Madame lit sur le pouvoir des livres

Madame lit sur le pouvoir des livres

«Je cherche la grande douceur, celle que personne n’a jamais vue et dont l’existence ne fait aucun doute car c’est à elle qu’on doit la beauté odorante des jacinthes, la lumière dans les yeux étonnés des bêtes et tout ce qu’il y a sur terre et dans les livres de bienfaisant». (Christian Bobin, Ressusciter, p. 44)

Chère lectrice, Cher lecteur,

Depuis plusieurs années, je me pose des questions sur le pouvoir de la littérature. En voici quelques exemples : 

• Les gens qui lisent sont-ils plus heureux? 
• Peut-on retrouver de la bienveillance dans les livres? 
• Qu’est-ce qui fait qu’un livre nous marque plus qu’un autre? 
• Quel impact un livre peut-il avoir dans une vie? 

Pour m’aider dans mon processus réflexif, j’ai demandé à ma communauté Facebook ceci : 

En tant que lectrice, en tant que lecteur, nous évoluons avec les livres et parfois, nos besoins se modifient. Nous n’avons qu’à penser aux nombreux livres de développement personnel qui peuvent se retrouver sur nos étagères. Nous choisissons un livre car nous avons de la peine, nous optons pour un autre car nous vivons un échec amoureux. Mais encore, nous tentons de changer de carrière, alors nous voulons en apprendre davantage sur le désir de tout larguer pour recommencer ailleurs, etc. Le livre ouvre des portes infinies. En ce sens, la littérature nous tend une main bienveillante pour nous accompagner à travers les différentes étapes de notre existence. Elle sert ainsi à comprendre la vie, la mort, la passion, etc. Par exemple, quand je lis cette merveilleuse citation de Christian Bobin sur l’amour, je m’éveille à ses mots. Ces derniers donnent un sens à un sentiment mystique. Et surtout, ces derniers touchent mon coeur. 

«L’amour est le miracle d’être un jour entendu jusque dans nos silences, et d’entendre en retour avec la même délicatesse : la vie à l’état pur, aussi fine que l’air qui soutient les ailes des libellules et se réjouit de leur danse. » (Christian Bobin, Ressusciter, p. 27)

Que ce soit pour nous divertir, pour nous faire grandir, pour nous permettre de croire en quelque chose de plus grand, de briser une solitude omnisciente, les livres possèdent des facettes multiples. Ceux qui lisent semblent être en mesure de changer quelque chose dans leur réel. Quand je pense au long confinement que nous avons connu, quand je pense aux atrocités que nous entendons dans les médias par rapport à la guerre en Ukraine ou à la suite du tremblement de terre qui a engendré plus de 45 000 morts en Turquie et en Syrie, lorsque nous ouvrons un livre, nous essayons de nous évader, de comprendre la réalité dans laquelle nous évoluons ou encore de guérir notre âme meurtrie. Lire apporte du réconfort, façonne le présent, aide à survivre lorsque les temps sont trop difficiles.

À certains égards, nous pouvons croire que les personnages littéraires nous accompagnent, nous donnent une force dans des moments difficiles, nous aident à nous affranchir en nous donnant des ailes. Nous pouvons sans aucun affirmer que la lecture s’avère merveilleuse. Quand je pense à Scarlett O’Hara, je sais que j’ai une image d’une femme forte qui a affronté la guerre de Sécession en sauvant aussi Mélanie en arpentant le territoire dangereux dans une charrette. Je me remémore dans mes moments difficiles sa célèbre phrase alors qu’elle vient de perdre l’homme de sa vie, Rhett : «Je penserai à cela demain, à Tara». Certains y voient de la paresse ou de la procrastination mais de mon côté, je me dis qu’il ne sert à rien de prendre des décisions si je suis trop fatiguée et si je suis aveuglée par mes émotions et que demain est autre jour. 

La littérature a-t-elle alors un réel pouvoir? 

Je crois certainement en son pouvoir de développer ma connaissance du monde et de façonner ma personnalité. 

Sans plus tarder, je vais présenter les témoignages de ma communauté Facebook sur les livres qui l’ont marquée. Ces derniers résonnent fortement en elle et elle en garde un souvenir très fort, puissant. 

Tina Desabraies : Ta deuxième vie commence quand tu comprends que tu n’en as qu’une (Raphaëlle Giordano)

Manon Louisa Auger : Pour moi (surprise!) c’est encore et toujours Les hauts de Hurlevent. Car si j’aimais déjà la littérature lorsque je l’ai lu à 17 ans, c’est lors de cette lecture que j’ai réellement compris ses pouvoirs. Tout au long de ma lecture, je n’arrêtais pas de me demander comment une oeuvre qui racontait des choses aussi horribles pouvaient être aussi belle. Le pouvoir de la littérature (et des arts en général) était entre autres, ça a été ma révélation, dans cette possibilité d’esthétiser même ce qu’il y a de plus laid dans l’humain et de nous le rendre plus supportable; la possibilité d’élever un peu nos âmes et de les rapprocher du divin (au sens large puisque le divin est partout dans la nature).

Michèle Poliquin : Ana Maria Matute écrivaine espagnole : Primera mémoire.

Carole Vadnais : Au cegep (en 1978) on devait lire des essais féministes. J’ai découvert Marie Cardinal et Les mots pour le dire qui raconte sa thérapie pour guérir de ses problèmes liés à une agression sexuelle et à sa mère qui avait tenté de s’avorter pendant sa grossesse. De bien grosses émotions pour une étudiante du cegep et un début de compréhension de l’influence des expériences de l’enfance sur les comportements qui s’incrusteront ensuite pour le reste de notre vie…

Nicole Vachon : Plusieurs livres m’ont marquée. À 15 ans, Le Deuxième Sexe de Simone de Beauvoir qui écrivait que la liberté commençait avec le portefeuille. Puis Maria Chapdelaine qui m’a fait éprouver la solitude comme Romain Gary avec son Gros Câlin. Gabrielle Roy avec son Bonheur d’Occasion parce que les personnages ressemblaient à ma famille. Anne Hébert qui parlait d’ouverture au monde. Plus près de nous, Christian Bobin dans La plus que vive. J’aurais voulu être aimée comme ça. Faut bien rêver, hein? En fait, plusieurs livres me touchent le plus mais spécialement ceux qui creusent les profondeurs de l’être. Je sais que j’ai abusé mais j’aime tellement les livres!

Josée Desjardins : La force des discrets de Susan Cain .

Pour les introvertis comme moi, elle cite parfaitement ce que je ressent, je la conseille!!!

Éric Willems : Lettres de mon moulin d’Alphonse Daudet, c’est un livre qui a marqué mon enfance. Il m’a aidé à développer mon regard sur la beauté de la nature.

Catherine Audet : Un livre qui a changé ma vie… La question n’est pas simple. J’y vais avec un livre qui a changé ma vie de lectrice. Adolescente, j’ai lu Ça de Stephen King. J’étais complètement emportée par ma lecture et je vivais intensément les aventures et les peurs des personnages. À travers ces tomes, j’ai découvert que la lecture pouvait m’emmener ailleurs et me faire vivre une toute autre vie. Évidemment, cette lecture m’a donné l’élan de me plonger dans plein d’autres romans par la suite! Voilà en quoi ce livre a changé ma vie!

Karine Chamberland : Le secret au quotidien et Miracle morning. Livres transformateurs. En plus, ceux de Marie Laberge, Le petit Prince et Souvenirs d’un Européen.

Anne Charmille : A la recherche du temps perdu de Proust car il m’a éclairée sur ma propre vie, a changé mon regard : il m’a ouvert au monde, à la vie, à l’amour , à la nature, à l’art, aux voyages, à la bonne chère… Je ne vois plus comme avant. Depuis que je l’ai lu, je me sens aussi moins seule : nous avons tous envie, comme lui, d’avoir notre maman qui nous embrasse le soir, d’être amoureux ; nous avons, comme lui, peur de la mort, de la maladie. J’ai eu l’impression qu’il parlait de moi. Il m’a transformée en profondeur.

Lucie Lavallée : Publié en 1976, La lampe dans la fenêtre, Étude de moeurs sociales et de criminologie, écrit par Pauline Cadieux. Elle a mené une enquête approfondie, basée sur des faits véridiques, et tout est documenté de façon passionnante, et exhaustive. La part des médias dans le verdict de culpabilité, la société biaisée, tout est exposé de façon crédible et illustré de documents pertinents. Cette première édition a marqué mes 17 ans, et l’importance relative que j’attache aux opinions et perspectives des médias et de la population qui m’entoure. Réédité plusieurs fois, c’est le premier livre qui raconte la triste histoire de Cordélia Viau.

Annick Meulders : De mon côté, je ne peux pas dire que c’est un livre en particulier, mais que c’est la lecture qui a changé ma vie. J’ai toujours été très introvertie, et timide, en plus, ce qui n’aide pas. Et dans les livres, j’ai trouvé les amis que je n’aurais pas osé aborder, j’ai rencontré les personnes qui auraient fait trop de bruit pour moi tout en valant la peine d’être découvertes, je me suis ouverte au monde en silence, sans que cela me prenne toute mon énergie. 

Depuis, j’ai grandi, j’ai voyagé, fait de formidables vraies rencontres également.

Mais la lecture reste toujours une de mes façons de rencontrer. 

Si je devais nommer un livre… probablement les tomes de La petite maison dans la prairie, du coup! 

Hélène Laurendeau : L’idiot de Dostoïevski que j’ai lu à l’âge de 14 ans, un véritable coup de foudre qui a marqué le début de ma passion pour la littérature.

Claude Lamarche : Mathieu de Françoise Loranger. J’avais 19 ans, je filais tellement comme le personnage et il m’a aidée à me sortir de cet état de mélancolie.

Mi-vingtaine, c’est L’Euguélionne de Louky Bersianik qui m’a secouée. J’ai vu la femme que je ne voulais pas devenir et vu celle que je voulais être.

Ginette Robillard : Autant en emporte le vent de Margaret Mitchell, car c’est le premier roman que j’ai lu (trois fois consécutives) lorsque j’avais environ 11-12 ans. C’est vraiment ce roman qui m’a donc donné la passion de lire. De plus, la mère de Scarlett O’Hara s’appelle Hélène « Robillard » ce qui m’avait bien impressionnée! 

Si tu me permets, j’ai oublié de dire que le roman de Mitchell a assurément «marqué ma vie» à jamais, car cette fresque extraordinaire qui se déroule durant la guerre de Sécession m’a aussi sensibilisée davantage, et ce à un très jeune âge, à l’absurdité du racisme et aux souffrances humaines et animales causées par les guerres.

Côté philosophique je dirais Le prophète de Khalil Gibran. La sagesse de sa poésie me guide encore. C’est à lui que l’on doit la fameuse maxime : “Vos enfants ne sont pas vos enfants. Ils sont les fils et les filles de l’appel de la Vie à elle-même, ils viennent à travers vous mais non de vous. Et bien qu’ils soient avec vous, ils ne vous appartiennent pas. Vous pouvez leur donner votre amour mais non point vos pensées, car ils ont leurs propres pensées… ».

Louise Saintonge : Kate Millett, La politique du mâle. La confirmation de mon adhésion au féminisme.

Catherine Gagnon : Une nouvelle: Franz Kafka, «La métamorphose», le livre de Bernard Weber, Depuis l’au delà. Sinon, un classique que j’ai lu presque jour et nuit durant un congé de Noël, Tolkien, Le Seigneur des Anneaux. Aussi, j’ai bien aimé Jacques Poulin lors de mon adolescence.

Nathalie Bouchard : Le pouvoir des mots de Sylvie Provencher, tellement un bel impact dans ma vie, à mettre en pratique à tous les moments.

Madame lit : Le torrent d’Anne Hébert. J’ai lu ce recueil lors de mes études collégiales et je devais rédiger une analyse thématique à partir de deux nouvelles dans le bouquin. J’avais choisi d’analyser le feu dans Le torrent et Le printemps de Catherine. Par le biais de ce travail, j’ai su que je voulais consacrer ma vie à analyser les livres afin de comprendre leur puissance. J’ai par la suite obtenu un baccalauréat et une maîtrise en littérature pour l’enseigner. Et aujourd’hui, j’anime un blogue consacré à la littérature. C’est fou la vie! Alors, je peux affirmer qu’un livre a transformé mon parcours de vie. 

Je suis vraiment contente de constater que les livres possèdent le pouvoir de modifier notre perception du monde et ils nous aident à vivre des émotions, à nous comprendre, à nous aimer. 

Je tiens à dire que cet article pourrait donner suite à de nombreux autres tant il y a à dire sur ce sujet. 

Et vous, quel livre a changé votre vie? Pourquoi?

Bien à vous, 

Madame lit

Vous avez remarqué une faute dans mon article? Écrivez-moi à lit.madame@gmail.com et il me fera plaisir de la corriger. Je ne suis pas parfaite… et il m’arrive aussi d’en faire. Merci et bonne lecture!!!