisse ne pas venir». (p. 35)
Puis, il aborde les bouquins de Richard Dehmel.
Dans la quatrième lettre dont la date est le 16 juillet 1903 et écrite à Worpswede, Rilke s’adresse au jeune poète en ces termes pour souligner qu’un lien s’est établi entre eux : «Très cher Monsieur Kappus». Il mentionne au jeune homme de s’accrocher à la Nature et qu’il faut surtout qu’il soit patient, qu’il vive ses questions et non pas ses réponses. Il continue en abordant les nuits d’amour et qu’il doit par-dessus tout supporter sa solitude car cette dernière ouvre les yeux à l’indicible.
Dans la cinquième lettre, celle portant la date du 29 octobre 1903 et rédigée à Rome, Rilke suggère que dans la ville où il se trouve, les gens chérissent trop les vestiges du passé. Pour lui, il faut pour qu’il y ait beauté, avoir vécu avec son coeur. Le vécu s’avère très important pour lui. Il mentionne que le calme et le silence lui apportent l’inspiration.
Dans la sixième lettre rédigée le 23 décembre 1903 à Rome, Rilke la débute en abordant la grande solitude intérieure car c’est la plus importante. Il relève que la sagesse, c’est accepter l’incompréhension comme un enfant. Il traite des plaintes de Kappus par rapport à son métier d’officier et à celles qu’il adresse à Dieu.
Dans la septième lettre écrite le 14 mai 1904 à Rome, Rilke aborde en premier le sonnet envoyé par Kappus. Il lui dit que c’est son meilleur. Ensuite, il explique qu’il importe de s’en tenir au difficile et que la solitude apparaît aussi marquée par la difficulté tout comme l’amour. Il offre au jeune poète cette merveilleuse explication sur l’amour :
«L’amour, c’est l’occasion unique de mûrir, de prendre forme, de devenir soi-même un monde pour l’amour de l’être aimé.» (p.75)
Et il poursuit en disant que le don de soi-même en amour est «un achèvement». Les jeunes veulent trop rapidement vivre l’amour et ils se perdent l’un dans l’autre pour finir désillusionnés.
De plus, il relève que dans l’amour comme dans la mort, l’être humain est seul. Mais encore, il termine cette sublime lettre en disant ceci :
«Il sera cet amour que nous préparerons, en luttant durement : deux solitudes se protégeant, se complétant, se limitant, et s’inclinant l’une devant l’autre». (p. 84)
Je trouve les dires de Rilke magnifiques, profonds. Il faut avoir beaucoup réfléchi sur le sens de la vie, de l’amour pour partager de tels propos à un autre être.
Dans la huitième lettre datée du 12 août 1904 et rédigée en Suède, Rilke débute en parlant des grandes tristesses qui affligent son correspondant. Il revient sur l’importance de la solitude et du recueillement pour vivre sa tristesse car selon Rilke : «Nous sommes solitude». (p. 91) Rilke explique au jeune poète que nous nous construisons dans les épreuves et que ces dernières sont essentielles pour l’évolution de l’être humain.
Dans la neuvième lettre dont la date est le 4 novembre 1904 et le lieu de la rédaction est la Suède, Rilke fait allusion à l’importance de la difficulté de vivre et à la solitude. Il dit aussi ceci :
«Croyez-moi, la vie a toujours raison». (p. 104)
Par ailleurs, il aborde les sentiments purs que peut ressentir Kappus et qui sont souvent tributaires de l’enfance. Il transmet également au poète des éléments concernant la vie et la mort. Car, selon lui, l’être humain est seul dans la vie et dans la mort.
Dans la dernière lettre portant la date du 26 décembre 1908 dont la rédaction a été faite à Paris, Rilke se réjouit de savoir que Kappus est heureux dans son métier de militaire. Il mentionne que l’art est aussi un mode de vie.
Pour moi, les Lettres à un jeune poète de Rainer-Maria Rilke s’avère un livre essentiel pour ceux s’intéressant au processus créatif. Il faut lire ces lettres pour être le témoin d’une belle relation que je peux qualifier d’amitié. L’amitié entre les écrivains transige aussi et surtout par la correspondance à l’époque dont il est question dans ces missives.
Si vous voulez un jour écrire, il faut absolument lire ces lettres. Comme il est présenté dans la page Wikipédia du livre :
Pour cette raison-même, les Lettres à un jeune poète de Rilke sont considérées par le critique et écrivain Roland Barthes comme une « œuvre du Vouloir Écrire (scripturire)6 » : l’un de ces textes qui permettent à ceux qui n’ont pas encore écrit, mais qui en ressentent le désir, sinon le besoin, de franchir le pas et de se lancer dans une carrière d’écriture.
Ce bouquin a été lu dans le cadre du défi Les Classiques, c’est fantastique créé par Moka et Fanny car en septembre, le thème de l’amitié était à l’honneur et pour moi, Rilke et Kappus ont marqué le domaine littéraire avec ces lettres. Comme le relève Michel Déon :
«L’amitié entre hommes de lettres cache d’insondables mystères. Elle n’avance que sur des sables mouvants.»
Avez-vous lu les Lettres à un jeune poète de Rainer-Maria Rilke?
Bien à vous,
Madame lit
Rilke, R.-M. (1988). Lettres à un jeune poète. Grasset. Les Cahiers Rouges.
ISBN : 2-246-00991-X
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Quelle lecture intéressante! Quelle force et quelle humilité dans ce partage! Merci.
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Comme c’est gentil. Merci!
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Très beau livre et très belle chronique. Ca donne envie de le relire. Merci Nathalie.
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Merci Marie-Anne. C’est vraiment gentil. Bonne fin de journée!
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On sent que tu as profondément apprécié ce recueil de lettres. Tu en parles de très belle manière. Je ne l’ai pas lu, mais ai déjà fait cet expérience de l’artiste qui partage avec un proche (de mon côté, c’était un recueil de lettres de Vincent van Gogh à son frère Theo), et c’est une expérience de rencontre très riche. Merci!
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Merci à toi pour ce commentaire que j’apprécie beaucoup. Les lettres sont très intimes et c’est très particulier pour un lecteur extérieur de pouvoir constater le lien entre deux êtres. Je n’ai pas lu les lettres de Van Gogh mais j’imagine qu’elles devaient être très touchantes. Au plaisir et bonne lecture!
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Lu ado… il m’avait fascinée!
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Je peux comprendre! 🙂
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Je n’ai lu que des extraits de ces lettres et déjà je les trouve sublimes..
Quelle belle idée que cette proposition 😊
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Merci beaucoup! Je trouvais aussi que ces inoubliables lettres méritaient d’être à l’honneur pour le défi. J’irai te lire dès mon installation d’Internet! Au plaisir!
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sublime ! ce livre est un chef d’oeuvre.
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Bien d’accord avec vous! Merci!
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Un choix original ! Merci de nous faire découvrir plus en détails ces Lettres dont je ne savais finalement que peu de choses.
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Ces lettres sont tout simplement magnifiques. Il faut les lire une fois dans sa vie. Merci!
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