Madame lit Une chambre à soi de Virginia Woolf
Chère lectrice, Cher lecteur,
Pour avril 2024, les organisatrices de la saison 4 du défi Les classiques c’est fantastique, ont proposé aux participantes et aux participants la consigne suivante :
« AVRIL : Indignez-vous ! Les classiques révoltés.
Ce rendez-vous marquera la fin de notre 4e saison des classiques c’est fantastique et histoire de nous préparer pour les manifestations de mai, nous vous invitons à lire des classiques engagés ! Parce que les révoltes et les grands combats sont aussi de ceux qui offrent de très belles pages littéraires. »
Alors, je me suis dit que j’allais enfin lire Une chambre à soi de Virginia Woolf. La deuxième femme à entrer dans la Pléiade est-elle une révoltée ? Après avoir lu Une chambre à soi, je ne peux que vous répondre oui, oui, oui !
D’ailleurs, ce texte, Virginia Woolf l’a rédigé pour une conférence qu’elle allait donner. Voici l’information que j’ai trouvée dans mon édition Quarto Gallimard.
« Première publication 1929. Cet essai reprend deux conférences prononcées à l’Arts Society de Newnham et à l’Odtaa ( One Damn Thing After Another ) Society à Girton, deux Collèges féminins de Cambridge, en octobre 1928. Les conférences étaient trop longues pour être prononcées en entier et ont ensuite été remaniées et augmentées. » ( p. 1111)
Ainsi, Woolf s’adresse à la jeunesse afin d’expliquer en quoi le fait de posséder une chambre à soi et un revenu a un impact sur les femmes et la littérature. Par ailleurs, elle souhaite enfin accéder à la notoriété qu’elle recherche tant en donnant cette conférence dans un lieu sérieux. Son travail s’avère nécessaire pour la cause féministe et sa plume précise.
Mais encore, selon la page Wikipédia de l’université Cambridge :
« Les premiers collèges pour femmes sont Girton, créé en 1869, et Newnham, créé en 1871. Les premières étudiantes ont passé leurs examens en 1882, mais c’est seulement en 1947, vingt ans après Oxford, que les femmes ont été considérées comme des membres à part entière de l’université. »
Il s’avère intéressant de soulever cet élément. En 1929, les femmes n’étaient pas encore considérées « comme des membres à part entière de l’université. » Je devais répéter ce fait, car il m’apparaît crucial en ce qui concerne l’histoire entourant Une chambre à soi. Virginia Woolf s’est fortement engagée dans la cause des femmes avec ce texte. D’ailleurs, selon la page Wikipédia du livre, il est mentionné :
« Ce texte est considéré comme tenant une place importante dans l’histoire du féminisme3,4. Il figure à la 69e place sur la liste des cent livres du siècle publiée par Le Monde en 1999. Le Guardian le classe en 2016 parmi les 100 meilleurs livres de non-fiction. »
Bravo Virginia Woolf. Mais de quoi est-il question dans cet essai ?
Une chambre à soi
Par le biais d’une recherche dans les livres, Virginia Woolf s’interroge sur la place des femmes dans la littérature. Il faut attendre la fin du XVIIIe siècle pour que des écrivaines comme Jane Austen, les sœurs Brontë ou encore George Eliot prennent la plume et publient des romans.
« Seule Jane Austen eut ce génie et cette probité et aussi Emily Brontë. C’est là une nouvelle plume, peut-être la plus belle de leur chapeau. Elles écrivaient comme écrivent les femmes et non comme écrivent les hommes. » (p. 1163)
Auparavant, il n’y a presque rien de mentionné dans les ouvrages masculins sur la place des femmes dans la littérature, car ces dernières étaient pour la plupart incultes. L’Angleterre vit sous le joug patriarcal. Les femmes n’ont pas le droit de vote, le droit de propriété, etc. Souvent, elles ne savent pas lire ou écrire. Elles n’ont pas le temps de réfléchir en buvant un thé sur une terrasse ou de voyager afin de développer leur vision du monde. Elles ne peuvent avoir accès à des lieux comme des bibliothèques universitaires pour faire des recherches sans être accompagnées par un homme y travaillant. Woolf aborde aussi les exigences reliées à la vie maritale comme s’occuper du ménage, de la maison et des enfants. Les femmes ne pouvaient pas écrire dans de telles conditions. À cet égard, Sir Egerton Bridges ( 1762-1837 ) en août 1828 mentionne ceci à propos des romancières :
« Les romancières devraient se contenter d’aspirer à la perfection en reconnaissant courageusement les limites de leur sexe. » ( p. 1163)
Mais plus que cela, Virginia Woolf présente quelques recommandations aux femmes souhaitant écrire. Elle leur conseille d’avoir une chambre à elles où elles peuvent s’enfermer sans être dérangées. Elle leur dit également qu’il faut qu’elles possèdent 500 livres de revenus. Ainsi, elles auront la paix et la liberté pour créer. La liberté intellectuelle leur sera donnée.
« La liberté intellectuelle dépend des choses matérielles. La poésie dépend de la liberté intellectuelle. Et les femmes ont toujours été pauvres, non seulement depuis deux cents ans, mais depuis le commencement des temps, Les femmes ont eu moins de liberté intellectuelle que les fils des esclaves athéniens. Les femmes n’ont donc pas eu la moindre chance d’écrire des poèmes. C’est pourquoi j’ai tant insisté sur l’argent et le fait d’avoir une chambre à soi. » (p.1188)
Mais encore, après avoir publié, les femmes devront subir l’épreuve de la critique qui est masculine, donc, cette dernière s’avère habitée par des valeurs masculines.
Mes impressions
Lisez cet essai, s’il vous plait. Je ne comprends pas que j’aie attendu si longtemps pour le lire. Et pourtant, j’ai étudié en littérature une bonne partie de ma vie. Mes professeurs auraient dû rendre cet essai obligatoire. Mais bon, il y avait peut-être trop d’hommes à l’époque en littérature… Il faut le lire pour bien comprendre le machisme qui a marqué la littérature durant des siècles. La femme se retrouve dans une position d’infériorité constante. D’ailleurs, je ne suis pas prête d’oublier cette phrase la duchesse Margaret de Newcastle (1623-1673) :
« Les femmes vivent comme des chauves-souris, des hiboux, travaillent comme des bêtes et meurent comme des vers…» ( p. 1153 )
Bien entendu, si la femme avait eu accès à des conditions de vie différentes au fil du temps, l’histoire de la littérature n’aurait pas été la même.
J’ai adoré la plume de Virginia Woolf, toujours juste et intelligente et je trouve encore très vraies ses recommandations, c’est-à-dire d’avoir un revenu pour être en mesure de créer et d’avoir une chambre à soi dont il faut aussi avoir la clef pour s’enfermer et ne pas être dérangée par le mari ou les enfants. Il me manque cette dernière. À cet égard, Virginia Woolf a marqué le devenir des femmes et elle les a influencées par rapport à l’art de la création et au régime patriarcal sévissant en Angleterre.
Une chambre à soi a été lu dans le cadre du défi Les Classiques c’est fantastique créé par Moka et Fanny . En avril, il fallait plonger dans un classique d’une indignée. Virginia Woolf, grâce à cet ouvrage devenu culte, a démontré à quel point nous devons nous indigner… Vive le quant à soi créatif !
Avez-vous lu Une chambre à soi de Virginia Woolf ?
Bien à vous,
Madame lit
Virginia Woolf, traduit de l’anglais (britannique) par Clara Malraux, Paris, Quarto Gallimard, 2014, p. 1111 à 1192.
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Ton texte est vraiment intéressant. J’ai lu deux chapitres et je devrais reprendre. Et je me demandais ce que pourrait dire l’écrivaine si elle vivait au Québec en 2024…
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Bonne question! Bonne continuation avec cet essai très marquant!
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Je l’ai lu tardivement et il restera dans mes livres essentiels. Il reste toujours d’actualité pour moi…
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Effectivement, il est toujours d’actualité. Merci.
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Je l’ai sur mes étagères mais comme tous les essais en général, il m’intimide… Tu me donnes envie d’enfin m’y mettre !
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Il n’est pas intimidant… Il est facile d’accès! Alors, n’hésite pas!!! 🙂
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Excellent commentaire sur le fait que vos professeurs auraient dû rendre la lecture de ce livre obligatoire. Peut-être devrions-nous encore aujourd’hui le mettre au programme? J’en parle parfois dans mes cours, mais pas encore assez. Merci de m’ouvrir les yeux!
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C’est une très bonne idée de le mettre au programme. Aujourd’hui, nous prenons tout pour acquis et pourtant… Merci!
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Ce fut aussi pour moi une révélation, le genre de livre où chaque mot, chaque phrase est important…
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Bien d’accord. Merci!
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Je suis contente de l’avoir enfin lu l’an dernier. Cet essai n’a pas pris une ride !
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Bien d’accord et je crois qu’il ne faut jamais oublier d’où nous partons…
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Je n’ai pas encore lu cet essai, mais le retour que tu en fais m’incite vraiment à en prendre note!
Je viens de lire cet article qui fait référence à « Une chambre à soi »… comme quoi, les choses n’ont guère changé depuis l’époque de Virginia Woolf : https://www.cairn.info/revue-idees-economiques-et-sociales-2016-4-page-24.htm
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Merci pour le lien. Je vais aller lire cet article. La lutte pour les droits des femmes est en effet toujours d’actualité. Il faut être vigilantes.
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j’en garde un fort souvenir!
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Au plaisir! Merci!
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Bonsoir Nathalie, j’ai beaucoup aimé cet essai de V. Woolf, vraiment brillant et d’une lucidité rare. Elle était très en avance sur son temps. Merci de cette chronique qui ravive de bons souvenirs de lecture. Bonne soirée !
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Merci Marie-Anne. Virginia Woolf m’apparaît aussi comme une visionnaire et ce, à bien des égards. Je suis contente pour tes souvenirs. 🙂
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Je suis contente aussi de pouvoir de nouveau écrire des commentaires sur ton blogue 🙂
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Je suis contente de te lire!!! 🙂
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Je l’ai relu pendant le premier confinement en France. Un vrai plaisir de lecture à chaque fois. Pour le coup, comme tu le dis bien, il est très accessible : ceux qui ont peur de Woolf devrait commencer par celui-ci.
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Il est plus accessible car c’est tout d’abord un discours. Alors, elle a dû vulgariser l’information. Bonne idée! Celles et ceux qui ont peur de Virginia Woolf devrait commencer par la lecture de ce livre. Les préceptes énoncés sont fondamentaux. Merci!
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D’autres participantes au rdv l’avaient lu et m’avaient déjà donné envie de le lire, voilà que tu en rajoutes une couche, il va falloir que je me lance ! Il a l’air tellement intelligent et important, que demander de plus s’il est en prime accessible !
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C’est vraiment un essai nécessaire. Il ne vieillit pas et au contraire, les conseils de Virginia Woolf aux femmes sont toujours essentielles. Merci!
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J’ai enfin pris le temps de découvrir ce livre avec le challenge lors du mois consacré à l’autrice. Après un début poussif, j’ai fini par me laisser complètement séduire par cet essai. Il me reste désormais bien d’autres titres à lire pour m’emparer plus complètement de son œuvre ! Merci pour ta participation et RDV le mois prochain pour le lancement de la 5e saison?
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Merci et oui, je participe à la 5e saison! Grâce à ce défi, je fais des découvertes livresques extraordinaires. J’ai d’ailleurs commencé à réfléchir à mes choix de lecture!
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C’est un des moments que je préfère dans le défi. Le choix des titres qui m’accompagneront!
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Moi aussi! Ça promet!
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J’ai prévu de le lire, sans doute bientôt d’ailleurs, ayant fait de Virginia Woolf mon auteure chouchou dans le cadre de l’activité proposée par Géraldine… à la lecture de ton billet, je m’en réjouis !
Ingannmic (https://bookin-ingannmic.blogspot.com/)
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J’aime beaucoup aussi Virginia Woolf. C’est rare que je sois déçue en la lisant. J’ai d’ailleurs acheté chez Gallimard Quarto «Virginia Woolf – Romans, essais » pour avoir la possibilité de lire ce que je veux en fonction des défis ou de mes goûts du moment. Bonne lecture ! 🙂
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Bien sûr qu’il faut le lire (comme tout Woolf d’ailleurs 🙂 )
J’aimerais le relire dans la nouvelle traduction de Darrieussecq.
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Bien d’accord. Il faut tout lire de Woolf! Merci et bonne lecture!
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Je viens de constater qu’il n’est pas dans le fonds du CDI dont j’ai la charge depuis peu. Une erreur qui sera réparer dès ma prochaine commande !
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Tant mieux! Bonne lecture!
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