«L’être que j’appelle moi vint au monde un certain lundi 8 juin 1903, vers les 8 heures du matin, à Bruxelles, et naissait d’un Français appartenant à une vieille famille du Nord, et d’une Belge dont les ascendants avaient été durant quelques siècles établis à Liège, puis s’étaient fixés dans le Hainaut. » (p. 11)
Chère lectrice, Cher lecteur,
Pour ma participation en mars au défi organisé par Moka et Fanny autour des classiques, permettez-moi de partager avec vous mes pensées sur Souvenirs pieux de Marguerite Yourcenar. En mars, le thème du défi à l’honneur est : Marguerite VS Marguerite (Duras VS Yourcenar). Encore une fois, j’ai fouillé dans ma bibliothèque car je possède beaucoup de livres de ces autrices que je n’ai pas encore lus. Puis, en fonction de mon état d’âme, je me suis laissée tenter par la première partie du triptyque, Le labyrinthe du monde, de Yourcenar s’intitulant Souvenirs pieux. Dans sa trilogie, Yourcenar raconte ses origines, son histoire et commente les événements familiaux. Voici les titres de la trilogie familiale :
- Souvenirs pieux (1974)
- Archives du Nord (1977)
- Quoi? l’Éternité…(1988)
Grâce au Labyrinthe du monde, Marguerite de Crayencourt, dite Yourcenar, devient immortelle sous sa plume. Elle s’est inventée comme un personnage de ses romans et c’est beau. C’est la représentation humaine dans toute sa splendeur et dans sa déchéance qui s’offre à nous.
Pour ce faire, Yourcenar a eu à sa disposition de nombreux documents comme des lettres, des livres, des photos, des archives. Elle a interviewé des gens, elle a donc entrepris une démarche sur le terrain.
J’ai retrouvé cette vidéo sur YouTube où elle accepte de répondre aux questions de Bernard Pivot pour l’émission Apostrophes à propos de Souvenirs pieux et d’Archives du Nord. C’est touchant d’entendre la grande Yourcenar parler de ses écrits.
Souvenirs pieux
Tout d’abord, qu’est-ce qu’un souvenir pieux? Yourcenar le mentionne dans son livre après le décès de sa mère.
«[…] : un feuillet de format assez petit pour qu’on pût l’insérer entre les pages d’un missel, où l’on voit au recto une image de piété, accompagnée d’une ou plusieurs prières, chacune d’elles portant souvent au bas, en très petits caractères, l’indication exacte des heures, jours, mois et années d’indulgence que leur récitation procurerait aux âmes du Purgatoire ; au verso, une demande de se souvenir devant Dieu du défunt ou de la défunte, suivie de quelques citations tirées des Écritures ou d’ouvrages de dévotion, et de quelques oraisons jaculatoires. » (p. 60)
Pour se souvenir des siens, Yourcenar décide de les coucher sur le papier pour leur rendre ainsi un hommage. À cet égard, elle s’interroge sur l’identité des membres de sa famille, du côté de sa mère, du côté de son père. Souvenirs pieux est composé des parties suivantes :
- L’accouchement
- La tournée des châteaux
- Deux voyageurs en route vers la région immuable
- Fernande
Yourcenar ouvre son bouquin en relatant sa naissance le 8 juin 1903 à Bruxelles et le termine par un chapitre consacré à cette mère, Fernande, qu’elle n’a pas connue, car elle morte d’une fièvre typhoïde le 18 juin laissant son père, un homme de 50 ans, seul, à l’élever. Entre ces deux parties, une tournée des châteaux belges de Flémalle, de Marchienne et de Suarlée ayant appartenu à la famille de sa mère est présentée, et un portrait de deux grands-oncles est dressé, Fernand dit Rémo qui s’enlèvera la vie et Octave Pirmez, qui a été écrivain, essayiste.
À travers ces parties, Yourcenar cherche à comprendre qui elle est en abordant ses ancêtres maternels. Elle relève des traits chez ces derniers se retrouvant également chez elle.
Ce que je pense
Chaque fois que je lis un livre de Marguerite Yourcenar, je suis toujours fascinée par sa plume. Elle manie la langue comme nulle autre et elle développe son information d’une façon éblouissante, inimitable. Par exemple, je me dis en la lisant : «Mais comment a-t-elle fait pour écrire cette phrase? Où a-t-elle été chercher cette idée?» Son génie m’apparaît bien mystérieux. Ses connaissances sont immenses, son savoir indéniable et sa manière de raconter, unique.
Alors, je pense que j’ai lu Souvenirs pieux en ressentant un immense respect pour cette autrice. J’ai aimé en apprendre davantage sur les siens, sur les châteaux, sur elle. En plus, mon conjoint est Belge et lorsque je vais en Belgique, je me rends avec lui visiter les châteaux et je dois dire que j’ai beaucoup pensé à ce pays, à la mer du Nord, un peu présente, à Liège que nous habitons lorsque nous y allons, à Bruxelles, la toute belle.
Je dois aussi dire que les Belges devraient lire ce bouquin pour connaître un peu plus leur patrimoine, la façon de vivre de leurs ancêtres, le développement de leurs villes.
J’ai apprécié également connaître des traits de la personnalité de Marguerite Yourcenar. Je ne savais pas qu’elle était sensible à la cause animale ou encore à la protection de la planète. Je me suis retrouvée dans sa façon de percevoir l’univers et la cause animale. Comme elle le mentionne :
«Cette fillette vieille d’une heure est en tout cas déjà prise, comme dans un filet, dans les réalités de la souffrance animale et de la peine humaine ; elle l’est aussi dans les futilités d’un temps, dans les petites et grandes nouvelles du journal que personne ce matin n’a eu le temps de lire, et qui gît sur le banc du vestibule, dans ce qui est de mode et dans ce qui est de routine. » (p. 33-34)
La peine humaine m’afflige, les maux de mon siècle me détruisent intérieurement et physiquement tout comme ce que l’on fait subir depuis des siècles aux animaux. C’est l’horreur… et c’est pourquoi je suis végétarienne depuis presque 30 ans. Comme elle, je déteste les futilités de mon siècle et je crois que le temps est précieux et qu’il ne faut pas le gaspiller. En somme, je déteste perdre mon temps.
Mais encore, les souvenirs ouvrent une voie en soi, ils peuvent faire trembler un rêve, ils peuvent creuser un trou dans notre inconscient, ils peuvent nous habiter longtemps. Comme le mentionne Yourcenar sur cette envolée sur la mer du temps :
« C’est à l’intensité que se mesure un souvenir». (p. 199)
Donc, je dois dire que je suis bien heureuse d’avoir lu Souvenirs pieux. Je vous recommande ces souvenirs si vous voulez découvrir un peu plus la destinée de celle qui fut la première dame à être admise à l’Académie française. Elle a ouvert la porte, certaines et certains diront enfin, aux autrices dans ce temple encore si masculin.
Ce récit a été lu dans le cadre du défi Les Classiques, c’est fantastique créé par Moka et Fanny car en mars, il fallait lire un classique de Marguerite Duras ou de Marguerite Yourcenar.
Avez-vous lu des livres du Labyrinthe du monde de Marguerite Yourcenar?
Bien à vous,
Madame lit
YOURCENAR, Marguerite. (1988). Souvenirs pieux. Paris : Gallimard, coll. Folio, 370 p.
ISBN : 2-07-037165-4
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Eh bien, tu es la première participante au RDV que je lis et voilà que ma curiosité est déjà titillée avec ta chronique. Moi qui ne me sentais pas particulièrement attirée par Yourcenar, ça va peut-être changer ! Apparemment tu as lu d’autres livres d’elle : m’en conseilles-tu un en particulier pour une première lecture ?
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Je te conseille «Les mémoires d’Hadrien» car il y a tout de même une belle histoire d’amour et c’est intéressant d’en apprendre plus sur un empereur qui aimait l’Art. Merci!
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J’espère que toutes celles qui l’auront lu ce mois-ci me donneront envie ! Merci à toi !
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Ton admiration, ton appréciation pour l’oeuvre de cette écrivaine sautent aux yeux à la lecture de ton article. Comment résister à l’envie d’entreprendre la lecture des textes de Marguerite Yourcenar? Et quelle satisfaction pour toi de lire ce livre!
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Ce fut une belle lecture. La question aussi est comment ne pas admirer le talent de cette écrivaine? Elle a tout de même été la première femme à être admise à l’Académie française… c’est un exploit. J’espère que tu pourras te lancer un jour à sa rencontre par le biais de ses bouquins. Merci!
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Encore un livre que tu as lu et qui se trouve sur mes étagères !
L’autre Marguerite… un régal de l’entendre parler. Quelle femme ! Trop méconnue, je trouve.
Merci Madame de la mettre à l’honneur.
Je suis impatiente de mieux la connaître.
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Je te souhaite une belle rencontre alors avec ce génie littéraire. Nous devrions comparer nos étagères! Ça serait un exercice intéressant. 🙂 Merci!
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Bonjour Nathalie ! Je n’ai lu qu’un ou deux livres de Yourcenar et j’ai été chaque fois éblouie par sa belle écriture. Son recueil de nouvelles orientales m’a particulièrement plu. J’aimerais lire d’autres livres d’elle et c’est sûr que je le ferai. Belle journée à toi 🙂
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Bonjour Marie-Anne, j’ai bien aimé son recueil aussi de Nouvelles orientales. Je l’ai dans ma bibliothèque et je l’ai lu il y a bien longtemps. Merci pour ton commentaire! 🙂
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J’ai lu (pour le challenge justement…) Archives du Nord mais je m’étais un peu ennuyée.. Te lire me donne envie de lire ce premier tome.
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J’ai souhaité débuter par le premier tome car j’avais peur d’être perdu… J’irai te lire!
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