Madame lit Le procès de Kafka
« On avait sûrement calomnié Joseph K… car, sans avoir rien fait de mal, il fut arrêté un matin. »
Chère Lectrice, Cher Lecteur,
En juillet, les organisatrices du défi Les classiques c’est fantastique ont proposé la consigne suivante aux participantes et aux participants :
« Juillet : Battle Kafka vs Conrad
La première battle de la saison sera masculine et opposera Franz Kafka à Joseph Conrad. Le centenaire du décès du premier sera célébré en juin et celui du second en août. À vous de choisir celui que vous aimeriez (re)découvrir cet été ! »
Comme j’avais dans ma bibliothèque un exemplaire du Procès de Kafka, roman posthume paru pour la première fois en 1925, et que je ne l’avais pas encore lu, je me suis dit qu’il était temps de m’y mettre. Je le répète, ce défi me permet, entre autres, de lire les bouquins que j’ai accumulés au fil du temps. N’est-ce pas extraordinaire ? Mais je dois avouer que j’étais nerveuse de plonger dans un chef-d’œuvre de la littérature mondiale de cet immense écrivain.
Le procès de Kafka
Joseph K… au matin de son trentième anniversaire, est arrêté dans la pension de Mme Grubach où il loge et il ne sait pas pourquoi. Rien n’est précisé par les deux hommes qui sont venus l’informer. Il est accusé de quoi ? Par qui ? Doit-il se sentir coupable ? Joseph K… travaille en tant que fondé de pouvoir dans une banque et il connaît du succès professionnellement. Il refuse l’accusation, car il se dit innocent et il cherche par tous les moyens d’échapper à la Justice en voulant comprendre la Loi pour la maîtriser. La Loi semble savoir pourquoi il est accusé. Il va consulter diverses personnes, dont un avocat, pour tenter de se faire acquitter de ce procès qu’il considère réellement. Ce dernier commence, mais Joseph K… ne sait rien de la procédure le régissant. Puis, l’avant-veille de son trente-et-unième anniversaire, deux hommes viennent le chercher pour l’exécuter. Il meurt comme « un chien ».
Mes impressions
Vous dire que j’ai tout compris de ce roman serait totalement faux. À vrai dire, plus je m’enfonçais dans cette histoire, moins je comprenais son sens… J’ai été emportée dans une sorte de rêve ou de cauchemar grâce à l’écriture kafkaïenne et les thèmes déployés (loi, justice, culpabilité, crime, etc.). Pour moi, ce livre présente un protagoniste qui est entraîné dans une quête solitaire où son aliénation mentale s’avère tributaire d’une bureaucratie dont il ne comprend rien. Il est confronté à des non-dits, à une absurdité sociale, à des procédures juridiques, à un langage inconnu, à un système d’attente, à une oppression extérieure, etc. Et Joseph est seul dans cette aventure. La lectrice ou le lecteur n’a jamais accès à son enfance ou encore aux événements de son passé. L’instance narratrice l’amène à suivre Joseph K… dans ce quotidien stressant et angoissant voire insaisissable. Dès le départ, K… mentionne à la propriétaire de la maison où il vit, qui croit que son arrestation a quelque chose de savant, :
« Je suis du moins de votre avis en grande partie, mais je vais encore plus loin que vous ; ce n’est pas seulement quelque chose de savant, c’est un néant ridicule. J’ai été victime d’une agression, voilà le fait. » (p. 66)
Et pour moi, c’est ce néant ridicule dont il faut tenir compte dans ce grand livre. K… apparaît victime du système judiciaire dont il ne maîtrise pas le code et qu’il juge ridicule. Mais la rationalité l’engloutit peu à peu dans un présent étouffant. Il ne peut plus ironiser. Rien n’est humain, ni les sentiments, ni l’amour, ni les relations sociales, ni la religion. Joseph ne possède même pas de nom de famille. Il est sans histoire, il est condamné à son présent dans un monde oppressant. Mais il ne faut pas se leurrer, il est coupable et il se laisse condamner en subissant son sort. Il ne veut plus vivre.
« Y avait-il encore un recours ? Existait-il des objections qu’on n’avait pas encore soulevées ? Certainement. La logique a beau être inébranlable, elle ne résiste pas à un homme qui veut vivre. Où était le juge qu’il n’avait jamais vu ? Où était la haute cour à laquelle il n’était jamais parvenu ? Il leva les mains et écarquilla les doigts.» (p. 325)
K… se laisse ainsi engloutir par cette société incompréhensible, mystérieuse, qui l’a condamné, qui l’a laissé à sa culpabilité sans défense.
Ce qui m’a semblé le plus délirant, ce sont les documents juridiques. Voici un exemple de l’absurdité.
« Aussi, les dossiers de la justice, et principalement l’acte d’accusation, restaient-ils secrets pour l’accusé et son avocat, ce qui empêchait en général de savoir à qui adresser la première requête et ne permettait au fond à cette requête de fournir d’éléments utiles que dans le cas d’un hasard heureux. Les requêtes vraiment utiles ne pouvaient se faire, ajoutait Me Huld, que plus tard, au cours des interrogatoires, si les questions que l’on posait à l’inculpé permettaient de distinguer ou de deviner les divers chefs d’accusation et les motifs sur lesquels ils s’appuyaient. Naturellement, dans de telles conditions, la défense se trouvait placée dans une situation très défavorable et très pénible, mais c’était intentionnel de la part du tribunal.» (p. 185-186)
Ce tribunal n’est jamais présenté dans le roman, pas plus que ses instances. Cependant, il est partout, car il conditionne le devenir de K… et il m’apparaît infernal, car il est inaccessible.
J’ai lu Le Procès de Kafka dans le cadre du défi Les Classiques, c’est fantastique créé par Moka et Fanny. En ce mois de juillet, il fallait plonger dans un classique de Kafka ou de Conrad.
Je vous recommande de lire ce bouquin :
- Si vous aimez les romans sombres ou absurdes
- Si vous voulez lire un chef-d’œuvre (je vous recommande de faire un peu de recherche sur le style kafkaïen avant d’amorcer la lecture.)
- Si vous aimez Kafka (alors, cette lecture est nécessaire.)
Avez-vous lu Le procès de Kafka ? Ou un autre livre de Kafka ? Qu’en avez-vous pensé ?
Bien à vous,
Madame lit
Franz Kafka, traduit de l’allemand par Alexandre Vialatte, Paris, Folio, 1975, 378 p.
Vous avez remarqué une faute dans mon article? Écrivez-moi à lit.madame@gmail.com et il me fera plaisir de la corriger. Je ne suis pas parfaite… et il m’arrive aussi d’en faire. Merci et bonne lecture!!!
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Bonjour,
Comme toi, la thématique de ce mois a été l’occasion d’exhumer de ma bibliothèque un titre qui y sommeillait depuis très longtemps… sauf que de mon côté, c’était un roman de Conrad.
J’ai lu ce roman de Kafka en … 2015, et une fois de plus j’ai constaté que nos a priori sur l’inaccessibilité des classiques sont souvent infondés..
Ingannmic (https://bookin-ingannmic.blogspot.com/)
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Bonjour Ingrid,
Je vais aller lire ton article sur Conrad. Je dois dire que j’ose maintenant affronter mes peurs en littérature. Pendant longtemps, je ne voulais pas lire des romans de Victor Hugo. Et pourtant… et je partage ton point de vue, nos craintes sont souvent infondées. Bonne lecture!
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Je suis intimidée moi aussi par cet auteur et je ne sais pas si je franchirai le pas car l’absurde reste souvent hermétique pour moi. C’est en tous cas une belle participation aux Classiques c’est fantastique !
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Merci! J’ai hésité mais je me suis lancée. Je suis certainement sortie de ma zone de confort mais je ne le regrette pas. 🙂
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J’ai longtemps été intimidée par Kafka, mais grâce à la thématique de ce mois de juillet, j’ai découvert La métamorphose pour mon plus grand plaisir. C’est un texte qui m’a tant intéressée que je ne peux qu’avoir envie à présent de découvrir les autres écrits de Kafka. Ta chronique confirme ma curiosité envers ce titre, et tant pis si je ne comprends pas tout le roman !
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C’est en plein ce que je me dis avec Kafka! Tant pis si je ne comprends pas tout! Au moins, j’essaye. C’est certainement un auteur qui frappe l’imaginaire. Il a une perception autre de l’univers et il réussi bien à nous la transmettre malgré tout. Merci!
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Pour moi, c’est le genre d’auteur qui a une telle réputation que j’ai toujours peur de ne pas tout comprendre comme il faut, alors que finalement, perso, je ne vais pas faire une thèse dessus, que le « comme il faut » est subjectif et que, ce qui compte, c’est ce que j’en retire.
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C’est bien vrai ! Il faut simplement s’adonner au plaisir de la lecture. Merci !
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Bonjour Nathalie, j’ai lu « Le Procès » vers l’âge de 20 ou 25 ans et ça m’avait fait une forte impression. Un roman puissant mais pas toujours agréable ! Aujourd’hui je ne m’en souviens pas très bien, merci pour ta chronique qui me rafraîchit la mémoire ! Bon mois d’août ! Au plaisir de te retrouver en septembre !
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Merci Marie-Anne! C’est en effet un roman qui provoque par sa puissance. De mon côté, je suis restée passive, va savoir pourquoi… l’âge peut-être. Bon mois d’août!!! Et oui, au plaisir de te retrouver en septembre!
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Je ne l’ai pas encore relu (j’ai mes périodes régulières de relecture de Kafka) mais après avoir lu votre article, je me redis encore une fois combien l’univers décrit par Kafka est proche de nous : une société à laquelle on ne comprend rien, lourde de diktats, …
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Je partage entièrement votre opinion. C’est ce que je me disais en lisant ce livre. Toute la bureaucratie qui parfois ne sert à rien, ça nous ressemble beaucoup. Je suis contente d’avoir enfin lu un livre de Kafka! Merci!
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Je n’ai encore jamais osé Kafka… mais ta chronique est plutôt encourageante!
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Il faut oser! Mais lorsque tu seras prête. Kafka est vraiment un immense écrivain. Merci!
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Je ne sais pas si tu connais les Astérix mais moi ça m’a fait penser aux douze travaux, l’épreuve de La maison qui rend fou. Ce pauvre Joseph qui s’enlise dans un système judiciaire plein d’impasses auquel personne ne pige rien. Et Kafka arrive à tenir le cap tout du long !! C’est vraiment un grand roman.
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Oui, Astérix et cette maison des fous! C’est bien vrai. Tout ce vide relié à la bureaucratie administrative mène à un point de non retour. Kafka possède un imaginaire unique et génial. Merci!
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Un titre que j’aurais aimé aussi chroniquer mais j’ai fait le choix de textes plus court. Finalement, mon Kafka fut décevant. Ravie de ta participation, une fois de plus.
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Ce livre m’a surprise car il se lit assez rapidement. J’ai embarqué dans l’histoire! On se retrouve au prochain titre du défi! 🙂
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Avec grand plaisir !
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