Madame lit Sur les hauteurs du mont Thoreau

« Où sommes-nous ? À Thoreau Heights, certes. Oui, et cela constitue déjà un exploit, mais nous voilà en fait devant la mort, juste devant la mort, celle de Rose, celle par ricochet de l’histoire de quatre soeurs, les filles Leroy, parvenues à la fin définitive d’une enfance qu’elles portent toutes à bout de bras, qu’elles bercent depuis toujours. Ensemble. »
Chère Lectrice, Cher Lecteur,
Pour ma participation à la Masse critique québécoise organisée par Babelio, j’ai reçu le bouquin Sur les hauteurs du mont Thoreau de Catherine Mavrikakis, publié par Héliotrope. Par ailleurs, je profite de ce billet pour remercier la maison d’édition pour l’envoi de ce livre. Je suis très heureuse d’avoir pu enfin lire un roman de la grande autrice Catherine Mavrikakis.
Pour mes lectrices et mes lecteurs européens, voici une brève biographie présentée par les éditions Héliotrope.
« Née à Chicago d’une mère française et d’un père grec, professeure de littérature en recherche-création à l’Université de Montréal, romancière à la prose vigoureuse et à l’humour mordant, Catherine Mavrikakis fait de la mort l’indépassable sujet de ses livres. Elle est l’autrice notamment de Deuils cannibales et mélancoliques, de L’Annexe, des Derniers jours de Smokey Nelson, du Ciel de Bay City et de L’absente de tous bouquets. Son œuvre, portée par une voix étonnante, a été maintes fois traduite et primée. »
Je ne sais pas pourquoi, mais je ressens une certaine intimidation par rapport aux livres de cette autrice. Est-ce parce qu’elle enseigne à l’université ? Probablement….
Sur les hauteurs du mont Thoreau
Les quatre sœurs Leroy empruntent la route du Maine pour accompagner la plus jeune, Rose atteinte d’un cancer en phase terminale, dans une clinique, Thoreau Heights, dirigée par une équipe de spécialistes de l’aide médicale à mourir. Dans cette clinique où viennent des personnes du monde entier qui ont les moyens financiers, la mort apparaît comme une célébration créative. Ainsi, les familles ou les amis accompagnant les mourants sont invités à créer une œuvre afin de rendre hommage à la vie de celle ou de celui en phase terminale. La Dre Clarissa Gardner est à la tête de la clinique et pour elle, dont les travaux sur la mort sont connus dans le monde, l’art apparaît comme la voie de salut ultime pour ses patientes et ses patients. D’ailleurs, elle a choisi le lieu pour établir sa clinique dans un cadre paradisiaque pour explorer aussi la philosophie de Thoreau. Devant, l’océan Atlantique invite à la baignade ou à la contemplation et derrière, la nature convoque les gens à la marche ou à l’observation. Sur les hauteurs du mont Thoreau se joue désormais un drame ou une comédie dont les acteurs, comédiens revêtent pour un instant les costumes de la vie et de la mort. Comment les sœurs Leroy vivront-elles cette expérience ?
Mes impressions
Pour une première rencontre avec l’univers romanesque de Catherine Mavrikakis, je dois dire que j’ai été assez perturbée. Je m’explique. La mort devient une expérience créatrice… donc, une sorte de victoire. Je me demandais si un jour, nous allions voir surgir une telle entreprise. Alors que dans nos institutions scolaires, les dirigeants insistent pour le développement des compétences créatrices de la clientèle estudiantine, je me suis dit que nous en étions rendue à évacuer tout le sérieux de la démarche éducative au nom du jeu ou de la séduction par la création. Dans le livre, j’ai ressenti le même malaise… c’est-à-dire que la mort devient une composition (musicale, tableau, pièce de théâtre, etc.) pour que celles et ceux qui souffrent et ne souffrent pas au moment du départ. Ainsi, la mort d’un être aimé devient une sorte de jeu artistique. Comment se sent alors la mourante ou le mourant ? Il semblerait que dans ce livre, on meure surtout pour les autres… Parfois, cette dernière ou ce dernier n’ose pas se prononcer de peur de décevoir son entourage souffrant de sa perte. Mais encore, la mort devient une banalisation au profit de l’orgueil et des travaux de recherche de la Dre Clarissa Gardner. La marchandisation de la mort… dans ce livre, nous sommes rendus là. Et il faut exceller surtout avant de mourir…
« Clarissa montrait des aptitudes remarquables pour offrir une hospitalité aux tragédies personnelles ou familiales et elle possédait un talent sans pareil pour faire surgir un sentiment vrai ou faux d’harmonie, lors d’un dénouement à la fois pénible et bénéfique. Elle donnait aux membres d’une même tribu la possibilité de se créer un récit commun qui venait renouer les liens et souder solidement les uns aux autres les fragments malheureux de nombreuses histoires ratées. Là résidait le but de la création collaborative : rapiécer les lambeaux sanguinolents de moments traumatiques pour en faire une œuvre cohérente, bien structurée et surtout réparatrice. »
L’art, tout de même, possède ses limites. Tu es en train de mourir et tu dois devenir un objet de création? Tout cela relève d’une belle ironie.
De plus, le personnage qui m’a le plus frappé, c’est celui de Rose. Rose, autrice de livres pour enfants, a choisi le pseudonyme de Rose Sélavy. Alors, vous comprendrez que pour elle, c’est la vie qui gagne. D’ailleurs, elle se choisit.
« Au bout. Jusqu’au bout du bout. Rose est venue pour cela […]. Pour rencontrer la limite, en faire sa grande amie, son amante à perpétuité »…
C’est toute la beauté de ce livre dont je ne révélerai rien ici. Il faut lire les réactions de la célèbre Dre Gardner sur Rose. C’est croustillant, c’est acerbe, c’est une invitation à la dérision. Quand la raison fout le camp ? Que reste-t-il ? Des clowns en train de faire leur dernier tour de piste…
Je vous invite certainement à lire ce bouquin :
- Si vous voulez découvrir l’imaginaire intelligent d’une grande autrice
- Si vous souhaitez en connaître davantage sur les personnages présentés dans mon article
- Si vous désirez lire une histoire qui fait réagir
Comment trouvez-vous mon article ?
Bien à vous,
Madame lit
Sur les hauteurs du mont Thoreau
Catherine Mavrikakis, Montréal, Héliotrope, 337 p.
Vous avez remarqué une faute dans mon article? Écrivez-moi à lit.madame@gmail.com et il me fera plaisir de la corriger. Je ne suis pas parfaite… et il m’arrive aussi d’en faire. Merci et bonne lecture!!!
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Un roman visiblement très original et perturbant en effet!
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C’est bien cela!
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Ta présentation de ce roman attise ma curiosité! Je pense que tu sais ce qui me plaît, penses-tu que je pourrais apprécier ce livre?
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Je pense que oui. C’est un livre brillant, ironique et perturbant. On ressent bien la société de consommation poussée à son paroxysme.
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Je le note dans ma looooongue liste de livres que j’aimerais découvrir un jour!
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D’accord. Tu as bien fait! 🙂
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Ce livre plutôt perturbant. Je ne suis pas certaine d’apprécier. Merci de l’avoir lu pour nous
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Au plaisir!
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Bien aimé ce roman qui me semble très juste sur la marchandisation de la mort.
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C’est ce qui m’a frappé…
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Bonjour Nathalie, chronique intéressante ! J’ai l’impression que ce roman t’a choquée et en effet le propos a l’air un peu curieux. Je suis sceptique sur cette conception de la mort, avec une mise en scène artistique… Merci beaucoup de ta suggestion de lecture, bonne journée 😀
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Je n’ai pas été choquée mais plutôt perturbée. C’est vraiment notre société de consommation poussée à l’extrême. L’art s’achète pour rendre la mort plus douce… enfin, j’ai bien apprécié. Merci et bonne fin de semaine!!! 🙂
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Ton article est une vraie tentation de lecture 🙂 Je ne connaissais pas du tout ce livre !
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Au plaisir et j’espère que tu te laisseras tenter!
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