Madame lit Le conservateur de Nadine Gordimer

« Personne ne se rappellera où vous êtes enterré. »
Chère Lectrice, Cher Lecteur,
En août, pour ma participation au défi Les classiques c’est fantastique, il fallait plonger dans un classique de la littérature africaine.
« Littérature peu mise en avant, les classiques du continent africain marqueront nos pages d’août. Une suggestion qui appelle au voyage. De préférence, saisissons l’occasion de découvrir des auteurs et autrices d’origine africaine ou des titres qui s’y déroulent…»
Encore une fois, j’ai fouillé dans ma bibliothèque et je suis tombée sur Le conservateur de Nadine Gordimer (1923 – 2014), roman publié pour la première fois en 1974. Comme je n’avais encore rien lu de cette grande autrice de la littérature africaine, amie de Nelson Mandela, titulaire du prix Nobel de littérature, ancienne militante de la lutte contre l’apartheid, il allait de soi que je le lise enfin Le conservateur pour août. Il importe de rappeler que Nadine Gordimer est une grande dame de la littérature du vingtième siècle et que Le conservateur est le livre dont elle est le plus satisfaite. C’est grâce à une chronique de Marie-Anne de La Bouche à Oreilles que j’ai découvert Le conservateur.
Le conservateur
Mehring est un riche industriel blanc (un afrikaner) de la société sud-africaine des années 60 siégeant dans de nombreux conseils d’administration et il possède une ferme, dans le veld. Il ne va dans son domaine agricole que la fin de semaine afin de donner des ordres à ses employés noirs et pour fuir la vacuité de la ville. Il a un fils, son seul héritier, à qui il ne parle guère et il découvre dans les affaires de ce dernier un livre soulevant des doutes quant à son orientation sexuelle, ce qui le choque. Il a une ex-femme vivant aux États-Unis à qui il ne parle que par le biais de ses avocats. Sa maitresse est une gauchiste très moralisatrice qui s’éloigne progressivement de lui. Enfin, le cadavre d’un homme noir est retrouvé sur ses terres. Qui est cet homme ? Alors que le régime de l’apartheid divise les Sud-Africains, Mehring pose un regard critique sur sa vie et la société avec laquelle il transige. Il voit les tensions raciales sévissant dans le pays, mais en même temps, il vit une aliénation, car il interprète mal la situation de ses employés. Ces derniers n’attendent que le bon moment pour se rebeller et réhabiliter leur territoire. L’aliénation de Mehring est tributaire de sa race et de sa richesse. À qui la terre appartient-elle?
Mes impressions
Roman mettant en lumière les enjeux de l’apartheid, je ne m’attendais pas à avoir de la difficulté à le lire et à le comprendre (je ne suis pas une spécialiste de l’apartheid). L’autrice, dans ce récit, démontre qu’elle possède un talent indéniable pour masquer les sentiments de ses personnages, surtout des Noirs grâce à la perception de son personnage principal. Mehring, l’anti-héros blanc. Ce dernier vit en contradiction avec ce qui se passe autour de lui. Il se sert de l’apartheid pour s’enrichir, même s’il n’a personne avec qui partager sa fortune. Il est obsédé par la possession et par ses terres et il apparaît comme étant déconnecté de ses travailleurs noirs. Mehring interprète mal leur mode de vie et leurs pensées puisqu’il est prisonnier de ce qu’il est d’où le titre du livre se référant à la politique. Il a des préjugés sur ces derniers. Bien évidemment, les Noirs sont les opprimés, les victimes de ce régime.
« On déclenche toujours les rires quand (sur un ton franchement confidentiel) on remarque qu’on peut être bien tranquille, qu’un homme qui ne sait pas écrire n’ira pas falsifier vos livres de comptes. C’est le chef comptable qui apprécie le plus cette observation. » (p. 202)
De plus, ce qui m’a particulièrement touchée dans ce livre, ce sont les descriptions de la nature. Cette dernière semble un personnage à elle seule. Elle apparaît indissociable de l’intériorité de Mehring qui ne cesse de lutter pour tenter de trouver sa place dans ce monde en changement. En marchant avec Jacobus sur ses terres après une inondation, voici ce que perçoit Mehring lui qui se croyait le protecteur de l’environnement et non pas l’exploiteur.
« Il abandonne, il reste là debout sans bouger et, pour la première fois depuis l’inondation, il est seul face à la propriété : celle-ci s’offre à lui, non pas comme la série d’anecdotes et d’images qui se sont formées dans son imagination pendant qu’on lui expliquait à quoi elle ressemblait et ce qui s’y était passé au cours des deux dernières semaines, mais comme une présence vivante.
Une mauvaise odeur. Une odeur de pourriture. » (p. 340)
La nature parle à Mehring. Ainsi, l’après-inondation lui dévoile sa solitude dans ses terres et du fait que la nature vit sans lui. Ses sens sont ainsi interpellés et touchés par l’odeur de la pourriture. La Nature devient alors une métaphore.
Il y aurait tant à dire sur ce livre… la plume de Gordimer s’avère précise, minutieuse lorsqu’elle décrit le territoire, la nature qu’elle connaît si bien. Le lecteur est témoin avec elle de la beauté de l’Afrique du Sud. Et il faut se rendre à la toute fin où la terre avale la mort, car elle appartient aux Noirs. C’est poétique et symbolique.
Je tiens à rappeler que ce livre a été lu dans le cadre du défi proposé par Moka: Les classiques c’est fantastique !
Je vous recommande cette lecture malgré sa complexité si :
- Vous voulez découvrir un personnage qui aime la possession
- Vous souhaitez lire un bouquin magnifiquement écrit
- Vous voulez poursuivre votre découverte du régime de l’apartheid
Vous avez déjà lu un bouquin de cette autrice nobélisée ?
Bien à vous,
Madame lit
Nadine Gordimer, traduit de l’anglais par Antoinette Roubichou-Stretz, Paris, Grasset, coll. Les Cahiers rouges, 2014, 371 p.
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Pourquoi pas, mais pas tout de suite, je suis surbookée c’est le cas de le dire 😉
Bonne dernière semaine d’août 🙂
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Merci! À toi aussi!
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Bonjour Nathalie, merci beaucoup pour le lien vers mon article ! Tant mieux si cette lecture a été pour toi agréable ! J’avoue ne pas en avoir gardé tellement de souvenirs, sauf que je n’avais pas aimé… Il faudra que je relise Nadine Gordimer un jour. Merci de me la remettre en mémoire grâce à cet article ! Bonne journée à toi 🌞😎⛱️🌊📚🤩
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Merci Marie-Anne ! Ce que j’ai apprécié, malgré la difficulté du récit, c’est sa construction. L’autrice joue avec nous et elle connaît bien son anti-héros. Bon retour! 📖🌞👓🦦💐
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Tu as réussi à me convaincre, je ne sais pas quand je la lirai mais je la note sur ma liste!
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Comme j’ai mentionné, c’est une lecture difficile mais elle vaut la peine! Bonne lecture!!!
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Je ne savais pas que cette autrice était nobellisée… je ne la connaissais même pas… Comme quoi un grand prix ne garantit pas la célébrité à terme. Est-elle davantage connue au Québec qu’en France ?
En tout cas, le titre a l’air très intéressant. Merci pour la découverte.
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Je ne crois pas qu’elle soit plus connue au Québec qu’en France. Il y a des femmes comme elle que le public connaît moins. Je suis heureuse alors d’avoir parlé d’elle. Il faut célébrer les succès féminins!!! 🙂 Merci!!!
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Merci pour la découverte! Même si tu parles de complexité, ce livre me tente vraiment.
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Bonne lecture alors! 📖🙂
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Merci pour cette chronique : je découvre grâce à toi une auteure dont je n’avais jamais entendu parler…
Ingannmic (https://bookin-ingannmic.blogspot.com)
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Merci ! Cette récipiendaire d’un Nobel de littérature semble avoir été oubliée…
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Malgré la complexité du récit, ce que tu en dis est intéressant : peut-être prendrai-je un jour le temps de découvrir ce livre et son autrice !
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Merci! Je te souhaite d’excellentes découvertes littéraires!
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