Madame lit Home de Toni Morrison

« Quelque part au fond de toi, il y a cette personne libre dont je parle. Trouve-la et laisse-la faire du bien dans le monde ». (p. 124)
Chère Lectrice, Cher Lecteur,
En mars, l’organisatrice (Moka) du défi Les Classiques, c’est fantastique a proposé la consigne suivante aux participantes et aux participants :
« Mars: Focus sur Toni Morrison
Fortement plébiscitée lors de notre rendez-vous autour de la littérature afro-américaine, l’autrice nobélisée Toni Morrison aura le droit à un focus exclusif pour ce mois de mars au féminin. L’occasion de poursuivre notre découverte de son œuvre.»
Comme j’avais dans ma bibliothèque Home de Toni Morrison, je me suis dit que j’allais le lire pour parler de cette grande voix de la littérature.
En 2022, j’ai rédigé une chronique sur son roman Un don. Alors, n’hésitez pas à cliquer sur le titre du livre pour consulter mon article.
Home
Dans les années 50, un ancien combattant, Frank Money, un jeune noir qui a été traumatisé par la guerre en Corée rentre aux États-Unis, car il a été déclaré fou. Il doit retrouver Cee, sa jeune sœur. Il a reçu une lettre lui faisant part du grave état de santé de sa sœur. Il doit la ramener à Lotus, un hameau dans lequel ils ont grandi. Pour ce faire, il emprunte un trajet transatlantique de Seattle à Atlanta. Sur les routes américaines, Frank va affronter des fantômes, car en 1950, en sol américain, le racisme et le ségrégationnisme n’ont pas encore été combattus et enchâssés dans les droits civiques.
Mes impressions
Encore une lecture marquée par le symbolisme comme je les aime. Tout d’abord, le référent Home peut être associé à maison, au retour au pays natal, à la source première de toute chose. Ainsi, Frank en quittant l’armée et en se rendant à Lotus, fait le choix d’y retourner pour se délivrer d’un lourd secret et pour venir en aide à Cee. Pendant leur enfance, Lotus ne possédait qu’une cinquantaine de maisons. Par ailleurs, ils habitaient dans la maison de leur grand-mère par alliance, Lenore. Comme le mentionne Frank :
« La maison de Lenore était assez grande pour deux, peut-être trois, mais non pour les grands-parents plus Papa, Maman, l’oncle Frank et deux enfants – dont un bébé qui hurlait ». (p. 47)
Cette maison à Lotus était beaucoup trop petite pour toute cette famille. Mais ils s’en contentaient.
Frank, dans la maison, devait préserver sa sœur de la méchanceté de leur grand-mère par alliance. De retour à Lotus avec Cee très malade, le frère et la sœur vont transiger avec la bonté des femmes. Grâce à ces dernières, Cee va se remettre de ce qu’elle a vécu. Comme lui dévoile Ethel, une femme de Lotus :
« Ne compte que sur toi-même. Tu es libre. Rien ni personne n’est obligé de te secourir à part toi. Sème dans ton propre jardin. Tu es jeune, tu es une femme, ce qui implique de sérieuses restrictions dans les deux cas, mais tu es aussi une personne. Ne laisse pas Lenore ni un petit ami insignifiant, et sûrement pas un médecin démoniaque, décider qui tu es. C’est ça l’esclavage ». (p. 124)
À cet égard, le retour à Lotus assure une certaine rédemption à Frank et à Cee.
Home, fait aussi référence à homme. D’ailleurs, à la toute fin, la symbolique s’avère puissante par rapport à ce référent. Ainsi, à la guerre, Frank est perçu comme étant moins important qu’un chien. Tandis qu’aux États-Unis, il est l’ombre d’un homme, car le racisme et le ségrégationnisme sévissent toujours dans son pays. Par exemple, à Chicago, un enfant, lui prête sa chambre et en lui ouvrant la porte, il lui révèle que plus tard, il veut être un «Homme». Donc, il souhaite être afin de bénéficier des mêmes droits que les autres. Cet enfant de 11 ans, Thomas, un petit génie dans toutes les matières, a connu le racisme à l’âge de 8 ans, car un policier blanc lui a tiré une balle de fusil dans le bras, car il avait un pistolet jouet entre les mains. Thomas n’a pas pu fréquenter l’école et les ruelles.
Dans un article tiré de La Presse, Josée Lapointe relève ceci :
« Dans ces années de ségrégation qui précèdent la montée des droits civiques, l’accès à la propriété est quasi impossible pour les Noirs, la violence est partout, le maccarthisme sévit, la science fait des expérimentations sur les plus démunis. On voit tout cela à travers le parcours de Frank, jeune soldat de retour de la guerre de Corée – qu’on n’appelait pas guerre mais « action policière », précise Toni Morrison -, qui doit traverser le pays de Seattle jusqu’en Géorgie pour sauver sa sœur gravement malade».
Les années cinquante sont décrites selon la perception d’un personnage noir. Si nous avions lu un texte présentant un blanc comme narrateur, nous aurions entendu parler de la prospérité américaine, du boom économique, des belles voitures, des biens de consommation, de la culture, etc. Mais un personnage noir implique une autre vérité dont le recours aux nombreuses inégalités.
Je vous recommande cette sublime histoire pour toute sorte de raisons. »
- Si vous voulez plonger dans les drames de Cee et de son frère
- Si vous souhaitez lire le roman d’une grande écrivaine dont la plume est magnifique
- Si vous voulez découvrir le quotidien des Noirs et la solidarité dont ils font preuve pour réussir à transiger avec l’oppression
J’ai lu Home dans le cadre du défi Les Classiques, c’est fantastique organisé par Moka.
Aimez-vous les romans de Toni Morrison ? Avez-vous lu Home ?
Bien à vous,
Madame lit
Toni Morrison, traduit de l’anglais par Christine Laferrière, 10/18, 2017, 141 p.
ISBN : 978-2-264-05879-9
Vous avez remarqué une faute dans mon article ? Écrivez-moi à lit.madame@gmail.com et il me fera plaisir de la corriger. Je ne suis pas parfaite… et il m’arrive aussi d’en faire. Merci et bonne lecture !!!
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Je n’ai lu que Beloved qui m’a beaucoup marquée mais dont la lecture avait été assez éprouvante. Je ne suis pas revenue à cette autrice depuis. Mais elle est évidemment très importante !
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Je n’ai pas osé lire Beloved car j’ai peur d’être traumatisé. Alors, je choisis toujours un autre livre d’elle pour ne pas sombrer dans des zones d’ombre. Merci!
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Pour la petite anecdote, j’ai écouté Home en version audio il y a quelques années et j’ai été tellement envoûtée par la voix de la lectrice que je n’ai rien compris à l’histoire. Venant de finir Un don de l’autrice, je me rends compte que c’est aussi le style tortueux et la chronologie peu linéaire qui semble être la marque de fabrique de Morrison qui m’avait perdue…
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Je peux très bien comprendre après avoir lu les deux mêmes livres. Morrison possède ce don de jouer avec nos perceptions à travers les lieux et le temps. Merci! 🙂
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J’avais aimé, mais je n’en ai pas gardé un souvenir marquant, peut-être en raison de sa brièveté…
Ingannmic (https://bookin-ingannmic.blogspot.com/)
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Je ne crois pas que je vais en garder un souvenir marquant. Mais, c’est tout de même du Toni Morrison et elle écrit très bien. Merci!! 🙏🏻📖
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J’ai beaucoup aimé Beloved!
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Je n’ai pas encore la force mentale pour le lire! Bravo à toi!!! 🙂📖🙏🏻
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Bonjour Nathalie, Je souhaite découvrir Toni Morrison depuis très longtemps mais je n’ai pas encore osé entrer dans son oeuvre. J’ai justement « Home » dans ma bibliothèque et c’est sûr que je le lirai, sans doute cette année. Ta chronique m’en donne l’envie, en tout cas. Bonne journée à toi 🙂
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Bonjour Marie-Anne, comme toi, je redoutais de la lire. Alors, j’ai débuté par des romans plus courts comme «Un don» et «Home». Je te recommande d’emprunter le même chemin que moi. Bonne fin de journée! 🙂📖
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Très bonne idée ! Car j’appréhende des livres comme « Beloved », même s’ils sont sûrement magnifiques, mais durs…
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J’ai la même appréhension que toi! 😉
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Comme souvent, tu donnes très envie de découvrir ce titre dont j’ai souvent entendu parler !
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Bonne lecture alors au moment opportun! 🙂
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Merci !
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C’est l’un des romans de Toni Morrison qui ne m’a laissé presque pas de souvenirs. Je ne l’ai pourtant pas détesté dans mon souvenir.
Ce challenge me donne envie de lire et relire tout Toni Morrison mais c’est un peu éprouvant.
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Je peux comprendre ton envie de tout lire ou relire Toni Morrison. Elle possède un imaginaire et une plume extraordinaire pour nous parler de son peuple. C’est touchant, dur, vrai. Merci!!!
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Je note, ce sera le prochain roman de cette autrice magnifique, vraie et tellement attentive à l’humain. Et aussi parce qu’un grand pays prétendument démocratique interdit ses livres…
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Le Canada est son voisin et nous la lisons! 🙂📖 Et nous pouvons l’adopter! 😉 Bonne lecture et merci!
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C’est je crois la plume qui me déstabilise le plus parmi les grandes voix de la littérature… Merci pour ta participation !
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Je comprends ton ressenti car je le partage. Merci!
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Encore un titre à découvrir de la grande écrivaine qu’est Toni Morrison. Je le note et le souligne dans ma LAL, je sais qu’il me plaira. Merci pour le partage.
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Au plaisir de te lire ton ressenti sur ce roman. Merci ! 🙂
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Tu as l’air emballée ! J’ai lu ce roman et je n’en ai gardé absolument aucun souvenir, ce qui à la lecture de ma chronique était déjà le cas deux semaines après ma lecture ^^ Je suis complètement passée à côté et en te lisant, je le regrette d’autant plus.
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Dommage… mais tu sais, nous lisons tellement alors en échapper un de temps en temps, ça arrive. Merci!
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