Madame lit Les Disgracieuses de Claudia Larochelle

« Un des avantages de vieillir, c’est certainement de mieux gérer le désamour, de ne plus attendre les fleurs ou les chercher.» (p. 60-61)
Chère Lectrice, Cher Lecteur,
Pour ma participation à la Masse critique québécoise organisée par Babelio, j’ai reçu le bouquin Les Disgracieuses de Claudia Larochelle, publié par Québec Amérique dans la Collection III. Par ailleurs, je profite de ce billet pour remercier la maison d’édition pour l’envoi de ce livre. Claudia Larochelle est connue au Québec en tant que chroniqueuse littéraire, journaliste, écrivaine, animatrice, etc. Alors, je suis un peu intimidée de rédiger ce billet, car la référence littéraire au Québec, c’est beaucoup elle. Pour mes abonnés-ées européens-nes, voici une présentation de l’autrice tirée du site web de Québec Amérique :
« Journaliste, animatrice et écrivaine, Claudia Larochelle a la littérature gravée sur le cœur. Qu’il s’agisse de son émission Claudia à la page sur Savoir média, de ses chroniques à Radio-Canada, dans Le Devoir, Elle Québec, Les libraires ou Avenues.ca, elle sait rendre sa passion communicative. Chouchou des tout-petits avec sa série d’albums à succès mettant en scène la doudou, cette mère de deux enfants a d’abord fait sa marque comme autrice avec Les bonnes filles plantent des fleurs au printemps et Vol 459 : Les îles Canaries. Elle a aussi consacré à sa grande amie Nelly Arcan un ouvrage inspiré et inspirant, Je veux une maison faite de sorties de secours. »
Tout d’abord, il importe de comprendre le but de la Collection III de Québec Amérique. À la première page du livre, voici l’information affichée :
« III pour trois souvenirs.
Les pages qui suivent renferment trois récits inspirés de moments marquants dans la vie de l’autrice. Peut-être s’y glisse-t-il une part d’invention. Peut-être pas. »
Alors, l’instance lectrice est avisée. Ce qu’elle va retrouver à l’intérieur des Disgracieuses peut être tributaire de la réalité ou pas. Intéressant comme concept de rédaction pour une collection de livres ?
Comme mentionné, ce livre est divisé est trois parties :
- Le cagibi de la hantise
- Frankenstein sur les ailes d’Ingeborg
- Qui se nourrit d’attente risque de mourir de faim
Dans la première, il est question de la vie de la narratrice lorsqu’elle était étudiante au secondaire et qu’elle et ses amies arpentaient les couloirs d’un couvent dirigé par des religieuses pour recevoir leur éducation. Au Québec, les Sœurs et les Frères ont continué d’enseigner bien après le dépôt du Rapport Parent (1962-1966) qui avait pour but de réformer le système scolaire pour séparer l’église et l’éducation. En ce sens, Claudia Larochelle semble avoir fait partie des dernières cohortes à fréquenter un couvent et à recevoir une éducation donnée par des religieuses. Dans cette partie, nous apprenons, entre autres, qu’elle a porté l’uniforme, convoqué les esprits cachée dans un cagibi sous les escaliers par le biais d’une table Ouija et qu’elle observait de loin les Précieuses du Collège Durocher. C’est le temps de l’amitié. La sororité apparaît omniprésente dans ce livre . Comme elle le fait remarquer à propos des drôles de séances de spiritisme :
« Je trouvais mes amies supérieures à toutes les autres, et tout ce que j’accomplissais, je le faisais en les sachant tout près, unies que nous étions par ces esprits qu’on convoquait et qui, croyait-on, nous garderaient liées pour toujours. On se promettait un futur de proximité ; des voyages au bout du monde et des enfants qu’on porterait en même temps, à l’issue de longues études qui garantiraient le luxe dont on rêvait. Nous bercer d’illusions communes scellait notre amour ou ce que nous en imaginions. Sans les garçons. On se savait plus libres, et pourtant, on ne pensait qu’à les retrouver. » (p. 21)
Bien sûr, j’ai souri en lisant certains passages, car j’ai pensé à mon adolescence et à mes amitiés. Nous avons certainement des points en commun Claudia et moi…De mon côté, ce n’était pas la table Ouija, mais le tirage de cartes qui animait certaines de mes soirées avec mes amies ou encore le jeu de l’aiguille pour connaître le nombre d’enfants que nous aurions et leur sexe.
Dans la seconde partie, Frankenstein sur les ailes d’Ingeborg, il s’avère intéressant de soulever le début de la carrière journalistique de l’autrice. Nous découvrons l’univers sexiste dans lequel elle a été plongée. Elle dit même qu’elle espère faire partie de la dernière génération sacrifiée au travail. Que de désillusions professionnelles pour la narratrice ! Elle a failli laisser sa peau dans l’alcool, la cocaïne ou les médicaments. De plus, elle nomme son groupe d’amies « Les Veilleuses ». Ces dernières apparaissent très importantes et elles sont associées à la satisfaction du plaisir immédiat : « Boire. Fumer. Danser. Baiser.» (p. 73) Mais encore, la narratrice aborde le monstre qu’elle a dû devenir « pour ne pas donner raison à ses détracteurs ». Pour se reconstruire, elle a dû attendre la maternité. De mon côté, en tant que professeure de français, je n’ai pas eu à vivre de la discrimination, sauf lorsque j’ai occupé des fonctions dans l’exécutif syndical de ma section locale. Je n’irais pas plus loin dans mes dires…
Dans la troisième partie, Qui se nourrit d’attente risque de mourir de faim, les thèmes principaux sont l’amour et la maternité. Nous lisons toute l’angoisse ressentie par la narratrice alors qu’elle attend un homme, un homme marié, dont elle est follement amoureuse. Cette attente la consume, la détruit, l’isole dans une terrible solitude.
« En amour, il arrive qu’on vive enfermé à l’intérieur de soi-même. Theo triait sur le volet les amies à qui je pouvais parler de notre histoire. » (p. 111)
Combien de femmes ont connu cette attente ? Je l’ai connue trop de fois. Et puis, il y a la rencontre avec le père de ses enfants et celle de son bien-aimé. Comme quoi, la vie, la vie. Cette dernière jongle bien souvent avec la mort. Les deux sont indissociables.
Mais encore, Claudia Larochelle est une passionnée de littérature. Dans ce livre, elle cite des grandes autrices, des Consolantes, comme son amie Nelly Arcan, Virginie Despentes, Annie Ernaux, Colette ou Sylvia Plath pour ne mentionner que ces dernières. La littérature au féminin comme salut de l’âme, j’adhère. Et si le désir de vivre, d’être libre, de s’émanciper trouvait sa source dans les mots des autres, puis de soi ?
Je vous recommande ce livre sans hésitation :
- Si vous souhaitez découvrir trois moments importants dans le vécu d’une femme
- Si vous voulez vivre une époque du Québec, celle avant #metoo
- Si vous désirez découvrir les croustillantes réflexions d’une dame de chez nous (des réflexions authentiques, remplies de vulnérabilité)
Connaissez-vous Claudia Larochelle en tant qu’autrice ou journaliste ?
Bien à vous,
Madame lit
Claudia Larochelle, Montréal, Québec Amérique, coll. III, 133 p.
ISBN : 978-2-7644-5258-5
Vous avez remarqué une faute dans mon article? Écrivez-moi à lit.madame@gmail.com et il me fera plaisir de la corriger. Je ne suis pas parfaite… et il m’arrive aussi d’en faire. Merci et bonne lecture!!!
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Je connais Claudia Larochelle comme journaliste. C’est aussi une amie que je rencontrais régulièrement au moment du salon du livre de Montréal. Ton texte est vraiment intéressant et nous fait découvrir des moments de la vie de cette femme écrivaine et journaliste. Très bon ton texte comme toujours!
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Merci beaucoup ! Est-ce que tu penses lire ce livre de Claudia Larochelle ?
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Certainement et j’ai hâte de découvrir ce dont tu fais mention dans ton article.
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Bonne lecture et j’ai hâte de découvrir ton avis!
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Bonjour Nathalie, je ne connaissais pas Claudia Larochelle avant de lire ton article. Je sens que les femmes de notre génération peuvent y retrouver des choses vécues. Intéressant ! Merci de cette chronique et bonne journée à toi 😃 🍁🙏🌞
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C’est tout à fait cela. Je me suis retrouvée à bien des égards dans ce livre. Merci Marie-Anne et bonne fin de journée du Souvenir! 🌺
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Je trouve excellent le point de départ de cette collection !
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Oui! Je vais certainement lire d’autres titres de cette collection. Merci!
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