Madame lit Le Petit Aigle à tête blanche de Robert Lalonde

« Que pèse l’amour dans l’inapaisable sauvagerie de la vie ? » (p. 63)
Chère Lectrice, Chère Lecteur,
En mai, notre Club de lecture, Les têtes à Papineau, s’est penché sur le livre Le Petit Aigle à tête blanche de Robert Lalonde. Comme je suis une grande admiratrice de la plume de Robert Lalonde, j’avais hâte de découvrir ce titre. Il importe de mentionner que l’auteur a remporté le Prix du Gouverneur général dans la catégorie Romans et nouvelles de langue française en 1994 avec ce livre ainsi que le prix France-Québec/Jean Hamelin en 1995. De plus, Robert Lalonde a reçu le prix Athanase-David pour l’ensemble de son œuvre en 2023.
Le Petit Aigle à tête blanche
Aubert raconte sa vie, sur presque un siècle. Cette dernière a commencé au début des années 20 ou 30 au Québec et elle s’échelonne sur plusieurs décennies. Ce dernier est poète et il tente de retrouver le paradis perdu dont il a été chassé. Il va se retrouver dans un camp de bûcherons où il vivra ses premiers ébats sexuels avec un homme. Puis, il quitte le camp et il rencontre Pauline avec qui il ira à Paris. Cette dernière devient sa muse et ensemble, ils décident d’adopter des orphelins. Mais leur projet est menacé par sa folie ou celle des autres… Il finit comme un professeur atypique dans un collège.
Mes impressions
Encore une fois, je dois dire que j’ai été séduite par un livre de Robert Lalonde. Dans ce dernier, j’y ai retrouvé mes racines québécoises. Le Québec s’est déchiffré grâce à des hommes qui quittaient leur famille pour aller dans les camps de bûcherons en hiver et il faut relever le courage de ces derniers. La vie était difficile dans ces camps. Mon grand-père a été bûcheron. Il a même perdu un œil dans ces chantiers. Ma grand-mère a eu 11 enfants dont 10 ont survécu. Alors, j’ai beaucoup pensé à leur vie marquée par les départs et les arrivés de mon grand-père maternel qui avait une grande famille à nourrir. Aubert, en côtoyant les bûcherons, découvre l’univers de ses sens et il devient plus proche de la nature. Il apprend.
« Grande fût ma surprise et violente ma joie de l’entendre déclarer, comme parole d’évangile, que la Haute-Mauricie était le paradis, même s’il ajouta tout de suite après, que c’était l’enfer aussi. D’apprendre également qu’il y avait, en chaque homme rassemblé autour du feu, donc en moi y compris, un « primitif qui dort », et que le camp n’était pas un lieu de tout repos où l’on se prélassait en écoutant béatement les ricanements des huards et les hurlements du loup. Que l’hiver était long et démoralisant. Que la liberté du bois était un piège plus dangereux qu’une trappe à ours et que plusieurs, et des meilleurs, avaient cassé leur pipe dans l’eau gelée, entre deux masses de billots, ou bien perdu un bras, une jambe ou même juste une main à « notcher » ou à « skidder », en rêvant aux filles ou bien au mois de juillet. » (p. 96)
Alors, toute cette partie, rappelle à l’instance lectrice à quel point la vie dans les chantiers était difficile et que le Québec s’est développé dans les froids, dans les tempêtes de neige, dans les rivières gelées, dans la mort de certains bûcherons et avec les mouches noires en été. Nous devons nous souvenir de cela, car ces sacrifices ont forgé aussi notre identité.
Ce livre apparaît également comme un hommage aux poètes québécois. Ainsi, Aubert nous fait penser en raison de sa folie et de ses internements à Émile Nelligan (l’un de nos plus grands poètes québécois) qui a passé toute vie dans un asile psychiatrique. Il y a des fragments de poèmes ici et là dans le récit.
La raison fut que j’étais sans défense
l’espoir chavira dans l’exil
je ne me sens presque plus seul
ma déraison, mon coeur, mes doutes
des gagnants, des perdants
me pardonneras-tu
le soleil ne sait rien de ses cicatrices (p. 164)
Bien entendu, lire Le Petit Aigle à tête blanche invite à la réflexion. La plume de l’auteur apparaît poétique et elle est remplie de finesse. Elle est peuplée, entre autres, de couleuvres, de loups, de lacs, de criques et de soleil. L’imaginaire de l’auteur est indissociable de la nature. En fait, sa plume semble être au service de la beauté et de la violence de la nature dans des phrases aussi vivantes qu’un coup de vent. Elle tourbillonne et elle valse avec l’instance lectrice.
Mais encore, le thème de l’amour m’apparaît comme central dans cette histoire. L’amour entre le poète Aubert et sa muse Pauline. Même s’il a vécu des rapports sexuels avec des hommes, Aubert est amoureux d’une femme. Grâce à Pauline, il offre à sa lectrice ou à son lecteur, l’un des plus beaux extraits du livre (à mon humble avis…).
« […] : Pauline est éternelle, elle est l’été, le plein été infini, l’odeur de l’algue et du foin fleuri. Elle est mon recommencement, mes deux mains dans la terre, mon empêchement d’oublier, ma chanceuse lumière au bout des broussailles. Elle est « ma muse et ma buse », comme je lui déclame en riant, tandis que nous entrons dans l’eau noire d’un lac, pour calmer les piqûres de maringouins et les zébrures de ronces sur nos bras et nos cuisses. Nous nous poursuivons sous l’eau, comme deux vieilles loutres ravies, puis nous laissons sécher par la brise, assis sur une longue roche plate et chaude […]. ». (p. 241)
Même sur son lit de mort, le visage de la grande Faucheuse est celui de Pauline. Quoi de plus rassurant que le visage de l’aimée pour quitter la vie.
Mais encore, j’aurais pu aborder l’importance des thèmes comme la religion, l’Histoire, l’oubli, la nature, la sauvagerie, la violence, etc. Je me suis limitée…
Je réalise que le personnage principal qui est un poète (Aubert) me permet de participer au Printemps des artistes organisé par Marie-Anne de La Bouche à oreilles. Je suis ravie de cette autre participation.
Je vous recommande ce récit :
- Si vous voulez en apprendre davantage sur l’Histoire québécoise
- Si vous souhaitez lire un roman philosophique et poétique
- Si vous aimez le thème de la Nature
Que pensez-vous de cette lecture ?
Bien à vous,
Madame lit
Robert Lalonde, Paris, Éditions du Seuil, 1994, 267 p.
ISBN : 2-02-022733-9
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Bonjour Nathalie, merci beaucoup de cette participation au Printemps des artistes ! Rendre hommage aux poètes québécois et à ceux qui ont bâti le Québec, c’est une belle idée. Ton article me fait penser que j’ai un livre de Robert Lalonde dans ma Pal et que je ne l’ai pas encore lu. Excellente journée à toi 😊🙏📚🌟✨️
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Coucou Marie-Anne, tu as bien raison en ce qui concerne l’hommage aux poètes québécois. C’est un excellent clin d’œil! Bonne fin de journée à toi !!! 🌷🌞📖
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Une découverte totale pour moi !
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