Embellie : Amélioration momentanée du temps, de l’état de la mer- Amélioration d’une situation. (Le Petit Robert).
Chère lectrice, Cher lecteur,
L’Embellie d’Audur Ava Ólafsdóttir raconte l’histoire d’une jeune trentenaire islandaise qui est larguée par son mari, en novembre. Ce dernier a mis enceinte une autre et il sent qu’il n’a plus l’attention de sa femme qui de son côté le trompe parfois avec un client (elle exerce la profession d’écrivain public et elle livre ses écrits à domicile). La narratrice ne veut pas d’enfant car elle se dit qu’elle n’a pas la fibre maternelle et que les couples souvent se séparent après avoir eu un bébé. La narratrice parle onze langues mais elle a de la difficulté à exprimer ses émotions aux hommes. Elle se voit confier du jour au lendemain le fils sourd portant de grosses lunettes de sa meilleure amie. Elle décide de partir en vacances dans un petit village se trouvant à plusieurs kilomètres de son lieu de travail en compagnie de l’enfant sourd et presque aveugle. La narratrice et Tumi, le jeune garçon, développent une relation tendre, belle et ils apprennent à parler le même langage, celui de l’amour se tissant entre une femme et un enfant le temps d’un hiver islandais.
Le roman m’avait été recommandé par un abonné à mon blogue. Je dois admettre que j’ai beaucoup apprécié cette lecture… Pourquoi? Pour cette embellie sillonnant les pages de ce roman.
Tout d’abord, il y en a de la pluie, de l’eau dans cette histoire… Le climat et le paysage en sont imbibés. D’ailleurs, si l’on traduisait le titre original de l’islandais, ce dernier serait Pluie en novembre.
Dans tous le pays de nombreuses rivières sont en crue à la suite des pluies diluviennes qui tombent sans interruption depuis plus de deux semaines, commente le speaker aux informations du midi. Il y a de moins en moins de routes praticables, les rivières fangeuses s’en prennent aux piliers des ponts et il s’en faut de peu qu’ils soient fermés eux aussi. La route circulaire se trouve déjà coupée sur un segment d’une centaine de mètres; les eaux encerclent des fermes, des chevaux, des balles de foin, maints prés sont inondés et des habitants empêchés de rentrer chez eux d’une ferme à l’autre, les coupures de courant se généralisent […]
Je n’ai d’ailleurs qu’à plonger le regard à travers le pare-brise pour voir que le pays est à moitié sous l’eau, tout est littéralement à flot sur les étendues de sable. Je me suis lancée dans un agréable circuit autour du pays, dans le but de remettre ma vie en ordre, et voilà que le fil est déjà rompu. (p. 221-222).
L’eau s’infiltre partout… Une eau qui nettoie, qui libère, qui permet à la narratrice de voguer, de larguer les amarres et de renouer avec son identité, son enfance… Après toute cette eau, à la fin du roman, le lecteur assiste à une accalmie…
Ça doit être le signe magique de la naissance du jour le plus court de l’année. Juste avant midi, le monde soulève sa noire couverture et le soleil fait son entrée horizontale par la fenêtre, une mince strie rose, comme la ligne ténue entre les paupières d’une femme ensommeillée. (p. 346)
L’embellie, c’est cet apprivoisement de l’eau et de sa puissance, de cette nouvelle mise au monde… L’eau, c’est aussi le symbole du liquide amniotique, le lien entre la mère et l’enfant… d’où son importance dans cette histoire…
Mais encore, l’embellie, c’est aussi cette magnifique relation entre une femme qui croit qu’elle n’a pas la fibre maternelle et un petit garçon sourd, portant de grosses lunettes… Grâce à cet enfant, la narratrice à la fin du roman s’avère en paix avec l’amour qu’elle lui voue, avec sa fibre maternelle…Son embellie, c’est surtout cette réappropriation du langage de l’amour à travers une découverte, celle du rôle de maman…. Son amie lui mentionne au début :
-Le moment n’est-il pas venu pour la linguiste distinguée de se pencher sur l’aspect et la forme des mots, de voir à quoi ressemblent les concepts en trois dimensions, d’apprendre à fabriquer des mots avec le corps, sans la voix? (p. 137-138)
Et elle poursuit :
-Et puis sa compagnie te fera du bien. Tu verras, il va te changer. (p. 139).
Pour moi, la plus belle image du roman, c’est à la fin, l’enfant courant nu sur la plage, la narratrice le rattrapant, le portant sur ses épaules… Elle est pleinement en contact avec lui, elle prend soins du petit et ce dernier lui retourne totalement son affection…
Je cours après le petit, sentant les coquillages aigus et les froides lanières d’algues sous la plante de mes pieds; la vase gicle entre mes orteils, l’eau salée mouille mes chevilles. Je le rattrape dans un bac d’algues flottantes, le recouvre de mon pull-over, soulève le petit corps froid et le place à califourchon sur mes épaules. Il a du sable noir entre les doigts de pied. Il caresse le lobe de mes oreilles. Je jette un dernier coup d’œil à l’océan avant de repartir au pas de course. (p. 350).
Alors, cette femme était sourde d’une manière coupée de ses émotions et grâce à ce petit garçon, elle apprend un langage qui l’amène à une embellie dans sa propre vie.
De surcroît, j’ai aimé l’atmosphère du roman… les descriptions splendides de la nature islandaise, le lien avec les animaux, le rôle de la tireuse de cartes et le chemin de la narratrice dont le trajet est parsemé d’hommes jusqu’à sa rencontre avec le bon, celui avec qui elle aura envie d’aller quelque part…Un bouquin à lire…
Je vous présente également cette vidéo réalisée par M. Robert Benoit à partir des images filmées durant son voyage en Islande pour vous plonger encore plus dans l’ambiance du roman. Je le remercie pour cette dernière et pour son accompagnement au fil de la lecture.
Connaissiez-vous cette écrivaine islandaise? Avez-vous déjà lu un roman de cette dernière?
Bien à vous,
Madame lit
ÓLAFSDÓTTIR, A.A. (2004). L’Embellie, traduit de l’islandais par Catherine Eyjólfsson. Paris : Zulma.
Très belle critique…
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Merci Goran!
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L’histoire semble émouvante…
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Connaissais-tu cette écrivaine? Et oui, l’histoire est émouvante et parfois paradoxale, comme je les aime! 🙂
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Non je ne connaissais pas… Paradoxale ?
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Oui dans le sens qu’une femme qui ne veut pas d’enfant se retrouve à s’occuper de celui de son amie, que cette femme parle 11 langues mais elle est incapable de communiquer réellement avec les hommes et que c’est en apprenant le langage des signes qu’elle finit pas accepter l’amour ( pour un enfant et pour un homme). Voilà les paradoxes principaux à mon humble avis…
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J’aime beaucoup cette écrivaine et j’avais adoré L’Embellie tout comme Rosa Candida ! Si tu ne l’as pas lu, je te le recommande ! Très belle chronique que tu as faite !
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Merci! Je compte bien lire Rosa Candida! Merci pour cette suggestion!
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Avec plaisir ! 🙂
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Je ne connaissais pas. C’est très beau. Embellie… Tu sais, j’écris, depuis un moment, un texte dont le titre est « l’embellie ». L’Embellie est un chihuahua qui rentre dans la vie d’une femme qui ga changer sa vie. Merci une très belle chronique et un beau visuel…
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Merci Cat… Une bien belle coincidence entre ton titre et celui de ce bouquin. Je partage ton avis, la vidéo renferme de spectaculaires paysages de l’Islande. Bonne fin de journée à toi! J’oubliais, ma mère vient d’adopter une chihuahua d’un refuge et sa chienne a changé sa vie!
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Non! et bien mon personnage a aussi adopté ce chien dans l’histoire. C’est drôle!
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Oui! C’est drôle! 🙂 Elle en vit des aventures ma maman avec son chihuahua! 🙂
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Je connais l’auteure de nom, grâce à « Rosa Candida » mais ce titre-ci, que tu chroniques avec une belle sensibilité, m’intéresse davantage pour la découvrir. Les thèmes me parlent beaucoup et j’aime les extraits que tu as cités. Merci !
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J’espère que tu apprécieras autant que moi cette lecture! Merci à toi!
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Un bel article. Son précédent roman m’attend d’abord sur ma PAL mais j’y viendrai.
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J’espère qu’il te plaira autant qu’à moi….
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Merci pour cette belle découverte. Je ne connais absolument pas cette auteure.
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J’ai beaucoup aimé… À découvrir alors peut-être pour vous.
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Cette histoire a l’air très belle, elle me plairait sans doute ! Lire Rosa Candida me tente aussi beaucoup 🙂
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Tu as le choix alors! Je vais lire aussi Rosa Candida. Une lecture que je te souhaite!
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Très belles images! Le monde est beau partout, sous le soleil, sous la neige, sous la pluie et aussi… sous la glace.
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Oui! Les paysages islandais sont magnifiques! Je suis contente que cette vidéo plaise. Merci pour ce beau commentaire!
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Encore un très belle chronique. Merci pour cette découverte : je ne connais pas du tout cette auteur, d’ailleurs, je ne suis pas certaine d’avoir déjà lu de la littérature islandaise… À découvrir donc !
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Je te souhaite un excellent voyage littéraire à travers les magnifiques descriptions de paysages islandais… Cette écrivaine possède une belle plume! Merci!
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J’aime beaucoup cette auteure. J’ai beaucoup aimé aussi « Rosa Candida » et « L’Embellie ». Elle a sorti, il y a peu » Le rouge vif de la rhubarbe « .
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Liras-tu tu aussi « Le rouge vif de la rhubarbe »? Au plaisir et merci!
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Oui aussi car il me tente bien.
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Oui, car il me tente bien. Et à chaque fois, c’est agréable de replonger dans l’écriture d’un écrivain qu’on apprécie.
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Tu as bien raison! Je te souhaite une belle lecture avec ce roman lorsqu’il croisera ta route.
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Merci !
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Ton billet est vraiment très beau (comme tous tes billets d’ailleurs!). J’ai beaucoup aimé ce roman aussi, même si Rosa Candida a une plus haute place dans mon coeur.
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Merci pour ce beau compliment! Je vais certainement lire « Rosa Candida » bientôt! Au plaisir!
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Finalement, je l’ai emprunté et n’eut été de ton billet, je n’y aurais vu que l’hyperréalisme de l’histoire qui fait qu’on ne sait rien de ses sentiments et très peu de ses pensées,mais tout de ses gestes quotidiens par le menu détail. Et puis c’est quoi l’utilité de cet ajout à la fin: les recettes? Ça m’a presque gâché ma lecture, comme si l’auteure,comme son personnage, encore une fois fuir ou ou ne pas assumer ou éviter d’approfondir ses vrais sentiments et ne s’en tenir qu’à la cuisine, la salle de bains, la maison.
Sinon, j’ai beaucoup aimé le style de l’auteure et même ses retours en arrière, dépeints en italique.
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C’est vrai que les recettes à la fin, c’est un peu étrange… bon, c’est une lecture qui nous plonge dans un univers liquide, marqué par un rayon de soleil… une lecture qui se prend bien, une plongée dans les paysages islandais…
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