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Madame lit Pays de neige de Yasunari Kawabata

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Madame lit Pays de neige de Yasunari Kawabata

«…………..

… – Ce que tu disais l’autre fois, tu sais, ce n’était réellement pas vrai. Sinon qui s’aviserait, en pleine fin d’année, de venir se geler dans un coin pareil? Non, je ne me suis pas amusé de toi.» (p. 55)

Chère lectrice, Cher lecteur, 

Pour janvier 2024, les organisatrices de la saison 4 du défi Les classiques c’est fantastique, ont proposé aux participantes et aux participants la consigne suivante : 

«JANVIER : Aux portes de l’Asie

Les classiques s’envolent pour de nouveaux horizons… Après les USA et l’Angleterre, notre échappée en Amérique du sud sur un air latino ou notre fabuleux tour d’Europe, nous vous proposons de découvrir les titres incontournables de la littérature asiatique. Dépaysement garanti !» 

Mon choix s’est porté sur Pays de neige de Yasunari Kawabata, écrivain japonais. Comme je ne connais presque rien de la littérature asiatique, je me suis dit que j’allais débuter par un écrivain ayant reçu le Prix Nobel de littérature en 1968. Je ne me souviens plus qui m’avait recommandé cette lecture, mais je crois que c’était Goran, ce grand lecteur de littérature asiatique. Il aurait certainement été heureux de lire ce billet et de constater qu’enfin, j’ouvre un peu plus la porte à l’Asie et à sa littérature. 

Pays de neige 

Ce livre raconte l’histoire d’amour entre Shimamura, un «dilettante» de Tokyo appréciant l’art, la beauté et surtout les ballets européens, et Komako, une geisha, dans une station thermale dans les montagnes japonaises. Shimamura, au cours de ce roman, ira trois fois rejoindre Komako dans un onsen (bain thermal) afin de vivre une purification. Les geishas veillaient à ce que les touristes viennent se reposer et se ressourcer. 

Mes impressions

Vous dire à quel point j’ai aimé cette histoire, c’est peu. Je l’ai adorée. Kawabata propose un univers onirique, où la nature, en l’occurence la neige, encercle les protagonistes dans un espace irréel et hors du temps. Dans ce pays de neige, la lumière s’avère empreinte de douceur, la neige purifie l’être humain tout comme l’étoffe dont il se vêt, les habitants, comme Komako, dégagent un air de fraîcheur et de bonheur. Par exemple : 

«Mais tandis qu’ils avançaient ainsi ensemble, sans parler, sans même échanger un regard, il avait compris que, loin de lui en vouloir, elle avait le coeur tout joyeux, heureuse toute entière de le revoir. Parler n’eût servi à rien, sinon à trop appuyer sur ses propres manquements. Et Shimamura, déjà sous le charme, s’avançait dans un monde qui n’était que douceur heureuse.» (p. 29)

Tout est là dans ces non-dits entre Shimamura et Komako. Le paysage parle d’eux tout comme la symbolique de la chambre Camélia se référant, il me semble bien, à La Dame aux camélias de Dumas fils. Comme il est mentionné dans Wikipédia à propos du célèbre roman de Dumas : 

«La Dame aux camélias est un roman d’Alexandre Dumas fils publié en 1848, inspiré par sa propre histoire d’amour avec la courtisane Marie Duplessis (Marguerite).»

À cet égard, il apparaît facile de faire des liens entre les couples d’amoureux. La chambre Camélia qui va abriter, cacher, Shimamura et Komako, peut alors suggérer dans l’esprit de l’instance lectrice une aura de mort, de passion, d’imperméabilité. Au Japon, en hiver, le camélia est rouge dans la neige blanche… Quelle magnifique symbolique! Ce jeu des couleurs apparaît un peu partout dans le récit (le rouge, le blanc). La passion, la mort. Il faut se rendre à la toute fin pour le réaliser. Le blanc crée souvent une rêverie associée à un retour à un état originel, à la mort. 

Mais encore, j’ai apprécié surtout le personnage féminin Komako. Alors que je croyais les geishas plutôt effacées, discrètes, cette dernière m’apparaît remplie de passion, de vie, de lucidité. Elle accepte de vivre pleinement son histoire d’amour, même si cette dernière est éphémère avec un homme marié, père de famille. Selon moi, Komako évoque un côté moderne. Shimamura vient s’abreuver à elle pour exister, pour revenir à ses sens -ressentir-, pour toucher à la beauté. C’est ce que lui renvoie le regard de Yôko, une jeune geisha.

« Depuis qu’il connaissait la présence de Yôko dans la maison, Shimamura se sentait quelque gêné, sans savoir pourquoi. Il y avait quelque chose de bizarre en lui, qui le retenait de faire venir Komako. Il sentait comme un vide. L’existence de Komako ne lui paraissait pas moins belle, mais tout à fait vaine et déserte, alors même qu’il se disait que c’était à lui qu’elle donnait tout son amour. Un vide. Et son effort à elle, son élan vers la vie lui faisaient mal, le touchaient à vif. Il s’en apitoyait, comme il se prenait en pitié lui-même.  Tout innocents qu’ils fussent, Shimamura n’en doutait pas, les yeux de Yôko avaient une lumière capable d’éclairer jusqu’au tréfonds de tout cela; […].» (p. 143)

«L’onsen geisha Matsuei à partir de laquelle l’écrivain Yasunari Kawabata a bâti un des principaux personnages de son roman en 1934. » Wikipédia

Cette opposition entre les amoureux cherche peut-être à évoquer leur personnalité. L’un apparaît froid, insensible, l’autre, chaleureuse, aimante. Shimamura ressent un vide et ce dernier me semble plutôt relié à sa condition, à la vacuité l’entourant. 

Lors de la troisième visite de Shimamura à la station thermale, les amoureux ressentent bien que ce sera la dernière fois qu’ils se verront. Et c’est surtout Shimamura qui le réalise à la toute fin : «Et sans comprendre pourquoi, Shimamura eut le sentiment d’une séparation prochaine entre eux, sentit que quelque chose leur imposait cette séparation.» (p.188)

Et que dire de la magnificence des descriptions des paysages? Kawabata possède une plume d’une richesse inestimable et poétique. Les livres empreints de descriptions, de beauté, me touchent tout particulièrement. J’aime la lenteur imposée parfois par les bouquins. Il faut prendre son temps en lisant un tel récit. J’ai adoré les descriptions de ciels étoilés, j’ai apprécié la symbolique de la Voie lactée tout comme l’évocation des montagnes enneigées, des flocons et des couleurs de l’automne. 

Si vous n’avez pas encore lu ce classique de la littérature japonaise, je vous invite à vous y abreuver. C’est tellement beau, puissant, intelligent, vous allez certainement aimer cette histoire, comme moi. Shimamura et Komako brillent maintenant dans la constellation de mes histoires d’amour préférées. À relire.

Il me semble que je n’ai pas rendu justice à la richesse de ce chef d’oeuvre… 

Ce bouquin a été lu dans le cadre du défi Les Classiques c’est fantastique créé par Moka et Fanny . En janvier, il fallait plonger dans un classique de la littérature asiatique. 

Vous avez lu Pays de neige? Et d’autres livres de Kawabata?

Bien à vous, 

Madame lit

Pays de neige

Yasuni Kawabata, traduit du japonais par Bunkichi Fujimori, Paris, Le livre de Poche, 2022, 190 p.

ISBN : 978-2-253-03073-7 

Vous avez remarqué une faute dans mon article? Écrivez-moi à lit.madame@gmail.com et il me fera plaisir de la corriger. Je ne suis pas parfaite… et il m’arrive aussi d’en faire. Merci et bonne lecture!!!

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38 réflexions sur “Madame lit Pays de neige de Yasunari Kawabata”

  1. j’ai lu 2 livres de Kawabata il y a plus de 20 ans, l’immense Tristesse et beauté (immense mais relativement noir et sombre il ne faut pas etre trop deprimé pour le lire si je me souviens bien) et les Récits de la paume de la main (petits récits genre nouvelles, ce n’est pas un genre que j’affectionne bcp) que j’ai bien aimé malgré tout par contre encore plus sombre que Tristesse et beauté si je me souviens bien. En regardant mon logiciel de bibliothèque, il me dit que j’ai Pays de neige, acheté il y a un bon moment mais pas encore lu. En anglais ceci-dit alors que j’avais lu les 2 autres en traduction française. Je vais donc l’exhumer de mon placard. Merci de votre chronique qui m’y a fait repenser.

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    1. Merci beaucoup pour votre réponse. J’espère que vous allez apprécier autant que moi cette histoire d’amour. Elle est rempile de nostalgie, de mélancolie et de beauté. Vous reviendrez me partager vos impressions après votre lecture, si vous le voulez bien. Au plaisir!

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  3. Bonjour Nathalie ! J’ai lu « Pays de neige » il y a quelques années et l’avais beaucoup aimé. Je me souviens d’une ambiance assez calme et lente, avec de superbes descriptions de paysages, comme tu le dis. « Tristesse et beauté » du même auteur est magnifique également. Très bonne journée à toi 🙂

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  8. Quel enthousiasme contagieux ! C’est vraiment drôle, je me rends compte que j’ai emprunté ce livre en même temps que Le fusil de chasse à ma BM, je ne comptais pas lire Pays de neige mais tu m’a fait changé d’avis 🙂

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  10. Je n’ai pas encore découvert cet auteur, mais tu parles de ce roman d’une manière tellement charmée que c’est contagieux. Je pense qu’il me plairait. Je l’ajoute à ma (de plus en plus) longue liste de souhaits de lecture… merci Nathalie!

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  18. Aaaah Kawabata … un Grand de la littérature japonaise. J’ai lu de lui « Kyôto » « Le lac » et « Les belles endormies ». Il me semble avoir « Pays de neige » dans ma bibliothèque, je l’en sortirai, c’est certain car ton billet me donne envie de lire ce roman.

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