Madame lit Laissez-moi de Marcelle Sauvageot
«Tu vois là une preuve d’amour, n’est-ce pas?» Je t’envoie un baiser dans l’air. Si tu m’aimes, je guérirai». (p.16)
Chère lectrice, Cher lecteur,
Pour ma première participation à l’événement relié aux romans épistolaires organisé par Et si on bouquinait un peu? et moi, je voulais aborder Laissez-moi de Marcelle Sauvageot. Ce livre depuis sa parution en 1933 n’a cessé d’être encensé par la critique. Alors, je suis bien contente de l’avoir sorti de ma bibliothèque et de pouvoir partager avec vous mes impressions.
Tout d’abord, qui est Marcelle Sauvageot?
Selon sa page Wikipédia :
«Née en 1900 à Charleville (Ardennes), Marcelle Sauvageot était une professeure agrégée de lettres dans le collège de garçons de cette ville. Vers la mi-vingtaine, elle tombe malade de tuberculose et enchaîne une série de longs séjours en sanatorium : d’abord à Tenay–Hauteville dans l’Ain où elle commence son essai à la suite d’une déception amoureuse, puis plus tard à Davos, en Suisse, sa dernière demeure. Marcelle Sauvageot est décédée le 6 janvier 1934. Elle repose au cimetière de Trésauvaux, dans la Meuse, en Lorraine, d’où était originaire sa famille.
Elle laisse en héritage une œuvre unique. Une œuvre remise à un éditeur trois ans après son écriture, avec le soin de trouver un titre. Le texte (écrit intime, essai, roman autobiographique, ou lettre fictive ?)2 est diffusé dans un premier temps hors commerce, à 163 exemplaires, un an avant sa mort. Il est bien accueilli par les rares destinataires au sein de la communauté littéraire et artistique parisienne, notamment par Paul Valéry, Paul Claudel, René Crevel3,4, mais aussi Henri Rambaud, Robert Brasillach, Jacques de Bourbon Busset, Henri Focillon, Henri Gouhier, etc.2. Le titre retenu est très sobre : Commentaire.»
Comme vous pouvez le remarquer, cette dernière a connu un destin tragique. Mais ce qu’elle a écrit est unique, personnel, pur. Sans plus tarder, voici le résumé et mes impressions.
Laissez-moi (Commentaire)
Une femme atteinte de tuberculose, dans un sanatorium, reçoit une lettre de son amant lui annonçant qu’il rompt puisqu’il va se marier avec une autre. Cependant, il lui dit que leur amitié demeure. Dès qu’elle lit ses mots, son monde bascule, ses espoirs, tout comme cet amour absolu qu’elle ressent pour lui. Elle couche sur le papier de sa lettre ses émotions, ses souvenirs de cet amour qui pour elle ne peut se vivre sans concession.
Mes impressions
Je dois tout de suite dire que j’ai été très émue par ce livre, par cette histoire. D’une part, je ne sais pas si cette correspondance est fictive ou réelle. Mais peu importe, elle apparaît comme universelle tant cette perte d’illusions par rapport à l’être aimé s’avère profonde, lucide, intelligente, féminine comme seule une femme peut aimer, peut rêver, peut se souvenir… et ce même des imperfections de l’autre.
«Où est le mal si je restais, si j’acceptais ces insuffisances, si je les aimais? Oh! homme, tu veux toujours qu’on t’admire. Toi, tu ne juges pas, tu ne mesures pas la femme que tu aimes. Tu es là, tu la prends; tu saisis ton bonheur, elle semble ne plus s’appartenir, avoir perdu toute notion : tu es heureux. Elle t’a crié : je t’aime et tu es satisfait. Tu n’es pas brutal; tu es doux, tu lui parles, tu t’inquiètes d’elle; tu la consoles par des mots tendres, tu la berces. Mais tu ne la juges pas, puisque tu lui demandes d’être heureuse par toi et de te dire qu’elle est heureuse par toi. […], tu veux ‘’être’’ seulement […] tes faiblesses sont à moi. Je les ai découvertes peu à peu sans trêve. Je souffre de ces travers mais je ne voudrais pas que tu changes. […] Rien n’est plus attachant que les faiblesses et les défauts : c’est pas eux que l’on pénètre l’âme de l’être aimé, âme constamment cachée par le désir de paraître à tout le monde. […] Ne te plains pas de ce que je te juge et te mesure : je te connais mieux et ce n’est pas pour t’aimer moins. » (p. 39-43)
J’aime tellement cette plume, cette façon de décrire l’intimité et cette manière de parler de cette connaissance de l’autre qui rejoint l’âme. L’amour d’une femme passe aussi par les défauts de l’autre. Elle n’aime pas ce qu’elle voit ni ce qu’elle vit, mais ce qu’elle connaît, ce qu’elle ressent pour l’être aimé à travers ses bontés et ses défauts.
D’autre part, ce texte me parle car il aborde l’amour absolu que ressent une femme malade pour un homme. Ses espoirs s’écroulent à la lecture de ces mots :
«Je me marie… Notre amitié demeure…» (p. 29)
Six mots qui tuent, qui font naître l’incompréhension, la mélancolie, la douleur, «la valeur de toute chose». Quand la mort est à notre porte, que reste-t-il sinon l’espoir que quelqu’un nous attende quelque part, nous espère, nous désire. Encore un malheur, encore un vide, encore une flèche du destin, encore les larmes, les cris. Et cette prière à un Dieu pour venir nous chercher pour que tout cesse, pour ne plus entendre cette souffrance et ce désespoir qui martèlent nos pas. Comment est cette autre femme qui est heureuse entre ses bras? Celle avec qui il souhaite être? Il ne nous reste que l’amitié. La voulons-nous?
Je me suis reconnue dans ce texte à bien des égards… Comme quoi la perte de l’être aimé est universelle, que l’amour que l’on ressent pour un autre est absolu. Il n’a pas de limite, il n’a pas de temps, il est et il a mal.
«Mais j’ai mal; et, quand j’ai mal, je m’éloigne sans retourner la tête. Ne me demandez pas de vous regarder par-dessus l’épaule et ne m’accompagnez pas de loin. Laissez-moi. » (p.88)
Si vous avez la possibilité de lire ce livre, n’hésitez pas une minute. Marcelle Sauvageot m’a beaucoup émue. Son histoire est triste, mais ce qu’elle nous a laissé est sublime, est un hymne à l’amour absolu, est un cri dans une nuit qui n’en finit plus…
Connaissez-vous ce livre? Aviez-vous déjà entendu parler de Marcelle Sauvageot?
Bien à vous,
Madame lit
Sauvageot, M. (2012). Laissez-moi (Commentaire). Libretto.
ISBN : 978-2-7529-0650-2
Vous avez remarqué une faute dans mon article? Écrivez-moi à lit.madame@gmail.com et il me fera plaisir de la corriger. Je ne suis pas parfaite… et il m’arrive aussi d’en faire. Merci et bonne lecture!!!




Je viens de l’acheter ! J’ai fini de lire Pulp, je vais faire un mini billet qui sera joint aux autres le 15.9 ! Bonne lecture…
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Bonne lecture alors. J’ai hâte de lire votre billet sur Pulp! Au plaisir!
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Je ne connaissais pas du tout Marcelle Sauvageot et ce titre mais à lire ton billet, on devine aisément la profondeur de ce texte et sa portée universelle. Magnifique trouvaille pour ces lectures épistolaires !
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Je suis bien d’accord. Ce sont de magnifiques trouvailles… J’ai adoré ce texte qui va à l’essentiel pour parler d’amour absolu… Merci!
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Je ne connais pas Marcelle Sauvageot, et du coup, pas ce livre dont tu parles si bien… oui, l’amour profond, total, est un thème universel, qui peut parler à chacun d’entre nous, chacun à sa manière.
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Ce livre m’a d’autant plus touchée car je pensais souvent à l’histoire personnelle de l’autrice… Mourir si jeune et avoir perdu l’être aimé à cause de la maladie, c’est terrible. Merci!
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Très belle histoire, même si elle est tragique. J’ai hâte de découvrir cette plume qui t’a tant plu.
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J’espère qu’elle saura te ravir également, Bonne lecture et merci!
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Tu as tellement le don de faire le lien entre ce que tu lis et ce que tu vis! Je ne connais pas cette écrivaine morte si jeune et j’ai vraiment le goût de lire ce livre. Une fois de plus bravo pour ton don de nous faire apprécier les auteurs dont tu parles…
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Merci beaucoup! J’essaye de rendre vivante ma façon de parler de livres en la personnalisant le plus possible lorsque je suis touchée par un récit. J’apprécie ton commentaire… Au plaisir!
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