Madame lit Quarante-quatre minutes quarante-quatre secondes de Michel Tremblay
«Le talent qu’il avait, on le lui avait refoulé dans la gorge». (p. 45)
Chère lectrice, Cher lecteur,
J’ai eu envie de plonger dans un livre québécois. Alors, j’ai regardé ma bibliothèque et mon oeil a été attiré par Quarante-quatre minutes quarante-quatre secondes de Michel Tremblay publié en 1997 par Leméac/Actes Sud. Comme il s’avère question de l’univers de la chanson québécoise et que je l’adore, je me suis dit qu’il était temps pour moi de lire ce bouquin. En plus, Michel Tremblay possède le don de savoir raconter une histoire. Je me doutais bien que j’allais passer un beau moment avec cet écrivain.
Quarante-quatre minutes quarante-quatre secondes
François Villeneuve reçoit le disque compact de ses chansons «remasterisées» qu’il a enregistrées il y a 30 ans. Il écoute en compagnie d’une bouteille de Beefeater les 10 titres dont il a écrit la musique et les paroles dans son bureau de Radio-Canada à Montréal. Par le biais des dix titres, il plonge dans ses souvenirs. Un titre à la fois, il pense à sa vie à Montréal à l’époque des boîtes à chansons dans les années 60 où Gilles Vigneault, Jean-Pierre Ferland et Claude Léveillé ont marqué la scène québécoise. Grâce à sa plume, François Villeneuve a tenté de se tailler une place parmi les grands. Il est beau comme un dieu, il est talentueux et il possède une aura extraordinaire, alors que s’est-il passé pour que cet être de génie sombre dans l’oubli? Cet être tourmenté entre sa vie de débauche et sa vie publique ressent un mal qui l’amène à se détruire à petits feux. Il veut plus que tout vivre son homosexualité et être accepté, car il a tenté de lancer un message de tolérance et d’amour universel par le biais de chansons. Le Québec est-il prêt à l’entendre?
Mes impressions
J’ai aimé l’univers de ce livre avec ses beatniks de salon ou ses existentialistes pubères. J’imaginais François en Jim Morisson québécois déambulant dans les bars de Montréal en compagnie de son ami Carmen, le nain. Je me suis tout de suite attachée à lui, à son franc-parler, à sa passion pour la création et à son mal être. Avec lui, c’est noir ou c’est blanc. Il ne possède pas de demi-mesure et je suis comme ça aussi.
Mais plus que cela, Michel Tremblay par le biais de ce livre aborde le thème de la censure au Québec. Cette censure apparaît bien souvent reliée à l’emprise que détient l’Église catholique sur la population. Elle se fait même sentir dans les boites à chansons. Les censeurs sont partout et ils attaquent la culture. Comme le fait remarquer le narrateur :
«Dans ce pays adolescent boutonneux plein de soubresauts, au seuil d’une prise de conscience vitale, où on a, à peine cinq ans plus tôt, émasculé Hiroshima, mon amour au point de le rendre méconnaissable et où, à la fin des années cinquante, on a osé bannir des ondes la chanson Jos Monferrant de Gilles Vigneault parce qu’on y retrouvait le mot «cul» – sans parler de la trilogie de Pagnol, oeuvre pourtant innocente s’il en fut, qu’on a réduite en charpie par hypocrisie-, et dans cette province éloignée qui n’a pas tout à fait décidé de se rapprocher du reste du monde, la censure est encore reine, même si elle n’est officielle, les censeurs toujours redoutables, et l’ignorance crasse y creuse toujours son nid puant. Cela achève, mais François Villeneuve, sans le savoir, en sera une des dernières victimes.» (p. 345)
Je dois avouer que je n’étais pas au courant que cette censure s’était infiltrée dans le domaine de la chanson. Apprendre que la chanson Jos Monferrant de Gilles Vigneault avait été bannie des ondes de la radio m’a choquée.
Mais encore, j’ai ressenti beaucoup de compassion pour le personnage principal, François Villeneuve. Il a osé affirmer son identité, son homosexualité, sa vérité, sa poésie. Il a chanté avec son coeur et son âme. Il est un Artiste. Le système a étouffé son génie comme il l’a fait à d’autres dans l’Histoire.
Si vous souhaitez plonger l’univers québécois des années 60, il ne faut pas hésiter à aller à la rencontre de François Villeneuve et à l’écouter enfin, en toute liberté, raconter sa réalité.
Pour en apprendre davantage sur mon amour pour la plume de Michel Tremblay, veuillez cliquer sur Québec.
Avez-vous lu des livres de la série le Gay Savoir de Michel Tremblay parue entre 1986 et 2019? C’est de mon côté le troisième que je lis de cette dernière comprenant La nuit des princes charmants, Quarante-quatre minutes quarante-quatre secondes, Le coeur découvert, Le coeur éclaté et Hôtel Bristol , New York, NY.
Bien à vous,
Madame lit
Tremblay, M. (1997). Quarante-quatre minutes quarante-quatre secondes. Leméac/Actes Sud.
ISBN : 2-7427-1123-6
Vous avez remarqué une faute dans mon article? Écrivez-moi à lit.madame@gmail.com et il me fera plaisir de la corriger. Je ne suis pas parfaite… et il m’arrive aussi d’en faire. Merci et bonne lecture!!!
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Je viens d’aller lire ton bel article sur Michel Tremblay, avec cette magnifique citation sur la lecture. Je suis bien contente d’avoir ton avis à son sujet, je pense que je vais prendre son livre pour mes vacances!
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Je suis contente de l’apprendre. Je n’ai pas lu les livres du coffret que je t’ai offert alors, j’ai bien hâte de connaître ton avis. Aussi, j’espère que tu aimeras l’univers de Michel Tremblay…
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Je te le dirai aussitôt que j’aurai terminé!
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Pagnol censuré ? Voilà qui est étonnant ! De cet auteur, je n’ai lu que La traversée du continent, que j’avais adoré et j’étais super motivée pour lire la suite, ce que je n’ai pas encore fait … Alors merci de me remettre cet auteur en mémoire !
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On apprend beaucoup en lisant… et oui, Pagnol censuré. Comme quoi! Merci et je te souhaite de plonger à nouveau dans un univers de ce grand écrivain québécois.
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J’ai lu « la nuit des princes charmants », que j’avais bien aimé mais sans plus. En revanche, j’ai adoré Les chroniques du plateau Mont-Royal. D’ailleurs, c’est sans doute parce que j’avais tellement aimé cette série de romans que La nuit des princes charmants m’avait moins enthousiasmée. Il faut parfois espacer les lectures d’un même auteur !
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Oui. Je partage ton point de vue. Je sors de temps en temps un de ses bouquins. Il faut dire que Tremblay est un auteur assez prolifique. Merci!
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Dommage je n’ai pas mes 33 tours de Gilles Vigneault ici car je pense qu’ici rien n’était interdit et que je doit l’avoir…
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Il faut vérifier!!! Il faut dire que le Québec a connu une période appelée La Grande noirceur. Le clergé dominait tout et imposait sa perception. Cette période s’est terminée autour de 1965.
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Petit côté Beat Generation, je me trompe ?
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Oui, un peu! 🙂
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