Madame lit Pyrrhus et Cinéas de Simone de Beauvoir
Chère lectrice, Cher lecteur,
Pour mars 2024, les organisatrices de la saison 4 du défi Les classiques c’est fantastique, ont proposé aux participantes et aux participants la consigne suivante :
Comme je n’avais pas lu d’essai philosophique depuis un bon bout de temps, j’ai décidé de sortir de ma bibliothèque, en ce mois consacré aux Simone, Pyrrhus et Cinéas, le premier essai de Simone de Beauvoir paru en 1944. J’avais trouvé cet essai publié dans la collection Folio sagesses dans une librairie de livres usagés, plus précisément à La librairie L’occasion à Gatineau. En ce sens, le moment s’avérait idéal pour plonger dans la philo et de renouer avec cette dernière!
Pyrrhus et Cinéas de Simone de Beauvoir
Dès les premières pages, Beauvoir présente la prémisse suivante :
«Quelle est la mesure d’un homme? Quels buts peut-il se proposer, et quels espoirs lui sont permis?» (p. 16)
Pour répondre à ces questions, elle se base sur l’histoire du roi Pyrrhus 1er et de son ami «conseiller» Cinéas. Lors d’une discussion entre les deux hommes, Cinéas demande au roi ce qu’il va décider de conquérir après tel territoire. Il lui en nomme un autre. Cinéas lui dit : «Et après?». La discussion continue de cette façon entre les deux jusqu’à la fin où le roi ayant déployé toute sa puissance de conquête, ne sachant probablement plus quoi conquérir, répond qu’il va se reposer. En ce sens, après toutes ses conquêtes, le roi n’a qu’un désir, se reposer. Pour Cinéas, les actions de Pyrrhus apparaissent absurdes car il aurait pu se reposer dès le départ si c’était cela son but ultime. Pour Simone de Beauvoir, toutes nos actions devraient se baser sur une telle réflexion. Et ce paradoxe animant notre condition semble nous dire qu’il faut que nous acceptions cette ambiguïté régissant notre existence. Pyrrhus semble alors représenter l’existence humaine qui se réalise dans l’instant tandis que Cinéas, évoque plutôt le non-sens, l’irrationalité de notre existence, l’absurdité.
Mais encore, pour exprimer sa position, Beauvoir se réfère, entre autres, à la philosophie de son acolyte, Jean-Paul Sartre et de son essai L’Être et le Néant paru l’année précédente.
Par exemple, la philosophie déployée par Beauvoir se base sur les notions d’homme, de projet, d’existence, de liberté. Ce qui compte le plus pour la philosophe, c’est la liberté.
«[…]; l’homme a à être son être; à chaque instant il cherche à se faire être, et c’est cela le projet. L’être humain existe sous forme de projets qui sont non projets vers la mort, mais projets vers des fins singulières. Il chasse, il pêche, il façonne des instruments, il écrit des livres: ce ne sont pas là des divertissements, des fuites, mais un mouvement vers l’être; l’homme fait pour être. » (p. 60)
Et le projet est libre, tout comme autrui.
La philosophe dans la première partie exprime les bases de «cet après» pour l’homme par le biais du recours «Au jardin de Candide», à «L’instant», «L’infini», «Dieu», «L’humanité» et «La situation».
Dans la deuxième partie, elle soulève des éléments comme «Les autres», «Le dévouement», «La communication»et «L’action», car l’être humain n’est pas seul dans l’univers. L’homme est libre au moment où il accepte sa finitude et qu’il reconnaît l’autre dans sa liberté d’être. Et, dans sa conclusion, Beauvoir mentionne :
«L’homme ne connaît rien d’autre que lui-même et ne saurait même rien rêver que d’humain : à quoi donc le comparer? Quel homme pourrait juger l’homme? Au nom de quoi parlerait-il? » (p. 115)
Dans un article fort intéressant que j’ai retrouvé sur le Web, la critique mentionne La force de l’âge où Simone de Beauvoir aborde sa pensée exprimée dans Pyrrhus et Cinéas :
«Ce dialogue entre Pyrrhus et Cinéas rappelle celui qui se déroula de moi-même à moi-même et que je notai sur mon carnet intime, le jour où j’entrai dans ma vingtième année; dans les deux cas, une voix demandait : «À quoi bon?» En 1927, elle avait dénoncé la vanité des occupations terrestres au nom de l’absolu et de l’éternité ; en 1943, elle invoquait l’histoire universelle contre la finitude des projets singuliers: toujours elle invitait à l’indifférence et à l’abstention. Aujourd’hui comme hier la réponse était la même : j’opposai la raison inerte, au néant, au tout l’inéluctable évidence d’une affirmation vivante. S’il me parut si naturel de me rallier à la pensée de Kierkegaard, à celle de Sartre, et de devenir «existentialiste», c’est que mon histoire m’y préparait ; dès l’enfance mon tempérament m’avait portée à faire crédit à mes désirs et à mes volontés; parmi les doctrines qui intellectuellement m’avaient formée, j’avais choisi celles qui fortifiaient cette disposition; déjà à dix-neuf ans, j’étais persuadée qu’il appartient à l’homme, à lui seul, de donner un sens à sa vie, et qu’il y suffit; cependant je ne devais jamais perdre de vue ce vide vertigineux, cette aveugle opacité d’où émergent ses élans […].»
J’ai toujours été très intimidée par les concepts beauvoiriens ou sartriens. Simone de Beauvoir m’intimide profondément en raison de sa grande intelligence. Encore maintenant… Je crois que cela remonte à mes années universitaires où j’avais lu ceci :
Mais bon. Toujours est-il que j’ai choisi ce premier essai de Simone de Beauvoir et ce dernier a été lu dans le cadre du défi Les Classiques c’est fantastique créé par Moka et Fanny . En mars, il fallait plonger dans un classique d’une des Simone!
Avez-vous lu cet essai? Qu’avez-vous pensé de mon billet?
Bien à vous,
Madame lit
Simone de Beauvoir. Folio Sagesses. 2020. 114 p.
ISBN : 978-2-07-287720-9
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Je ne connaissais pas ce livre de Beauvoir.
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C’est son premier essai. 🙂
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Bonjour Nathalie, j’avais essayé de lire « mémoires d’une jeune fille rangée » mais n’étais pas arrivée jusqu’au bout. Sinon j’ai lu et apprécié quelques extraits du « deuxième sexe ». Une écrivaine que je ne connais pas très bien. Merci de cette chronique ! Bonne journée
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Merci Marie-Anne. Je connais peu aussi cette autrice et philosophe. J’ai pourtant les deux bouquins que tu mentionnes mais je ne l’ai pas encore lus. Bonne soirée!
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c’est du costaud !! J’adorais la philo plus jeune mais je me demande si je serais encore capable de m’y atteler maintenant…
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J’ai essayé car mes cours de philosophie sont très loin. Cela a été un défi pour moi de m’y remettre.
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Je trouve la citation finale de Simone de Beauvoir merveilleuse : quelle confiance en elle et quelle vérité aussi, car personne ne nous connaît mieux que nous-même. aussi proche que nous soyons d’une autre personne. Et c’est tant mieux, me semble-t-il!
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Oui. Je partage ton point de vue… Merci!
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Je n’ai jamais lu Simone de Beauvoir… et tu as tout mon respect pour cette lecture et cette chronique! De mon côté, je ne suis pas très attirée par les essais. Je préfère écouter une émission, un podcast… où il y a peut-être plus débat d’idées et échanges. Ton retour est bien intéressant en tout cas. Merci!
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C’est bien gentil à toi. Je dois t’avouer que j’ai trouvé très difficile l’écriture de cette chronique. Mes cours de philosophie remontent à mes 17 ans! Alors… mais je me suis lancée. J’aime bien l’essai mais moins compliqué que ce dernier.
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Ce n’est pas l’essai vers lequel j’irai en priorité mais je compte bien lire tout De Beauvoir alors nécessairement, j’y passerai.
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D’accord. Merci beaucoup!
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Je ne connais pas ce titre et j’avoue que ça me semble un peu intimidant… Bravo pour ta lecture et cette chronique.
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Merci! J’ai été intimidée mais je me suis lancée et je n’ai pas sauté une ligne!!!
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Merci le rendez-vous pour les opportunités de lire des livres nouveaux ! 🙂
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Ça a l’air super intéressant ! Je trouve que d’une manière générale on manque de philosophie, et chez nous on n’a qu’une seule année de philo en classe, à 17 ans. C’est trop peu. Ton billet me donne encore plus envie de mettre mon nez dedans.
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Je suis bien contente de l’apprendre. De plus, je trouve que nous ne parlons pas beaucoup de philosophie sur nos blogues… Dommage. Notre monde a tellement besoin de penseurs… Merci!!!
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