Chère lectrice, Cher lecteur,
Une femme au début de la quarantaine vide son compte en banque, peu avant les Fêtes, part en train et aboutit à Venise. Elle vit une peine d’amour car son conjoint l’a quittée. Pour fuir la douleur et se réapproprier son cœur, elle loue une chambre dans une pension. Elle y fait la rencontre d’un vieux prince russe en chaise roulante, d’un jeune couple (Valentino et Carla), sans oublier le propriétaire, Luidgi, qui attend toujours sa fille…En se promenant dans les rues de Venise, elle découvre une librairie et se noue d’amitié avec le propriétaire, un homme à chat. Dans ce livre, il est question d’êtres écorchés ayant chacun une histoire… Et bien sûr… il y a Venise en hiver.
La plus belle saison pour Venise, c’est l’hiver, à cause de la lumière. Regardez comme ça vibre dans le marbre et sur les fresques. Si vous avez de la chance, vous verrez la neige. (p. 119)
J’aime le style de Claudie Gallay. J’ai eu le plaisir de faire connaissance avec sa plume lors de ma lecture des Déferlantes. Ce que j’apprécie le plus de ses univers romanesques, c’est l’ambiance qu’elle crée par le biais des descriptions des lieux. Ainsi, Venise apparaît dans toute sa splendeur tout au fil des pages. Du café Florian, endroit où Proust et Barrès buvaient du café les après-midi sous la peinture du Chinois, en passant par les églises ou encore par le légendaire Rialto, le lecteur est amené à vivre cette ville, à découvrir son histoire, à rêver d’errer dans ses rues labyrinthiques. De plus, il développe même ses connaissances des différentes îles entourant Venise comme l’île des vivants, l’île des morts et l’île des abandonnés.
L’île de San Michele, l’île des morts. Tous les morts de Venise. Là-bas. Ensevelis. […] On dit que les murs du cimetière s’enfoncent. Qu’un jour, les pans entiers glisseront dans la lagune et qu’ils emporteront les cercueils avec eux. On dit que ce jour-là, on ne saura plus qui est qui, et alors la mort reprendra ses droits. On dit que ce jour n’est pas loin. (p. 61)
Entrer dans ce livre, c’est occuper Venise l’espace d’un temps. C’est comprendre son rythme, c’est apprécier ses beautés et c’est découvrir ses particularités grâce à la narratrice. Le lecteur l’accompagne dans un parcours presque initiatique. Cette dernière semble se réapproprier les sens. Elle chemine intérieurement en côtoyant d’autres êtres éprouvés par les évènements de la vie. Comme elle le soulève au début :
-Et le soir du vingt-septième jour, j’ai cru avaler la mort. Ça m’a fait ça. Cette impression-là exactement. De l’avoir dans la bouche et de la déglutir. Je n’aimerai plus jamais comme ça. Avec cette certitude absolue. Quand il m’a quittée, j’ai cru mourir. (p. 15)
Pour penser ses blessures, la narratrice se retrouve à Venise, ville d’eau, pour peut-être purifier son être et renaître à la vie par le biais de cet élément. L’eau semble lui permettre de sortir de la mort.
Comme elle le relève à la fin :
La Calle delle Cappuccine. Je ne croise personne, il est encore trop tôt. La lagune. Des algues flottent à la surface. La lumière pâle sur l’eau. J’attends quelques minutes à peine, et le bateau arrive. Je ne suis pas triste.
C’est autre chose, un sentiment diffus qui me remplit. Comme si toute une part de moi s’était reconnue en vous.
Toute une part de moi.
C’est cela.
Cela seulement.
Je monte dans le bateau et je regarde la ville s’éloigner. (p. 301)
De plus, le lecteur est amené à prendre conscience de l’importance de l’eau. Cette dernière s’infiltre partout. Elle imbibe les personnages, les lieux et même le temps.
-À marée basse, l’eau s’en va mais le sel reste. Il continue de ronger. C’est une maladie. Le temps s’écoule.
Ici, insaisissable.
Plus que le temps.
Une absence de temps.
Juste le bruit de l’eau.(p. 124)
Par ailleurs, l’eau devient un élément associé à la mort pour les vieux gondoliers qui lui ont consacré leur vie. Comme le mentionne le prince russe à la narratrice :
-Un pensionnaire qui était ici avant vous m’a raconté qu’autrefois les vieux gondoliers remontaient la ville par les canaux, ils longeaient ensuite les murs du cimetière et ils ramaient droit vers le large. Le soir, on les attendait. Et puis la nuit tombait. L’emplacement de la gondole restait vide.
Le prince me regarde.
-Il y a tellement de façons de mourir… Rares sont ceux qui ont suffisamment de talent pour témoigner de cela. Music en fait partie. (p. 111)
À cet égard, dans ce récit, l’eau s’avère porteuse de vie et de mort.
Dans ce bouquin, il est aussi question d’amour à Venise. La narratrice rencontre un libraire, Dino Manzonni, et elle ressent des sentiments pour lui. En fait, elle se rend compte qu’elle est encore habitée par des émotions.
Toujours des hommes et des femmes se sont rencontrés à Venise. Toujours des hommes et des femmes se sont aimés. Ont bravé le vent.
Je vous regarde.
Je ne vous connais pas. Je vous rencontre. (p. 160)
Un peu plus loin, la narratrice reconnaît en elle le désir.
On ne se tutoie pas. On est dans cet avant de l’intime. Avant qu’on se touche. Avant qu’on se jette. Avant. Je ne sais pas.
Vos lèvres sont sèches. J’ai envie de les frôler. Avec mes doigts. J’ai envie de ça.
Je l’ai aimée cette envie-là. Avec tant d’hommes. Ce moment brûlant d’avant la peau.
Ce moment du désir.
Je l’aime avec vous encore plus.
Après vous, je ne pourrai plus. Je n’en aurai plus la force. (p. 181)
En ce sens, la narratrice en étant seule à Venise renoue avec le désir de l’autre, avec l’amour.
Mais encore, j’ai beaucoup aimé la relation d’amitié se nouant entre la narratrice et le vieux prince russe. Cet homme m’a beaucoup émue car il n’a jamais réussi à oublier son premier amour, son plus grand amour. Il est à Venise car sa Tatiana y vit dans un couvent. La narratrice fera tout afin qu’il puisse retrouver son inoubliable… Venise, c’est aussi ça…
Le prince se tait. Il a du mal à respirer. À son regard, je comprends que cet amour qu’il a éprouvé pour Tatiana n’est pas mort. Qu’il est son histoire, la seule, et que cette histoire a traversé sa vie de part en part.
Qu’elle l’a traversé et amené là, dans Venise.
Je pense à Trevor et tous les hommes que j’ai aimés.
Je pense à vous.
À cet amour que sans doute vous ne comprenez pas. Qui vous laisse étrange. Soucieux. (p. 234)
Donc, je suis vraiment contente de ce premier choix de lecture pour plonger dans les décors de l’Italie… Je ne pouvais tomber sur un meilleur livre pour aller à la rencontre de l’histoire de Venise… Qui sait ? Vais-je peut-être rencontrer un mystérieux libraire accompagné d’un chat même si Venise semble être, selon le récit, une ville sans chats? Comme il est dit :
L’absence de chats, c’est la première souffrance de Venise. (p. 65)
Que pensez-vous de cette histoire? Connaissez-vous les récits de Claudie Gallay?
Bien à vous,
Madame lit
Gallay, C. (2004). Seule Venise. Mayenne : Éditions Rouergue, 194 p.
J’ai appris à connaître cet auteur grâce à toi, depuis que tu en parles dans quelques postes… Ici, cette histoire d’évasion morale et physique est traitée de fort belle manière… Venise, la ville de l’amour… Que trouver de mieux pour se reconstruire ? Très beau choix de citations… Merci.
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Ta question est bien juste… »Que trouver de mieux pour se reconstruire? ». Venise représente probablement l’amour de soi, l’amour de l’autre, l’amour de l’histoire… Merci!
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Merci à toi…
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J’espère vous aurez assez de temps pour profiter de ce lieu unique et que vous aurez l’occasion de faire d’aussi belles rencontres…
Un texte d’atmosphère …
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Merci! Je n’aurai malheureusement pas beaucoup de temps… L’important est d’y aller et de rêver… Venise, c’est aussi ça…
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Un très bel article pour un très beau livre ! J’espère que tu te plairas à Venise, j’adorerai m’y rendre 🙂
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Merci pour ce beau compliment! J’espère que tu auras la chance d’y aller! 🙂
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j’ai deux claudie gallay dans ma pal, l’amour est une île et déferlantes, j ai prété ce dernier à ma mère en attendant, et elle a bien aimé
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J’ai beaucoup aimé « Les déferlantes ». J’espère lire « L’amour est une île » cette année! Tu m’en redonneras des nouvelles! 🙂
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Une collègue m’a prêté Les déferlantes que je devrait lire bientôt, j’espère qu’il me plaira =)
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J’espère aussi! Si tu aimes les citations dans ce billet, tu devrais apprécier « Les déferlantes », roman qui a été un coup de cœur pour l’ambiance, les personnages, les animaux…
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Une auteur que je ne connais pas du tout, mais ton article me donne envie de lire ce roman.
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Merci et je suis bien contente de vous avoir fait découvrir cette écrivaine. Bonne fin de journée et au plaisir!
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Ravie que tu aies aimé cette lecture! C’était un coup de cœur pour moi. Comme tu le dis, Claudie Gallay a un talent fou pour décrire les paysages et les ambiances… On ressent Venise comme si on y était. Ce livre est sublime. Et j’avais aussi beaucoup aimé les Déferlantes. Tu m’as donné envie de le relire!
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C’est un très beau compliment que d’inciter une autre personne à relire un récit! Merci de m’avoir lue! Nous sommes deux admiratrices de Claudie Gallay! Bonne fin de journée!
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Oui!! 🙂 je te conseille ses autres romans, je les ai tous aimés… Surtout L’or du temps!
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Je ne connais pas ce titre! Je le note tout de suite! 🙂 Un gros merci! As-tu rédigé des chroniques sur ces deux romans? J’irai te lire! Si oui, tu peux insérer les liens dans ta réponse!
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🙂 non je n’avais pas encore mon blog à l’époque!! Dommage
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Oui, j’aurais été lire tes billets. 🙂
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J’ai bien aimé cette lecture sur Venise. Ce livre dit beaucoup de choses… Surtout qu’il faut garder un espoir en l’amour à l’image de ces personnages!
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Oui! C’est ce que les personnages semblent transmettre comme sentiment… Merci pour cette observation! 🙂
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Toujours aussi bien faite vos chroniques 🙂 , il me faut découvrir cette auteure 🙂 Merci
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Un gros merci pour ce beau compliment! 🙂 Je l’apprécie beaucoup…
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J’ouvre sur cette page, on parle de Venise et j’ai logé hier à l’hôtel Venitian à Las Vegas. Je lisais dans l’avion pour m’y rendre les dernières pages de Le temps retrouvé, les pavés de Venise, ceux de l’hôtel des Guermantes et la découverte du narrateur devenant écrivain. Je suis passé deux fois à Venise et je vais me lancer dans ce livre…
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J’espère qu’il vous plaira… J’aime beaucoup la plume de Claudie Gallay… Avez-vous déjà lu ses romans? Au plaisir!
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Je ne connais pas. Les citations choisies sont d’une finesse toute amoureuse ;o)
Je partirais bien à Venise avec ce livre sous le bras et seule absolument
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Je vous comprends tellement… Venise, des livres et la solitude… Pourquoi pas?
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