Madame lit Nikolski de Nicolas Dickner

« Le compas Nikolski repose sur le plancher, près du sac de couchage, toujours pointé 34º à l’ouest du nord. J’effile son cordon rouge cerise autour de mon cou. » (p. 25)
Chère Lectrice, Cher Lecteur,
Pour notre rencontre mensuelle de janvier 2025 du Club de lecture Les têtes à Papineau, nous avons lu Nikolski de Nicolas Dickner publié en 2005 aux Éditions Alto. Je dois dire que ce choix de livres était assez osé, car ce bouquin s’avère postmoderne et il fallait comprendre ce courant pour bien en saisir le sens. La postmodernité présente, entre autres, des êtres désenchantés dont l’identité est fragmentée en raison de la perte de repères culturels et sociaux. De plus, la technologie et l’informatique ont modifié le devenir de l’être humain. Les relations entre les êtres humaines sont alors dénaturées et elles génèrent une solitude.
De mon côté, je souhaitais découvrir ce livre depuis un bon bout de temps, car je savais qu’il avait été couronné de nombreux prix littéraires comme le Prix Anne-Hébert, le Prix des collégiens, le Prix des libraires et le Prix printemps des lecteurs de Bordeaux.
Tout d’abord, qui est Nicolas Dickner ?
Selon Les Éditons Alto :
« Nicolas Dickner est né à Rivière-du-Loup, a voyagé en Amérique latine et en Europe avant de jeter l’ancre à Québec puis à Montréal, où il vit aujourd’hui avec sa famille. Il signe en 2005 Nikolski, qui remporte le Prix des libraires du Québec, le Prix littéraire des collégiens ainsi que le prix Anne-Hébert et qui est, à ce jour, traduit dans une dizaine de langues. Tarmac, son deuxième roman paru en 2009, est également traduit dans plusieurs pays. Six degrés de liberté est son troisième roman, il a obtenu le Prix littéraire du Gouverneur général.»
Nikolski
Noah et Joyce s’établissent à Montréal après avoir laissé le monde de l’enfance derrière eux. L’un va étudier l’archéologie à l’université, l’autre souhaite devenir une pirate des temps modernes pour suivre l’exemple de ses ancêtres. Un libraire solitaire dont le nom est inconnu y vit déjà. Ils ne se connaissent pas. Ils vont tenter d’apprendre à vivre dans la grande ville et surtout, ils vont découvrir peu à peu qui ils sont.
Mes impressions
D’emblée, je dois dire que j’ai énormément ressenti de plaisir en lisant ce texte. Pourquoi ? Parce que c’est un récit intelligent, énormément travaillé, fouillé et dont les liens ne cessent de surprendre l’instance lectrice et de s’établir dans sa tête après avoir refermé le livre. Il faut probablement plus d’une lecture pour en apprécier toutes les nuances. Dans cet univers postmoderne, les êtres sont aux prises avec les échecs de la modernité. Ils sont désenchantés par les produits tributaires de la consommation à outrance. Pour moi, le thème des ordures est particulièrement représentatif de l’échec de la société de consommation qui a engendré des problèmes planétaires terribles et des conséquences environnementales néfastes.
«- En règle générale, les archéologues ne s’intéressent pas tellement aux nomades. Plus une population voyage, moins elle laisse de trace. On préfère étudier les civilisations qui s’installent, construisent des villes et produisent beaucoup de déchets. Rien n’est plus intéressant que les déchets. Ils nous en apprennent plus que les œuvres, les bâtiments ou les monuments. Les déchets dévoilent ce que tout le reste tente de cacher. » (p. 150)
Dans cette histoire, Noah suit les cours d’un professeur en archéologie spécialisé dans les ordures. Puis, Joyce, la nuit, va fouiller dans les bennes à ordures pour trouver du matériel informatique pour assembler son ordinateur. La piraterie, c’est une « affaire d’autodidacte». De plus, cette dernière se rend dans la librairie de livres usagés tenue par le narrateur libraire sans nom pour trouver des ouvrages sur l’informatique pour apprendre à maîtriser les différents langages de programmation et à comprendre l’informatique. Les livres usagés, dans cette librairie, n’intéressent pas beaucoup de personnes. Ils sont là, entassés dans des boîtes en carton, alors qu’auparavant, ils représentaient le savoir, la richesse. On les exhibait dans les salons pour démontrer son savoir. Les différents objets à 1 $ les ont remplacés. Personne n’en veut. Dans cette société postmoderne, on comprend encore bien le « ceci tuera cela » de Victor Hugo.
L’autre thème intéressant relié à la société postmoderne, c’est la solitude moderne (caractéristique de la postmodernité) et le repliement de soi. Chaque personnage s’isole pour tenter de trouver un sens à sa vie. On vit pour soi. La modernité et ses grands concepts ont échoué et ont plutôt engendré un humain qui préfère vivre seul. Joyce vit seule dans son 1 1/2 le libraire est seul la plupart du temps, Noah habite au milieu d’immigrants et il va à la bibliothèque pour travailler seul. Mais encore, le capitalisme qui devait apporter la liberté à l’être humain a au contraire fait de lui un esclave des objets. Chacun est rivé sur sa solitude avec ses objets. Comme le fait remarquer le libraire après avoir vidé seul la maison de sa mère, dont le contenu lui apparaissait inépuisable, après sa mort :
« Il m’a fallu deux semaines pour remplir les trente sacs de vidange que, ce matin, les vidangeurs enfournent dans le camion. Mille huit cents litres d’ultra-plastique, trente ans de vie. » ( p. 25 )
Une vie, ça se termine dans des sacs de vidange.
Nos personnages tentent de s’en sortir malgré tout. Joyce avec son ordinateur recyclé, le narrateur et les livres usagés, Noah et son désir d’écrire une thèse en lien avec les ordures.
De plus, on travaille pour consommer toujours plus et produire encore plus de déchets. D’ailleurs, on peut même y retrouver un cadavre comme l’a fait Joyce :
«Une femme gît dans les sacs de vidanges – sans doute une employée jetée aux ordures à la suite de réductions de personnel. »
Le corps devient ainsi un objet insignifiant comparable à une pelure de banane jetée dans la poubelle. L’anonymat de la mort est puissant ici. Après avoir occupé une fonction au sein d’une entreprise, la travailleuse est jetée dans un sac de poubelle comme le pense Joyce. Terrible comme perception?
Les dépotoirs deviennent ainsi les cimetières des temps modernes !
« Où vont les vieux IBM mourir ? Où se trouve le cimetière secret des TRS-80 ? Le charnier des Commodores 64 ? L’ossuaire des Texas Instruments ? » (p. 112)
La quête identitaire des trois est indissociable du territoire. Les trois personnages trouveront leur point d’ancrage : Montréal. Un Montréal avec ses immigrants, avec ses habitants, avec son anonymat, avec ses camions de vidange. Une recherche de plaisir pour soi !
Je n’ai pas parlé de tout ce que ce livre a d’important comme la signification du titre… Je vous laisse la découvrir !
Je vous recommande ce roman si :
- Vous appréciez les histoires intelligentes
- Vous aimez les romans postmodernes
- Vous adorez faire des liens
Que pensez-vous de mon article ?
Bien à vous,
Madame lit
Nicolas Dickner, Québec, Alto, 2005, 325 p.
ISBN : 9782923550060
Vous avez remarqué une faute dans mon article? Écrivez-moi à lit.madame@gmail.com et il me fera plaisir de la corriger. Je ne suis pas parfaite… et il m’arrive aussi d’en faire. Merci et bonne lecture!!!
Cet article contient des liens d’affiliation grâce à un partenariat avec la coopérative des Librairies indépendantes du Québec. Vous pouvez commander Nikolski de Nicolas Dickner par le biais du site Web des Libraires grâce à un lien sécurisé. Je recevrai ainsi une petite redevance qui ne vous coûtera rien.


J’aime les romans intelligents. Je ne suis pas sûre d’avoir déjà lu de romans postmodernes, mais je prends note de celui-ci! Merci et belle journée Nathalie!
J’aimeAimé par 1 personne
Merci ! 🙏🏻 C’est un auteur qui mérite qu’on s’y attarde. Bonne fin de journée à toi! 🙂
J’aimeAimé par 1 personne
Bonjour Nathalie, je n’ai jamais lu de roman postmoderne ou du moins il ne me semble pas. C’est vrai qu’il a l’air très intelligent et une dénonciation de nos sociétés. C’est terrible cette femme qu’on jette dans un sac poubelle, horrible. Ça me fait penser à Kafka, La métamorphose, où le héros finit à la poubelle également. Merci pour cette suggestion de lecture ! Bonne semaine à toi 🙏 📚🤩✨️🌟
J’aimeAimé par 1 personne
Merci Marie-Anne, c’est un regard assez juste de nos sociétés postmodernes qui est effectivement présenté. C’est triste mais tant que l’être humain ne se rendra pas compte de son absurdité, il est condamné à croupir sous les ordures engendrées par nos sociétés de consommation. C’est mon humble opinion. Bonne semaine à toi aussi!!! 🙏🏻📖❄️💫
J’aimeJ’aime