Madame lit Vivre avec nos morts de Delphine Horvilleur

«Personne ne sait parler de la mort, et c’est peut-être la définition la plus exacte que l’on puisse en donner. Elle échappe aux mots, car elle signe précisément la fin de la parole. Celle de celui qui part, mais aussi celle de ceux qui lui survivent et qui, dans leur sidération, feront toujours de la langue un mauvais usage. Car les mots dans le deuil ont cessé de signifier. Ils ne servent souvent qu’à dire combien plus rien n’a de sens.» (p. 105)
Chère lectrice, Cher lecteur,
Après avoir vu le passage de Delphine Horvilleur à La Grande Librairie, j’ai décidé d’acheter son livre Vivre avec nos morts; petit traité de consolation. Pourquoi? Je trouve le travail de cette femme fascinant. Elle est un «rabbin laïc». Alors que nos sociétés deviennent de plus en plus laïques, je souhaitais en apprendre un peu plus sur ses motivations à embraser cette profession qui pour la plupart du temps apparaît réservée au sexe masculin. Il me semble que lorsque je pense à un rabbin, je vois un monsieur sérieux, en robe noire, avec de longs cheveux et une barbe. Je ne pense pas à une femme dans la quarantaine aux yeux vivants et aux cheveux bouclés. En plus, le sujet de ce bouquin a capté mon attention, c’est-à-dire ce vivre avec nos morts. Nous avons tous perdu quelqu’un de proche. Alors, comment vivre sans l’autre? En ce sens, je me demandais ce qu’une rabbine allait m’apprendre sur le sujet… Donc, c’est avec ce bouquin que j’ai amorcé 2024!
Vivre avec nos morts de Delphine Horvilleur
Dans ce «petit traité de consolation», Delphine Horvilleur aborde les expériences qu’elle a vécues alors qu’elle accompagnait les familles endeuillées durant les obsèques de personnes connues ou inconnues. Ainsi, elle présente 11 histoires toutes plus étonnantes les unes des autres où en tant que rabbine elle doit tisser des liens entre les vivants et la mort ou les morts. Par exemple, elle parle d’expérience personnelle comme la perte de sa meilleure amie Ariane ou moins personnelle celle d’un membre de l’équipe de Charlie Hebdo, Elsa Cayat. Il est aussi question de Simone Veil et de Marceline Loridan, les filles de Birkeneau. Celle qui m’a particulièrement touchée, c’est lorsqu’elle explique à un jeune garçon que son petit frère est parti pour toujours et qu’il apparaît bien difficile de trouver un sens par le biais de différentes métaphores pour tenter de donner une explication simple. L’enfant est confus devant ces dernières : il va être enterré (sous terre) ou il est au ciel. Où ce trouve mon petit frère? Dans la terre ou au ciel? Delphine Horvilleur possède une belle plume et elle a l’art de raconter son vécu en tant que rabbine. Parfois, elle a recours à l’humour (les blagues juives placées ici et là) et à d’autres endroits à des extraits de textes bibliques, poétiques, philosophiques, etc.
Mais encore, j’ai développé mes connaissances sur les rites juifs ou du judaïsme (le symbole du caillou sur une tombe) par le biais de leurs termes (cimetière en hébreu signifie «jardin des vivants»). Bien évidemment, il y a des histoires tributaires de La Bible dont j’ai entendu parler comme celle de Caïn et Abel ou encore de Moïse qui ne voulait pas mourir. Cependant, je ne connaissais pas le rôle du rabbin dans le processus de la mort.
«Le rabbin ou l’officiant ne peut, ni ne doit, être dans la parfaite empathie avec ceux qu’il épaule. Précisément, il se doit de ne pas se faire sienne la douleur de ceux qu’il accompagne, et d’être le pilier d’une verticalité qui les a abandonnées. » (p. 126)
Delphine Horvilleur est très cultivée et elle réussit à transmettre ses connaissances à sa lectrice et à son lecteur, sans jugement. Lire son essai, c’est aller à la rencontre de celle qui agit comme un pont pour relier le monde des vivants à celui des morts. La finitude fait partie de la vie et ce livre aide à faire la paix avec nos fantômes pour continuer notre petit bout de chemin en leur honneur.
J’ai apprécié aussi connaître cet élément car j’adore les mots et leur signification.
«En français, comme dans la plupart des langues, il n’existe aucun mot pour désigner celle ou celui qui perd un enfant. Perdre un parent fait de vous un orphelin, et perdre un conjoint fait de vous un veuf. Mais qu’est-on lorsqu’un enfant disparaît? » (p.103)
Intéressant non? Je n’avais jamais réfléchi à cette absence de terme dans les langues.
Plus que tout, ce livre s’avère un vibrant hommage à la vie. Il ne faut pas oublier l’oxymoron du titre. Alors, «LeH’ayim !» – « À la vie! » se doit d’être célébré par respect pour ceux qui nous ont quittés, pour que nous les célébrions. Comme la rabbine l’a mentionné au journal Le Monde sur le thème de la mort :
«Si ce thème peut effectivement sembler un peu pesant, j’ai cherché au contraire à offrir des récits qui, face au surgissement de la mort, font gagner la vie et ne lui laissent pas le dernier mot. Quand les gens meurent, ce n’est jamais de leur fin ou de leur tragédie qu’il faut parler, mais de la vie et la façon dont ils l’ont célébrée. D’où le titre du livre, Vivre avec nos morts.»
Je ne peux que vous recommander cet essai. C’est intelligent, c’est rempli de vérité et d’humanité. Je crois que je vais m’y référer assez souvent.
Connaissiez-vous cet essai? Que pensez-vous de ce dernier?
Bien à vous,
Madame lit
Vivre avec nos morts; petit traité de consolation
Horvilleur Delphine, Paris, Le livre de Poche, 2022, 206 p.
ISBN : 978-2-253-10482-7
Vous avez remarqué une faute dans mon article? Écrivez-moi à lit.madame@gmail.com et il me fera plaisir de la corriger. Je ne suis pas parfaite… et il m’arrive aussi d’en faire. Merci et bonne lecture!!!
Cet article contient des liens d’affiliation grâce à un partenariat avec la coopérative des Librairies indépendantes du Québec. Vous pouvez commander Vivre avec nos morts de Delphine Horvilleur par le biais du site Web des Libraires grâce à un lien sécurisé.



Je n’ai pas encore lu cet essai, mais en avais lu une chronique il y a quelques temps, qui m’avait donné envie de le découvrir. Il est dans ma liste de souhaits de lecture!
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Alors bonne découverte de cet essai. Merci!
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J’ai toujours beaucoup de plaisir à entendre Delphine Horvilleur (elle est assez régulièrement invitée à la radio) et son essai semble accessible et profond à la fois.
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Elle sait vraiment bien vulgariser l’information. Ce sujet n’était pas très évident à traiter et elle s’en sort haut la main! Merci!
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Bonjour Nathalie tu parles très bien de cet essai sur un thème difficile ! Ce livre a l’air brillant ! Tu as raison, le terme de « rabbin » fait plutôt penser à un vieux monsieur barbu – c’est les stéréotypes habituels ! Merci de cette présentation et très bonne semaine à toi 🙂
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Merci Marie-Anne, ce livre est vraiment brillant et il les portes à une réflexion autre. J’ai été contente de m’y plonger. Bonne semaine à toi aussi. Mes amitiés!
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Oui, je me joins aux autres blogueuses, blogueurs : vous donnez envie de lire cet ouvrage qui aborde un sujet difficile, la mort d’un proche, mais qui touche tout le monde, à un moment donné de l’existence. Quant à la nôtre, c’est encore une autre histoire.
Je suis le conseil de l’auteure : laisser « gagner la vie ». Je trinque donc avec vous en ce début d’année : à la vie !
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Oui car vivre pleinement sa vie, c’est faire honneur à nos chers disparus. Ainsi va la vie… Je trinque également avec vous en ce début de nouvelle année!
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Depuis le décès de mon père, c’est un livre que j’ai très envie de lire. Merci pour ta chronique rappel.
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Bonne lecture. Je sais ce que représente la perte d’un papa. Bon courage.
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C’est un thème difficile à aborder mais en lisant ton billet, j’ai vraiment l’impression que Delphine Horvilleur y arrive très bien. Le passage sur la « verticalité, la réflexion sur la perte d’un enfant sonnent très juste. Merci d’avoir mis ce livre en exergue.
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Merci Patrice pour ton commentaire. Ce livre est à la fois lumineux et obscur. Mais l’autrice cherche à apporter du réconfort, de la lumière, par rapport à ce que traversent des familles….
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Merci du partage! Je viens de le commander et aussi « Comment ça va pas? » Selon la description ils resonnent ensembles!
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Je sais qu’elle sera à La Grande Librairie demain à 10 h sur TV5 Monde pour parler de son livre «Comment ça va». J’ai hâte de l’entendre parler de ce dernier. Bonne lecture!
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